Tout part d’un constat, encore récemment documenté dans un rapport de l’Igas, l’Inspection générale des affaires sociales. La permanence des soins au niveau des établissements de santé, c’est-à-dire la prise en charge des patients la nuit ou les week-ends, est majoritairement assurée par le public. L’hôpital assume 82 % des gardes (87 % avec les établissements privés non lucratifs), quand le privé n’en assure que 13 %, une proportion bien inférieure à son poids dans le système de santé. Conséquence directe : des praticiens quittent l’hôpital public pour échapper à ces contraintes. C’est l’un des problèmes auquel s’attaque à l’article 4 la proposition de loi du député Frédéric Valletoux, adoptée en juin à l’Assemblée nationale et débattue cette semaine au Sénat.
« Ça été un peu acrobatique »
Il s’agit d’un point ultra-sensible du texte, qui a suscité des inquiétudes importantes chez les praticiens libéraux, amenés à travailler dans les établissements de santé. Jusqu’au dernier moment, dans l’hémicycle ce 25 octobre, la rédaction des modalités du mécanisme de la permanence des soins dans les établissements a fait l’objet d’ajustements. « Ça été un peu acrobatique », a même confié le ministre de la Santé Aurélien Rousseau. Engagé en parallèle dans des négociations conventionnelles périlleuses avec les syndicats de médecin, le gouvernement a dû poursuivre ses échanges avec les acteurs de santé, mais aussi en liens étroits avec la rapporteure LR Corinne Imbert. Les amendements déposés au dernier moment ce mercredi, sans que la commission des affaires sociales n’ait pu en prendre connaissance avant la séance, n’ont pas été du goût des oppositions de gauche.
L’article 4 adopté conserve la logique défendue la semaine dernière en commission des affaires sociales du Sénat, à savoir une approche graduée. Il est allé beaucoup plus loin dans la description du processus que l’article de l’Assemblée nationale, qui renvoyait les modalités à un texte réglementaire.
Un appel d’abord au volontariat avant une désignation par les ARS
Dans l’article réécrit par le Sénat, l’organisation des lignes de garde peut nécessiter jusqu’à trois phases. En premier lieu, le texte fait reposer la responsabilité « collective » de la permanence des soins sur les établissements de santé. Charge à eux de d’abord s’organiser. En cas de carence constatée, le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) est amené à les réunir pour trouver des solutions. Et si aucune solution n’émerge, il lui revient de désigner des établissements et les professionnels qui y exercent. De façon générale, le directeur de l’ARS a la responsabilité d’assurer une organisation qui respecte les principes de qualité et de sécurité des soins.
La réécriture introduite par le gouvernement, avec le concours de la rapporteure, a eu un accueil mitigé dans le groupe socialiste, qui voulait faire reposer d’emblée à tous les établissements « l’obligation d’assurer la permanence des soins ». « Tout d’un coup, on met quand même un pied dans la porte pour laisser la place à un peu de contrainte », a salué Jean-Luc Fichet (PS). « Je ne vois pas trop où est le progrès », a réagi, sceptique, sa collègue Emilienne Poumirol. Véronique Guillotin, sénatrice (RDSE) membre du Parti radical a salué quant à elle l’amendement « équilibré » soutenu par le gouvernement et la rapporteure.
« Le principe du volontariat des établissements et des professionnels de santé exerçant en leur sein est un pilier de cette future organisation », défendait hier le ministre de la Santé. Ce n’est qu’en « dernier recours » que l’ARS imposera ses choix. La version amendée par le Sénat précise en outre que les professionnels de santé ne pourront exercer, dans un autre établissement que le leur, uniquement sur la base du volontariat.
Pour la sénatrice Corinne Imbert, cette disposition va permettre « une participation active des professionnels libéraux sans contrainte excessive d’exercice hors de leur établissement ».
Le Sénat a confirmé en séance qu’il ne souhaitait pas revenir sur le régime de la permanence des soins ambulatoires (en dehors des établissements de santé). La semaine dernière, la commission des affaires sociales avait estimé qu’il était prématuré de revenir sur les dispositions de la loi « Rist 2 », sur « l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé », entrée en vigueur en mai 2023.