Budget de la Sécurité sociale : les sénateurs socialistes vont proposer d’autres pistes de recettes

Retraites, durée du travail, cotisations patronales : comment la majorité du Sénat veut réécrire le budget de la Sécurité sociale

La commission des affaires sociales a présenté ce 13 novembre ses amendements en vue des débats sur le PLFSS 2025. Elle souhaite préserver les petites retraites du gel partiel de la revalorisation, et revenir sur la hausse des cotisations patronales au niveau du Smic. La droite et le centre soutiennent également l’instauration d’une journée de solidarité, pour financer la prise en charge du grand âge.
Guillaume Jacquot

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La majorité sénatoriale de droite et du centre entend rester dans le cadre budgétaire fixé par le gouvernement pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Elle respectera l’objectif minimum d’un déficit à 16 milliards d’euros pour les comptes sociaux. « Cela nous semble être un premier pas pour tendre vers une reprise en main des déficits », a fait savoir Philippe Mouiller (LR), le président de la commission des affaires sociales. Celle-ci a arrêté 77 amendements ce 13 novembre en vue des débats en séance publique la semaine prochaine.

Revalorisation différenciée des pensions retraite

Au sein de ce cadre budgétaire contraint, la droite et le centre comptent revoir un certain nombre de dispositions qui faisaient débat ou qui suscitaient l’inquiétude dans leurs rangs. « La majorité du Sénat s’est efforcée d’apporter des réponses et des modérations dans les propositions du gouvernement », a résumé la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, Élisabeth Doineau (Union centriste).

La commission fait sienne la proposition de Laurent Wauquiez, de revenir sur un gel de six mois des pensions de retraite. Elle demande une revalorisation à la hauteur de la moitié de l’inflation au 1er janvier, pour l’ensemble des pensions, et un rattrapage à l’été pour les pensions inférieures à un Smic, pour neutraliser l’inflation. Cette préservation des retraités modestes réduira les économies attendues (3,6 milliards d’euros) de 500 millions d’euros.

Une deuxième journée de travail pour financer les besoins liés au vieillissement de la population

Autre proposition phare de la commission : l’instauration d’une nouvelle « contribution de solidarité » des salariés en faveur des personnes âgées dépendantes. La mesure était d’ailleurs une recommandation d’un récent rapport sénatorial sur la situation financièrement des Ehpad. Après l’instauration d’une première journée de solidarité en 2004, le Sénat pousse pour relever de sept heures la durée annuelle de travail, de quoi doubler en retour la contribution que versent les entreprises à la branche autonomie de la Sécurité sociale, dont les besoins sont appelés à croître rapidement au cours de la décennie à venir.

Cette contribution viendrait financer exclusivement la branche autonomie, pour 2,5 milliards d’euros supplémentaires. Une majorité de sénateurs de la commission prévoient de flécher 500 millions d’euros en direction d’un fonds d’urgence destiné aux Ehpad, dont les deux tiers sont en déficit. 200 millions d’euros sont destinés au financement de l’aide à domicile, par les départements. Quant au reste des recettes, la droite et le centre ont bien l’intention de mettre à l’étrier pour une demande portée de longue date : lancer « dans l’année » le démarrage d’une loi grand âge et d’une programmation budgétaire pour le secteur du médico-social.

Les sénateurs s’opposent à la réduction des cotisations patronales sur les salaires proches du Smic

Le Sénat devrait aussi revenir sur l’un des dispositifs majeurs inscrits dans le projet de loi : la refonte des allègements généraux de cotisations dont bénéficient les entreprises. Au fil du temps, cette politique de réduction des charges, censée doper la création d’emploi, fait peser un coût toujours plus lourd sur les finances sociales, estimé à environ 80 milliards d’euros. Les sénateurs de droite et du centre ne veulent cependant pas suivre le gouvernement, qui propose pour 2025 d’augmenter de deux points les cotisations pour les salaires proches du Smic. Ces derniers s’inquiètent de l’impact sur les secteurs qui concentrent des bas salaires, comme celui de la propreté, du gardiennage ou de l’aide à domicile, et entendent protéger les allègements de charges au niveau du Smic.

« La situation économique dans notre pays est inquiétante, nous ne voulons pas avoir trop de casse en termes d’emploi », insiste Élisabeth Doineau. En compensation, pour conserver les 4 milliards d’euros de rentrées nettes, la commission veut limiter la réduction de cotisations maladie aux salaires allant jusque 2,1 Smic (au lieu de 2,5 actuellement), et la réduction de cotisations familiales jusque 3,1 Smic (contre 3,5 Smic aujourd’hui).

Lissage des cotisations retraite versées par les employeurs des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers

Un autre dossier a également été traité par la commission des affaires sociales : le projet de relèvement des cotisations retraite employeur, pour réduire le déficit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), la caisse des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Le gouvernement proposait une première hausse des cotisations de quatre points, en 2025, mais beaucoup de sénateurs ont alerté sur les risques budgétaires sur les établissements de santé, ou même les départements, dont les finances sont aujourd’hui en grande difficulté.

Les sénateurs, en commission, préconisent d’étaler la hausse des cotisations sur quatre ans, et non plus trois. De quoi éviter 300 millions d’euros de pertes pour les hôpitaux, tout comme pour les collectivités territoriales.

Tabac, sucre, jeux d’argent : la fiscalité comportementale musclée dans le texte de la commission

La commission des affaires sociales veut également agir sur le front de la fiscalité comportementale, ces taxes censées détourner les Français de certaines consommations dont l’excès est à risque. À court terme, leurs amendements vont produire des recettes supplémentaires (estimées à 500 millions d’euros). La rapporteure générale défend un alourdissement de la « taxe soda », insérée par amendement à l’Assemblée nationale. Son amendement durcit la tranche visant les boissons contenant le plus de sucres ajoutés. Une autre modification prévoit d’augmenter le barème de la taxe sur les boissons édulcorées. La commission veut également augmenter la fiscalité sur le tabac, « afin de s’approcher en 2025 de l’objectif de prix moyen de 13 euros du paquet de cigarette ».

D’autres amendements sont également déposés pour obliger les professionnels de santé à utiliser le dossier médical partagé – dans le but d’éviter les actes redondants et inutiles – mais aussi d’approfondir les mesures de lutte contre la fraude. La commission espère améliorer les comptes de l’Assurance maladie de 500 millions d’euros avec cet axe double.

Reste la question de la hausse du ticket modérateur, c’est-à-dire la part des dépenses de santé qui ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale. Le gouvernement s’est fixé comme objectif de transférer 1,1 milliard d’euros de l’Assurance maladie vers les organismes complémentaires, mais le niveau du ticket modérateur n’a pas encore été tranché. La mesure ne fait pas partie du projet de loi, puisqu’il s’agit d’une mesure réglementaire. « Le Sénat met tout son poids pour que l’impact sur le ticket modérateur soit modéré », insiste Philippe Mouiller.

Nécessité de présenter des réformes au-delà de ce PLFSS

Au-delà de tous ces amendements à intégrer dans un projet de loi très resserré cette année sur des dispositions purement financières, les sénateurs insistent sur l’importance d’engager des réformes structurelles, notamment dans le champ de la santé. « On accepte de participer à cette logique de maintenir le déficit à 16 milliards d’euros, mais on ne veut pas se retrouver l’an prochain dans la même situation. Il y a une nécessité d’enclencher un certain nombre de réformes fondamentales », plaide le sénateur Philippe Mouiller.

Rappelons que l’annexe au projet de loi prévoit une dégradation continue du déficit de la Sécu au cours des années à venir, avec un déficit estimé à 19,9 milliards d’euros pour 2028. La rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat, Élisabeth Doineau, insiste sur l’importance de définir une trajectoire qui « redonne confiance aux marchés financiers », alors que la signature de la France s’est dégradée au fil des derniers mois. D’où un projet de loi difficile. « Ce sont des propositions douloureuses, je l’admets, mais je ne vois pas comment on peut faire dans ce contexte particulièrement alarmant », estime la sénatrice de la Mayenne.

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