Paris : Manifestation des Medecins Liberaux

Pourquoi la proposition de loi Valletoux sur l’accès aux soins cristallise la colère des médecins ?

Les médecins libéraux sont en grève dans l’attente de nouvelles négociations sur leurs tarifs. Ils se mobilisent aussi pour dénoncer la proposition de loi Valletoux qui entend s’attaquer au problème des déserts médicaux. Ce texte, adopté par l’Assemblée nationale avant la pause estivale, doit être débattu au Sénat à partir du 24 octobre.
Romain David

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Les médecins ne décolèrent pas. Le mouvement de grève reconductible lancé vendredi par l’intersyndicale des libéraux se poursuit ce mardi 17 octobre. Les professionnels réclament la réouverture de nouvelles négociations tarifaires avec l’assurance-maladie. La précédente salve de discussions, en février dernier, a échoué à aboutir, cinq syndicats sur six ayant rejeté la grille tarifaire proposée par la Caisse nationale de l’assurance-maladie (Cnam). La lettre de cadrage des futures négociations a été présentée par le ministère de la Santé en fin de matinée, son contenu pourrait en partie déterminer la poursuite du mouvement.

En partie seulement, car figure aussi dans le viseur des syndicats la proposition de loi du député Horizons Frédéric Valletoux sur l’accès aux soins, qui sera discutée en séance publique au Sénat à partir du 24 octobre. Preuve de l’attention que les parlementaires portent à ce long texte – passé de 11 articles à 41 après adoption par l’Assemblée nationale le 15 juin – le Palais du Luxembourg, qui a beaucoup travaillé sur la question des déserts médicaux ces dernières années, a dégagé dans son calendrier quatre jours de débats pour procéder à son examen.

Rééquilibrer la charge entre public et privé dans la permanence des soins

Soutenu par l’exécutif, ce projet de loi présente une série de dispositifs incitatifs à l’installation de médecins dans les zones sous-dotées, sans toucher directement à la liberté d’installation. Il introduit toutefois plusieurs mesures, dont les contours précis devront encore être fixés par voie réglementaire, sur l’organisation et la permanence des soins dans les territoires, et qui sont perçues par les syndicats comme une menace contre l’exercice libérale de la médecine. Trois points, en particulier, soulèvent les inquiétudes de la profession.

L’article 3 lie par défaut les professionnels de santé à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Créées en 2016, les CPTS ont pour mission de coordonner les soins de proximité sur une même zone géographique. Actuellement, le rattachement d’un médecin à une CPTS se fait sur la base du volontariat. Il existe environ 800 CPTS en France. L’objectif de cette mesure est de pousser les soignants d’un même territoire à mieux travailler entre eux.

L’article 4 est sans doute celui qui cristallise le plus d’inquiétude. Il touche à la permanence des soins, avec la volonté de rééquilibrer le dispositif entre secteur privé et secteur public. Si cette partie du texte est adoptée en l’état, le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) aura la possibilité de contacter certains établissements de santé publics mais aussi privés pour leur demander de participer « dans des conditions déterminées par voie réglementaire », à la permanence des soins. Il s’agit d’alléger la pression sur l’hôpital, souvent la seule structure à accueillir des patients la nuit ou les week-ends dans certains territoires.

Faire baisser les dépenses liées à l’intérim médical

Autre pierre d’achoppement : l’article 7, qui concerne le recours à l’intérim médical. Il interdit aux médecins, professionnels de santé et personnels socio-éducatifs en sortie d’études, de passer des contrats d’intérim avec les établissements de santé et médico-sociaux, mais aussi avec les laboratoires de biologie médicale. Une disposition similaire figurait déjà dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, finalement censurée par le Conseil constitutionnel.  Les Sages avaient estimé que cette interdiction n’avait « pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement ». En clair, cette mesure a été considérée comme « un cavalier social », sans objet dans un texte de nature budgétaire. De là sa réinscription dans un projet de loi ordinaire.

Depuis plusieurs années déjà, le gouvernement cherche à limiter le recours croissant aux contrats de courte durée dans les établissements de santé. Un recourt qui sert également de béquille, à grands frais, à la pénurie de soignants. Le coût de l’intérim dans les hôpitaux serait passé de 500 millions d’euros en 2013 à 1,4 milliard en 2018, selon une étude d’impact réalisée par le gouvernement.

Une « attaque du modèle libéral » pour les syndicats

La confédérations des syndicats médicaux français (CSMF), qui fédère une centaine de syndicats de médecins, avait évoqué une « véritable déclaration de guerre » après l’adoption du projet de loi Valletoux par les députés en juin dernier, dénonçant dans un autre communiqué des mesures de nature « coercitives ». « Attaque du modèle libéral » pour Avenir spé, le texte est également décrit par ce syndicat représentant les spécialités médicales et médico-chirurgicales comme un ensemble de « contraintes et obligations qui stigmatise l’ensemble des spécialistes libéraux ».

Au Sénat, c’est la secrétaire de la commission des Affaires sociales, Corinne Imbert (apparentée LR) qui a été désignée comme rapporteure sur cette proposition de loi. La sénatrice, pharmacienne de profession, est habituée aux textes polémiques : c’est également elle qui avait travaillé comme rapporteure sur la proposition de loi pour une « amélioration de l’accès aux soins », dite loi « Rist », à l’origine, là encore, d’une importante levée de bouclier dans la profession.

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