Conséquence directe d’une motion de censure qui ferait tomber le gouvernement, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est plus que jamais menacé. La rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat, Elisabeth Doineau (Union centriste), rappelle l’importante de voter une disposition permettant à la Sécu de pouvoir emprunter.
Sécurité sociale : la dégradation continue du déficit dans les prochaines années « n’est pas soutenable », met en garde Pierre Moscovici
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Place aux discussions au Sénat. C’est sans précédent, l’Assemblée nationale n’a pu se prononcer dans le délai imparti sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. C’est donc la version initiale du texte qui a été transmise cette nuit au palais du Luxembourg, où l’examen en commission aura lieu dans une semaine.
Les sénateurs ont ouvert cette nouvelle séquence par une série de mises en garde lourdes de la Cour des comptes. L’institution, présidée par Pierre Moscovici, remettait ce 6 novembre une analyse actualisée sur les perspectives financières de la Sécurité sociale.
« C’est une rupture »
Le premier président de la Cour des comptes, auditionné par la commission des affaires sociales ce mercredi, a appelé à une « reprise en main de la trajectoire financière de la Sécurité sociale », après le dérapage constaté en 2024. Cette année, le déficit des administrations de la Sécurité sociale devrait se creuser à 18 milliards d’euros, soit 7,5 milliards de plus que ce qui était inscrit dans la loi. « En dehors des deux années de crise sanitaire, un dépassement d’une telle ampleur est sans précédent. Cette situation est préoccupante, car nous sommes hors période de crise. C’est une rupture dans le processus de résorption du déficit de la Sécurité sociale depuis le pic atteint en 2020 », a estimé Pierre Moscovici. C’est la conséquence d’un double phénomène, à savoir un niveau de recettes « surestimé » et une progression des dépenses de santé « insuffisamment maîtrisée ».
Pour l’an prochain, le projet du gouvernement prévoit de limiter le déficit à 16 milliards d’euros, un niveau proche de ce qui était projeté dans la dernière loi de financement adoptée par le Parlement il y a un an. Malgré un effort budgétaire de 12 milliards d’euros sur les comptes sociaux prévu l’an prochain, le gouvernement anticipe une dégradation sans interruption du déficit, sans perspective de retour à l’équilibre financier. En 2028, le déficit est attendu à 19,9 milliards d’euros. « Cette trajectoire n’est pas soutenable. La Cour appelle à une prise de conscience collective pour revenir à l’équilibre financier de la Sécurité sociale. Cela passe par des réformes structurelles », a plaidé l’ancien ministre de l’Économie.
Des dépenses orientées à la hausse, « sans véritable solution de financement »
Cette trajectoire reflète, selon Pierre Moscovici, « la part croissance des dépenses de Sécurité sociale dans le PIB, sans véritable solution de financement ». Celle-ci est appelée à augmenter, sous l’effet du vieillissement démographique et du développement des maladies chroniques.
La Cour des comptes souligne que l’essentiel du déficit structurel repose essentiellement sur la branche maladie (16 milliards d’euros à l’horizon 2028) et sur la branche vieillesse (6 milliards d’euros à la même échéance), malgré la récente réforme des retraites. L’institution de la rue Cambon considère que l’effort budgétaire, dans les prochaines années, devait se concentrer sur les dépenses de santé. « Le déficit structurel de l’Assurance maladie appelle à revoir l’organisation de notre système de santé, qui a bénéficié de hausses importantes de crédits, sans objectif précis d’amélioration de la qualité, de l’accessibilité, de la sécurité des soins », a regretté le président.
Dans ce contexte, « le point d’inflexion » entamé dans les deux textes budgétaires cette année est une « impérieuse nécessité », a insisté l’ancien commissaire européen, qui considère « un effort vigoureux de maîtrise du déficit » comme « indispensable ».
Une incertitude sur les « conditions d’exécution »
Dans le projet de loi de financement pour 2025, près de 5 milliards d’euros de réduction de dépenses sont inscrits. Un « quantum raisonnable », pour le premier président de la Cour des comptes, qui appelle à « ne pas aller en deçà » de ce montant, dont la réalisation n’est pas entièrement garantie. « Il resterait en plus une incertitude sur leurs conditions d’exécution, qui reposent des hypothèses économiques plutôt favorables », notamment en matière de dépenses. La Cour des comptes considère que, « compte tenu de l’orientation restrictive des textes », la prévision de croissance du gouvernement à 1,1 % est « un peu élevée ». L’institution juge également la prévision de masse salariale, de laquelle dépendront les rentrées de cotisations sociales, « un peu optimiste ».
Comme la Cour des comptes, la rapporteure de la branche maladie de la Sécurité sociale Corinne Imbert (LR) comprend que le niveau de l’Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie) « a peu de chances d’être respecté ».
Autre variable, susceptible d’avoir un impact sur le déficit en 2025 : le comportement des médecins, face aux nouvelles orientations contenues dans le texte. Or, selon Pierre Moscovici, les mécanismes de régulation pour surveiller l’évolution des dépenses de soins de ville (hors hôpital) « sont insuffisants ».
L’accumulation des déficits d’ici 2028 va produire 100 milliards d’euros de dette
À moyen terme, la vigie des finances publiques exprime également quelques réserves sur les chances de tenir les futurs objectifs. « À ce stade, les mesures d’économies prévues d’ici à 2028 ne sont pas documentées dans les annexes du PLFSS, elles sont pourtant indispensables pour assurer le financement des mesures nouvelles et de tenir la trajectoire. Ce ne sera pas possible de décider chaque année de nouvelles baisses de remboursement, de nouveaux transferts de charges vers les complémentaires », a-t-il ajouté.
L’accumulation des déficits à venir (100 milliards d’euros d’ici 2028) va par ailleurs poser un enjeu en termes de prise en charge de la dette sociale. Pour Pierre Moscovici, la capacité de reprise de la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale) est « désormais saturée ou presque ». Les déficits à venir vont, selon la Cour des comptes, « éloigner toute perspective de réduction de la dette sociale ».
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