Ce 7 décembre, le groupe LR à l’Assemblée nationale a profité de sa niche parlementaire pour examiner cette proposition de résolution qui a donc été rejetée par 151 voix contre 114. En plein examen du projet de loi immigration à la chambre basse, le gouvernement a affirmé, par la voix d’Élisabeth Borne, être ouvert à une renégociation de l’accord mais pas à une dénonciation. « Le gouvernement s’oppose à la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968, et défend au contraire la nécessité de l’ajuster », a déclaré dans l’hémicycle le ministre délégué chargé du Commerce extérieur, Olivier Becht. Selon l’Insee, en 2021, 887 000 ressortissants algériens vivaient en France. L’accord de 1968 « fait suite aux accords d’Evian de 1962 qui prévoyaient la libre circulation entre les deux pays pour les ressortissants algériens », rappelle Brahim Oumansour, directeur de l’observatoire du Maghreb et chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques qui estime que « la profondeur de la relation entre les deux pays est symbolisée par cet accord ».
Un régime spécial facilitant l’installation
Si les ressortissants algériens bénéficient d’un régime spécial, l’accord encadre précisément les conditions d’obtention d’un certificat de résidence, qui est différent des titres de séjour délivrés par la procédure de droit commun. Les certificats de résidence sont attribués pour une durée d’un an et peuvent, au bout de 3 ans, permettre d’obtenir un certificat de résidence d’une durée de 10 ans.
« Un certain nombre de titres de séjour sont régis par l’accord, comme le regroupement familial par exemple », explique Camille Escuillié, avocate, au barreau de Paris, spécialiste en droit de l’immigration. « Le plus favorable peut-être pour les parents d’enfants français et les conjoints de Français qui peuvent obtenir un certificat de résidence de 10 ans, contre 1 an dans le régime général », continue Camille Escuillié. L’obtention n’est cependant pas automatique et les parents d’enfants français doivent résider légalement sur le territoire français et exercer l’autorité parentale sur leur enfant. Par ailleurs, les ressortissants algériens peuvent faire une demande de certificat de résidence au titre du regroupement familial au bout d’un an contre 18 mois dans le régime général. La demande doit néanmoins respecter les mêmes conditions de ressources et de logement que dans le cadre du régime général.
Certaines dispositions de l’accord « excluent les Algériens d’un certain nombre de titres de séjour prévus par le régime général »
« Certaines dispositions sont un peu plus favorables pour les ressortissants algériens, mais d’autres excluent les Algériens d’un certain nombre de titres de séjour prévus par le régime général », rappelle Camille Escuillié. « Certains titres de séjours ne sont pas accessibles, notamment ceux créés par les lois de 2003, 2016 et 2018 dont la carte de séjour pluriannuelle et les cas de mobilités étudiantes », détaille Camille Escuillié. La carte de séjour pluriannuelle peut être obtenue par un ressortissant étranger, pour une durée de 4 ans, après une année de séjour régulier sur le territoire français.
Par ailleurs, les ressortissants algériens « n’ont pas accès à l’admission exceptionnelle au séjour qui permet à certains étrangers en situation irrégulière de régulariser leur situation », explique Camille Escuillié. L’admission exceptionnelle au séjour permet actuellement aux ressortissants étrangers en situation irrégulière d’adresser une demande de régularisation au préfet et de pouvoir obtenir un titre de séjour.
Si l’accord franco-algérien prévoit un régime spécial pour l’installation et le séjour, les dispositions relatives aux procédures relèvent du droit commun. « Tout ce qui concerne les mesures d’éloignement, et donc les obligations de quitter le territoire français, est régi par le droit commun, à ce titre, il n’y a pas de différence entre les ressortissants algériens et les autres ressortissants étrangers », souligne Camille Escuillié.
« Une dénonciation de l’accord motiverait l’Algérie à durcir la délivrance des laissez-passer consulaires »
Malgré un accord qui est « plus symbolique que juridiquement pratique », selon Brahim Oumansour, directeur de l’observatoire du Maghreb et chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques, la dénonciation unilatérale du traité pourrait avoir des « conséquences désastreuses » pour les relations franco-algériennes. « Cet accord et son impact sont très surestimés, mais il rappelle une relation d’exception entre les deux pays. Il faut se souvenir de la décision de réduire la délivrance de visas pour les ressortissants des pays du Maghreb, en 2021, qui avait été vécue comme une humiliation », juge Brahim Oumansour.
La dénonciation de l’accord pourrait avoir un effet contre-productif, notamment d’un point de vue migratoire, alors que les pays ont opéré un rapprochement depuis 2022. « On comprend la prudence de l’exécutif par rapport à cette dénonciation, la dénonciation aurait peu d’effets et pourrait raviver les frictions entre Paris et Alger au moment où Emmanuel Macron tient à un rapprochement », affirme Brahim Oumansour. « La coopération avec l’Algérie s’inscrit aussi dans un cadre géopolitique de recomposition des équilibres régionaux et de la perte d’influence française en Afrique », poursuit le directeur de l’observatoire du Moyen-Orient. Dans le cadre de la refonte du pacte asile et immigration, l’Union européenne souhaite renforcer la coopération avec ses voisins méditerranéens dans la gestion des flux migratoires, des tensions avec la France pourraient convaincre Alger de ne pas négocier sur un sujet clivant sur le plan interne. Par ailleurs, lors de la crise des visas, l’Algérie avait considérablement réduit sa délivrance de laisser passer consulaire, compliquant ainsi l’exécution des obligations de quitter le territoire français visant des ressortissants algériens. « Une dénonciation de l’accord motiverait l’Algérie à durcir la délivrance des laissez-passer consulaire, Alger a conscience de l’efficacité de cette méthode », souligne Brahim Oumansour.