Dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, les sénateurs ont débattu d’une série d’amendements visant à accroître la taxation sur l’alcool. Tous ont été rejetés, provoquant la colère d’une large partie de la gauche de l’hémicycle. De son côté, avec le soutien de la ministre de la Santé, la rapporteure générale de la commission des affaires sociales promet de travailler à une proposition de loi transpartisane sur le sujet.
Qualité des eaux en bouteille : « Ce scandale démontre une opacité et questionne la responsabilité du gouvernement »
Par Henri Clavier
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“Quand on manque de transparence, c’est encore pire que tout. On peut aller vers une catastrophe industrielle à cause de ce manque de transparence”, tranche le sénateur socialiste, Hervé Gillé, qui qualifie de “scandale” les révélations du Monde et de Radio France. Une première enquête, du 30 janvier, rapporte qu’une grande partie des eaux en bouteille vendues, notamment par le groupe Nestlé et le groupe Sources Alma, subit des processus de purification. Un procédé interdit par le code de santé publique pour les eaux en bouteille dites “minérale” ou “de source”. Les différentes enquêtes présentent une contamination importante des eaux et une note de l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) rapporte la présence de pesticides en décomposition (ou métabolites), de différentes bactéries ainsi que de per- et polyfluoroalkylées (PFAS). Ces derniers, aussi appelés PFAS, sont des substances chimiques, dont certaines sont jugées cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer. Les PFAS sont principalement utilisés dans l’industrie, notamment pour le revêtement des poêles. Les PFAS sont aussi appelés “polluants éternels” du fait de leur persistance.
“Cette retenue est difficilement compréhensible”
Au-delà de la contamination d’un certain nombre de sites de production d’eaux en bouteilles, les enquêtes mettent en lumière la défaillance des pouvoirs publics, un point qui suscite le mécontentement des sénateurs. Le Monde et Radio France rapportent en effet que l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) a réalisé une première enquête en 2021 dont les conclusions n’ont pas été rendues publiques. La note de l’Anses faisant état de la qualité insatisfaisante de l’eau, datée d’octobre 2023, est également restée confidentielle. “Cette retenue est difficilement compréhensible”, affirme Hervé Gillé qui ne comprend pas pourquoi les résultats de l’enquête de l’Anses n’ont pas été publiés. Pour le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard, il y a un “problème général sur la question des contaminations, l’ensemble des eaux de notre territoire commence à être contaminé, impropre à la consommation”.
Socialistes et écologistes espèrent d’ailleurs mobiliser les pouvoirs de contrôle du Sénat pour identifier les éventuels dysfonctionnements des pouvoirs publics. Le groupe socialiste souhaite notamment créer une commission d’enquête sur le sujet. Si le groupe a déjà utilisé son droit de tirage annuel au Sénat, les députés socialistes pourraient utiliser leur droit de tirage à l’Assemblée. “On a fait la demande à la commission des affaires économiques pour qu’il y ait une mission flash sur la question”, rapporte Guillaume Gontard dont le groupe a également utilisé son droit de tirage pour une commission d’enquête sur Total Energies. Pour la sénatrice Florence Lassarade (LR), il n’apparaît pas utile de multiplier les commissions d’enquête, en particulier sur ce qu’elle considère être une “erreur de communication”. “Si une commission d’enquête devait être créée, il faudrait peut-être s’orienter vers un sujet plus large, sur l’ensemble des contaminations de l’eau ou des aliments”, affirme Florence Lassarade.
Le gouvernement au coeur des critiques
Face à cette situation, les sénateurs de gauche mettent en cause la responsabilité du gouvernement. Si Bruno Le Maire a indiqué, en réponse à une question d’Hervé Gillé, dit partager “la gravité des faits”, ce dernier affirmait également s’en remettre à l’enquête judiciaire en cours. Une réponse insatisfaisante pour le sénateur socialiste qui fustige le manque de transparence de la part de l’exécutif. “Ce scandale, qui est en train de se consolider, démontre une opacité et questionne la responsabilité du gouvernement”, souligne Hervé Gillé.
“On a un gouvernement qui reconnaît la gravité des faits, mais n’agit pas, c’est tout le problème du “en même temps”. À partir du moment où les résultats nous donnent une eau impropre à la consommation, on doit retirer ces produits du commerce” tranche Guillaume Gontard. Une évidence aussi pour Florence Lassarade qui estime “qu’il aurait fallu rappeler immédiatement les produits concernés pour des raisons sanitaires”, mais également pour “rassurer les consommateurs”.
Une proposition de loi sur l’interdiction des PFAS bientôt au Sénat ?
Peu après les révélations du Monde et de Radio France, l’Assemblée nationale examinait ce jeudi, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe écologiste, une proposition de loi sur l’interdiction des PFAS. Le texte proposait, entre autres, d’interdire les PFAS dans les ustensiles de cuisine, notamment les revêtements de poêle d’ici 2026. Si le texte a été adopté, le gouvernement a amendé le texte pour exclure les ustensiles de cuisine de son champ d’application, après une manifestation des salariés du groupe Tefal devant l’Assemblée nationale. Le gouvernement craint en effet de faire peser des contraintes trop importantes sur les industriels. Dans ce contexte, le gouvernement a également présenté un plan d’action de réduction des PFAS, ce jeudi 4 avril. Ce plan succède “à un plan de diagnostic” et doit permettre d’améliorer les “méthodologies de mesure”.
S’ils ne remettent pas en cause la dangerosité des PFAS, le gouvernement et les parlementaires LR refusent une interdiction qu’ils jugent dangereuse pour les secteurs économiques concernés. “Les industriels peuvent évoluer, interdire est peut-être excessif, plutôt que de multiplier les lois, je suis plutôt favorable au développement d’une information de qualité pour généraliser l’information sur les risques sanitaires que font courir ces produits”, assure Florence Lassarade.
Un renoncement selon Guillaume Gontard qui estime que c’est le moment de faire preuve d’anticipation. Le groupe écologiste avait déjà déposé un amendement proposant l’interdiction des PFAS en 2021 lors de l’examen de la loi contre le dérèglement climatique. “Tout le monde s’aperçoit qu’il y a une problématique sanitaire, donc on réfléchit à inscrire le texte dans notre niche parlementaire au Sénat”, affirme Guillaume Gontard.
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