Hier, dans une tribune publiée dans Le Figaro, 100 sénateurs ont dénoncé le contenu du programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle. L’un des signataires de la tribune, Olivier Paccaud était invité de la matinale de Public Sénat. Le sénateur de l’Oise estime que cet enseignement ne doit pas être réalisé par des associations, mais par les parents ou par les enseignants.
Aide active à mourir : le gouvernement face aux divisions du Parlement
Par Romain David
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C’est un texte qui s’annonce comme l’un des plus gros chantiers du second quinquennat d’Emmanuel Macron. L’un des plus sensibles aussi. Les contours du projet de loi sur la fin de vie, promis par le chef de l’Etat le 3 avril dernier, se précisent. Le texte s’oriente bel et bien vers l’ouverture d’un droit pour une aide active à mourir, indique le journal Le Monde ce jeudi 27 juillet. Une information confirmée par Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, sur BFM TV. Ce droit ne devrait concerner que les personnes, majeures, atteintes d’une maladie incurable, dont le pronostic vital est engagé à moyen terme, et capables d’exprimer en pleine conscience et de manière réitérée leur choix. En revanche, de nombreuses questions restent encore en suspens. Notamment sur le rôle des médecins et des soignants, ou encore sur la possibilité d’accompagner le suicide assisté d’une « exception d’euthanasie » pour pouvoir répondre à certaines situations bien particulières.
Le texte devrait se diviser en trois volets : un premier volet consacré au renforcement des soins palliatif sur le territoire, une partie sur la « mort choisie » – formulation que souhaite privilégier Agnès Firmin-Le Bodo, la ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, en charge de ce dossier, par rapport à celle de « suicide assisté » ou « d’euthanasie » -, et enfin un dernier volet plus spécifiquement consacré aux familles, avec des mesures à l’attention des parents endeuillés. « La ministre espère s’appuyer sur ce triptyque pour construire un consensus en gagnant suffisamment de voix au Parlement dans les rangs les plus récalcitrants », glisse la sénatrice PS Michelle Meunier, co-auteure d’un rapport de la Chambre haute sur la fin de vie. « Je pense qu’elle ne pourra pas maîtriser son texte. Les sujets sont trop vastes, et je ne suis pas sûr que l’atterrissage soit celui escompté », avertit néanmoins la sénatrice apparentée LR Corinne Imbert, autre rapporteure des travaux du Sénat sur la question.
Un travail de « co-construction » limité
La Convention citoyenne sur la fin de vie s’est prononcée à 75,6 % en faveur d’une aide active à mourir avec, toutefois, des nuances très marquées sur les modalités d’exercice de ce droit et son champ d’application. Elle avait également estimé que la mise en place du suicide assisté devait nécessairement s’accompagner d’une légalisation de l’euthanasie pour éviter de créer des situations d’inégalité, notamment vis-à-vis des malades qui n’ont plus les moyens physiques d’accomplir le geste fatidique. Emmanuel Macron avait indiqué que le gouvernement s’appuierait sur leurs travaux.
Sur ce dossier, l’exécutif fait valoir une méthode de « co-construction », formule incantatoire chère à la macronie, mais qui s’est souvent heurtée aux dures réalités de la vie politique. Ainsi, le groupe de travail parlementaire que le gouvernement a voulu mettre en place a été déserté par la quasi-totalité des sénateurs et par les députés LR. « Il n’était pas question de faire la loi, plutôt de participer à des déplacements et de mener des auditions », reconnaît l’écologiste Raymonde Poncet-Monge, l’une des rares élues du Sénat à avoir répondu présente.
« C’est une sorte de piège politique. Le gouvernement a voulu essayer d’enfermer les sénateurs et les députés. Je ne vois pas comment les parlementaires qui ont contribué à ce texte vont pouvoir l’amender », décrypte Corinne Imbert. « Nous ne sommes qu’au tout début du processus législatif. Le gouvernement s’est engagé à ne pas enclencher de procédure accélérée. Il va falloir donner du temps au temps. En général, la règle pour les textes de bioéthique, c’est une adoption par consensus entre les deux chambres », souligne le sénateur apparenté socialiste Bernard Jomier, spécialiste des questions de santé. Agnès Firmin-Le Bodo s’est engagée à présenter un texte en conseil des ministres cet été. La ministre aime toutefois à rappeler que l’été s’achève le 23 septembre. Comprenez : le projet de loi sur la fin de vie fera partie des grandes thématiques de la rentrée.
La droite vent debout, la gauche prête à enrichir le projet de loi
Si l’exécutif doit pouvoir s’appuyer sur sa majorité relative et une partie de l’opposition de gauche pour avancer à l’Assemblée nationale, du côté du Sénat, la fracture gauche/droite tourne à plein sur ce sujet. La majorité sénatoriale de droite et du centre souhaite mettre l’accent sur le renforcement de l’application de la loi Claeys-Leonetti et le développement des soins palliatifs, estimant que la législation actuelle, qui autorise la sédation profonde et continue jusqu’au décès, suffit à répondre à l’immense majorité des cas de figure.
« Nous en sommes déjà au cinquième plan national de développement des soins palliatif. Si on légifère en faveur d’une aide active à mourir par défaut, ce sera un constat d’échec », estime Corinne Imbert. La droite redoute également certaines dérives. « Il y a un business qui est prêt à se mettre en place. Les mutuelles se sont invitées dans le débat. Il n’y a pas besoin de grandes études pour savoir que l’euthanasie coûtera moins cher que des soins palliatifs », pointe encore l’élue.
La gauche, une fois n’est pas coutume, salue plutôt les orientations prises par l’exécutif. « Il y a une forme de courage politique de leur part de s’attaquer enfin à ce sujet », reconnaît Raymonde Poncet-Monge. « J’ai fait savoir à la ministre que compte tenu de son positionnement, elle trouverait une alliée en moi », assure Michelle Meunier. À l’origine d’une proposition de loi (PPL) pour le droit à mourir dans la dignité, dont l’examen en 2021 n’était pas allé à son terme, la sénatrice PS Marie-Pierre de la Gontrie a redéposé un texte similaire sur le bureau du Sénat, manière pour les socialistes d’annoncer la couleur sur les amendements qu’ils porteront face au projet de loi du gouvernement. À titre d’exemple, l’article 3 de cette PPL qualifie le suicide assisté de mort « naturelle ». L’article 4 autorise un tiers de confiance à transmettre les dernières volontés d’une personne qui ne serait plus en état de s’exprimer.
Définir le rôle des médecins et du personnel médical
Le sénateur Bernard Jomier affiche pour sa part une position particulièrement nuancée au sein de son groupe. S’il est persuadé qu’un « large consensus » est possible sur l’aide active à mourir, l’euthanasie en revanche, ne lui paraît pas une évolution souhaitable. Ce médecin de profession rappelle régulièrement que « donner la mort n’est pas un soin », un leitmotiv également porté par la société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), qui regroupe les principaux acteurs du secteur.
La question du rôle donné aux soignants est une pierre d’achoppement pour l’exécutif. Selon nos sources, le modèle de suicide assisté de l’Oregon, Etat pionnier sur cette question aux Etats-Unis, et celui de la Suisse, ont été scrutés de très près par la ministre, un haut responsable gouvernemental évoque même l’idée d’une « synthèse » entre ces deux législations avec « une exception d’euthanasie » pour certaines pathologies comme la maladie de Charcot. De l’autre côté du Lac Léman, ce sont des associations et des bénévoles agrémentés par l’Etat qui accompagnent les personnes souhaitant avoir recours au suicide assisté.
En France cette piste pourrait-elle permettre de contourner les réticences du corps médical ? « Personne n’imagine se passer du monde médical, puisque c’est lui qui pose le diagnostic », observe Bernard Jomier. « Participer à l’évaluation de l’accès au droit n’est pas mettre en œuvre le droit. Il y a une différence d’application très nette. Je rappelle, en outre, que les soignants ont dans leur code de déontologie le devoir d’aider leurs patients à accéder à leurs droits. »
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