La journée avait débuté par l’audition de Roselyne Bachelot pour se conclure par l’audition d’Olivier Véran. Désormais ministre délégué chargé du renouveau démocratique, Olivier Véran rappelle, dès le début de l’audition, que la France est confrontée à des pénuries de médicaments depuis longtemps et qu’il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau découlant des conséquences de la crise du covid-19 ou de la guerre en Ukraine par exemple. « Il ne faut pas laisser croire que le gouvernement découvre le sujet, le sujet des pénuries de médicament est un sujet de préoccupation ancien. En 10 ans, de 2008 à 2018, les signalements de pénuries ont été multipliés par vingt », rappelle Olivier Véran. Un sujet ancien et ancré donc, que le gouvernement a tout de suite pris au sérieux en mettant en place une feuille de route pour la période 2019-2022, affirme l’ancien ministre de la santé.
« Cette feuille de route vise 4 objectifs prioritaires : promouvoir la transparence et la qualité de l’information, améliorer la gestion et sécurisation de la chaîne du médicament, renforcer la coopération européenne et mettre en place une nouvelle gouvernance nationale », détaille Olivier Véran.
« La solution ne peut être qu’européenne »
Parmi les points énoncés précédemment dans la feuille de route du gouvernement pour la période 2019-2022, la coopération européenne est perçue comme étant indispensable pour réduire durablement la fréquence des pénuries de médicaments. « La solution est européenne, elle ne peut être qu’européenne parce que les industriels ne produisent pas qu’en France, parce que la production de médicaments n’est pas soumise aux mêmes normes, aux mêmes aléas et aux mêmes critères d’un pays à un autre. Comme nous avons mené la bataille des vaccins en Européens, nous devons mener celle de l’approvisionnement de médicament à cette même échelle », martèle Olivier Véran.
Ce dernier explique également qu’une action isolée d’un Etat aurait des conséquences négatives. Face à un cadre normatif trop contraignant, Olivier Véran redoute une forme d’éviction de la France de la part des laboratoires pharmaceutiques. « Si la France venait à poser un cadre d’obligations nationales bien trop strictes vis-à-vis de ses voisins, nous prendrions le risque d’une perte de compétitivité qui nous fragiliserait dans l’accès aux médicaments », estime Olivier Véran. Si la santé n’est pas une compétence européenne, la volonté affichée de « réindustrialiser » l’Europe pourrait servir l’objectif de souveraineté en matière de médicaments.
« En 30 ans, la production de 80 % des principes actifs a été délocalisée en Asie »
Dans ce cadre commun européen, l’objectif est, évidemment, de réduire la dépendance européenne et donc de relocaliser la production de médicament. « Dans le cadre de France Relance, le ministère de la santé a travaillé en étroite collaboration avec la direction générale des entreprises afin de redévelopper les productions en France et réduire les dépendances extra-européennes », explique Olivier Véran qui souhaite pouvoir « accueillir la production de paracétamol en France ». Un défi de taille puisque comme l’a précisé l’ancien ministre de la santé, « en 30 ans, la production de 80 % des principes actifs a été délocalisée en Asie ». Olivier Véran n’a d’ailleurs pas hésité à en faire un véritable argument d’indépendance politique s’interrogeant ouvertement sur le futur. « Que se passera-t-il en cas de tensions géopolitiques et de pressions sur la chaîne de valeur ? »
Le ministre a également tenu à souligner les difficultés relatives à l’acceptabilité de la réindustrialisation. « Nous parlons souvent de relocaliser des usines mais nous le savons la situation n’est pas si évidente, tout le monde veut qu’on produise des médicaments dans le pays mais c’est plus difficile de trouver des endroits où implanter [les usines] » explique Olivier Véran. En effet, la pétrochimie pratiquée pour la fabrication de médicaments peut être dangereuse pour l’environnement. Pour ces raisons, l’ancien ministre de la santé a cherché à établir un lien entre environnement et réindustrialisation, affirmant qu’il n’y a « pas de médicaments sans industrie verte ».
« Il me semble qu’une solution se trouve dans la réduction de notre consommation de médicaments »
En plus de la réindustrialisation, l’un des principaux défis consiste à réduire la consommation de médicaments. « Nous consommons de plus en plus de médicaments, trop de médicaments », déclarait en ouverture de son propos, Olivier Véran tout en rappelant que « la France fait partie des pays d’Europe et du monde avec la plus forte consommation de médicaments ».
Si la consommation est importante, les solutions sont difficiles à mettre en œuvre. Plébiscitée, la dispensation des médicaments à l’unité, notamment pour les antibiotiques, s’est révélée trop difficile à appliquer. « Il me semble qu’une solution se trouve dans la réduction de notre consommation de médicaments à travers plusieurs leviers, comme la dispensation à l’unité. Malheureusement le passage de la théorie à l’acte se heurte à beaucoup de contraintes notamment normatives », regrette Olivier Véran.
Le prix, un corollaire de la pénurie ?
Enfin, l’ancien ministre de la santé a pointé la question du prix du médicament comme un élément clé de la pénurie affirmant même que « c’est un corollaire de sa pénurie ». Si les avis sur le sujet avaient été plus mitigés sur le sujet, Olivier Véran estime pour sa part que contenir les prix peut mener à un désintérêt pour le marché français jugeant que « lorsque les prix sont administrés, c’est l’industrie qui absorbe le choc ». Une mission placée sous l’autorité de la première ministre devrait rendre ses conclusions sur le sujet prochainement. « Il nous faudra être collectivement à l’écoute de ces conclusions car une partie de l’enjeu réside ici », affirme Olivier Véran.