Répondre aux inquiétudes des patients de jour comme de nuit
Après une journée de travail, Nathalie Delachapelle évoque son quotidien à l’heure de la pandémie.
Un quotidien qu’il a fallu adapter aux contraintes de la maladie à laquelle elle est confrontée chaque jour lors de ses visites à domicile. Un métier, celui d’infirmière libérale, qu’elle a dû « réinventer ».
« Cette nuit, j’ai été réveillée par l’appel d’un patient inquiet, au lieu d’appeler les urgences ou le Samu, c’est à moi qu’il a pensé car il me connaît bien. Il ne respirait pas bien, ne savait pas quoi faire. Après cela, je n’ai pas réussi à me rendormir ».
Être disponible le jour mais aussi parfois la nuit, pour la soignante la pandémie de coronavirus a décuplé les inquiétudes des malades, ceux atteints du covid mais aussi les autres. Elle explique : « En ce moment, il y a un fort afflux de patients en forte détresse psychologique ». Des patients qui parfois sortent de l’hôpital et ont besoin d’accompagnement médical mais aussi d’explication, d’autres, souvent âgés que le confinement isole encore d’avantage.
Conserver un lien malgré la distanciation et les précautions à prendre
« Un matin, je suis arrivée chez une dame de 90 ans qui m’avait préparé des crêpes… Elle me dit : tu viens déguisée, comme pour le Carnaval alors je te fais des crêpes ». L’anecdote fait sourire mais elle montre aussi le lien qui unit patient et soignant
Mais à virus exceptionnel, dispositif exceptionnel, masque, surblouse, charlotte sur la tête et éventuellement surchaussures, pour assurer ses consultations, Nathalie s’équipe et explique « c’est une autre façon de travailler qu’il a fallu expliquer, quand je suis chez quelqu’un maintenant, je ne peux plus m’asseoir, je ne touche à rien, je ne m’approche pas trop et mes mains sont protégées par des gants. Et ces crêpes, je n’ai même pas pu les manger avec elle car je ne peux pas enlever mon masque pendant les consultations ».
Être en première ligne avec un petit goût amer… celui de l’abandon
Pour les soignants libéraux, infirmiers et médecins à domicile, il faut donc gérer depuis les premiers cas de coronavirus des situations « stressantes » et remédier à certains manques comme le souligne Nathalie Delachapelle.
Les spécialistes, pédicures ou kinésithérapeutes, non plus le droit se déplacer chez les gens, donc il faut prendre le relais quand cela est possible.
Ainsi, quand elle vient pour prodiguer ses soins, l’infirmière fait faire, quelques pas à une personne âgée à qui on a mis une prothèse de hanche juste avant le confinement, privée de rééducation.
Pour Nathalie Delachapelle tout cela « accentue la souffrance », qu’elle et certaines de ses collègues ressentent : « celle de ne pas être reconnu à leur juste valeur par les autorités. D’être de plus en plus invisible ».
Penser à l’après avec difficulté
Pour la soignante, près de trois après le début de l’épidémie en France, beaucoup de choses manquent encore pour permettre aux personnels de santé libéraux de travailler dans les meilleures conditions. « Bien sûr, donner du matériel à tout le monde en même temps, hôpitaux, libéraux, c’est n’est pas possible, mais quand même… concernant les masques, par exemple, on a l’impression bizarre que le gouvernement a passé des commandes qui mettent beaucoup de temps à arriver et le temps presse ».
Cette semaine, elle a reçu pour dotation 6 masques FPP2 et 12 masques chirurgicaux… « insuffisant quand on côtoie des covid toute la journée »
Alors pour le reste, Nathalie Delachapelle a recours à la solidarité de ceux qui l’entourent, professionnels du bâtiment, peintre, particuliers qui fouillent dans les caves et les greniers… « Actuellement, je travaille avec un masque du BTP ».
Alors quand on lui parle de déconfinement, elle reste prudente. « Pour moi impossible de me projeter sur le déconfinement, nous manquons déjà de matériels, alors comment les gens vont-ils faire pour sortir, emmener les enfants à l’école… »