La commission d’enquête du Sénat sur la pénurie de médicaments a auditionné mardi 2 mai les dirigeants de Nordic Pharma, fabricant de la pilule abortive en France. Cette commission d’enquête a été créée début février alors qu’une pénurie de certains médicaments, notamment le Misoprostol, utilisé pour les IVG médicamenteuses, commençait à être signalée un peu partout sur le territoire comme à Lille ou la région parisienne. La commission, présidée par la sénatrice du Calvados Sonia de la Provôté, doit rendre ses travaux d’ici le mois de juillet et entend comprendre les raisons de la pénurie de médicaments.
Une rupture identifiée dès novembre 2022
À commencer par celle qui touche notamment la pilule abortive. Identifiée dès la fin de l’année 2022 par plusieurs associations et professionnels de la santé, cette pénurie « affecte le droit des femmes à l’IVG », dénonçait courant avril dans une lettre ouverte Laurence Rossignol, sénatrice socialiste et ancienne ministre des Droits des femmes.
Une pénurie multifactorielle qui s’explique à la fois par un retard dans la commande de principes actifs, ce qui aurait « entraîné un décalage important dans le planning de production et donc la mise à disposition du médicament ayant entraîné une rupture entre le 28 novembre et le 16 janvier », avance Vincent Leonhardt. Une version corroborée par l’ANSM, l’agence nationale de sécurité du médicament.
Des disponibilités sur plusieurs mois
En France, le droit à l’avortement, depuis la promulgation de la loi Veil en 1975, repose sur un choix. Celui d’interrompre volontairement une grossesse à l’aide d’une pilule abortive jusqu’à 9 semaines d’aménorrhée ou d’y recourir au-delà de ce délai par aspiration au cours d’une intervention chirurgicale. Mais ce choix pourra-t-il toujours être garanti en France ?
La réponse est oui, selon Vincent Leonhardt. Le dirigeant de Nordic Pharma se veut rassurant. D’après ses informations, les stocks de pilule abortive repartent à la hausse. Selon ses chiffres, au 2 mai, on dénombre en France 54.833 boîtes de Mifégyne, « soit à peu près quatre mois de stocks ». En ce qui concerne Mifégyne 600, l’autre pilule abortive, 1.800 boîtes, soit « trois mois de stocks en fonction de l’écoulement classique de ce produit », assure le dirigeant.
En ce qui concerne le Misoprostol, 35.000 boîtes sont actuellement disponibles, ce qui correspond à un mois et demi de stock dans le cadre d’une consommation courante. Idem pour la pilule dite MisoOne.
Des incertitudes demeurent
Un réapprovisionnement de Misoprostol et de MisoOne serait en cours. Nordic Pharma assure être dans l’attente de la réception d’un total de 65.000 boîtes des deux pilules abortives d’ici la semaine prochaine et jusqu’au début du mois de juin. Ainsi, « le stock sera porté à plus de cinq mois d’ici la fin du mois de juin », précise Vincent Leonhardt.
Mais une incertitude demeure au sujet de la disponibilité du MisoOne en boîte de seize comprimés. Selon Nordic Pharma, seules 500 boîtes sont actuellement commercialisées en France. Un chiffre « très faible », concède Vincent Leonhardt. Selon lui, 4.000 boîtes seront livrées dès cette semaine et 800 autres fin juin.
Mais malgré la promesse de stocks renouvelés, Laurence Cohen, rapporteure de la commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments, s’interroge sur la situation de monopole dans laquelle se trouve Nordic Pharma, qui détient l’exclusivité pour la production de la pilule abortive en France. « Il ne peut pas y avoir de produits génériques ou d’alternatives médicamenteuses, ce qui pose un problème aux patientes quand il y a un petit grain sable dans une usine de production », soulève la vice-présidente de la délégation aux droits des femmes au Sénat. Elle encourage notamment l’accès de l’État à la licence d’office afin d’y remédier.