Le 13 juin, François Braun, ministre de la Santé, accordait une interview au Parisien pour répondre au problème de pénuries de médicaments. L’une des pistes évoquées fut une densification des stocks. Jusqu’alors, les industries pharmaceutiques doivent prévoir deux mois de stocks pour les 6 000 médicaments à intérêt thérapeutique majeur. Pour ces médicaments qui ont fait l’objet d’une rupture de stock, ou présentant un risque de rupture, les stocks disponibles doivent être poussés à quatre mois. 422 médicaments remplissent ces critères pour l’Agence nationale de sécurité du médicament. Mi-juin, une nouvelle liste de 450 médicaments jugés « essentiels » a été publiée par le ministre, obligeant les industries à garantir des stocks pour au moins quatre mois. Mais cette liste est loin de faire l’unanimité. Présidente de la commission d’enquête sur la pénurie de médicament, Sonia de La Provôté (UC) déplore un « manque de clarté » sur la constitution de cette liste. La Société Française de Rhumatologie (SFR) s’interroge sur la pertinence du « qualificatif essentiel ». Un certain nombre de médicaments manquent pour la SFR. Une meilleure communication du gouvernement autour de la liste semble indispensable pour ces deux acteurs.
Une liste pour faire « une cartographie de la situation »
Le gouvernement, à partir de cette liste, veut engager « des travaux spécifiques » pour « mieux garantir » la disponibilité des médicaments. La liste a vocation à être actualisée en fonction de l’état du marché des médicaments. Pour Sonia de La Provôté, elle répond au besoin de « faire une cartographie de la situation » mais aussi de la « disponibilité ». La liste n’est pas là pour recenser les médicaments indispensables, mais elle « permet de recenser les médicaments critiques ». C’est-à-dire ceux sous tension, ou qui présentent un risque. De plus, elle permettra de détecter d’éventuels « monopoles qui créent la fragilisation du système actuel », ainsi qu’une absence de souveraineté pouvant être préjudiciable. En somme, la liste du gouvernement établit une photographie de l’industrie pharmaceutique à un instant donné. La sénatrice UC a pu constater que cette réflexion est partagée dans beaucoup d’autres pays.
Mais la méthode de travail pour aboutir à la constitution de la liste reste très opaque pour les professionnels. Sonia de La Provôté s’étonne que certaines instances n’aient pas été consultées : « La concertation n’a pas été suffisamment large ». Par exemple, la Haute autorité de santé n’a pas été intégrée à la boucle. Elle pointe « une absence de transparence ». Sachant que la liste n’est pas définitive, la présidente de la commission d’enquête explique qu’il « faut savoir mener de front le travail d’identification et de concentration ». Selon elle, le gouvernement a failli dans le travail de dialogue. « Pharmaciens, industriels, HAS », autant de professionnels du secteur avec lesquels le gouvernement doit travailler.
« C’est l’acte I » pour Sonia de La Provôté
« La liste devait sortir » pour la sénatrice. Elle juge que le ministre de la Santé a été précipité par un « calendrier » à respecter. Les professionnels ont aussi été pris de court. Surpris par sa publication, certains ont d’ailleurs déjà annoncé la constitution de groupes de travail pour présenter des améliorations. C’est notamment le cas de la SFR qui a annoncé un groupe de travail, regroupant le Syndicat national des médecins rhumatologues et le Conseil National Professionnel. Sonia de La Prévôté parle quant-à-elle d’un « premier jet », qui reste à « affiner ».
Cette liste constitue un point de départ, et est loin d’être aboutie. « On a un peu de chemin à parcourir avant de résoudre les problèmes de pénurie » juge-t-elle. « La liste sert à faire un diagnostic » mais la difficulté actuelle est qu’il n’y a pas d’état des lieux précis. Elle distingue aussi « le stock et la dispersion des stocks ». Dans sa forme originelle, la liste répond à un besoin d’évaluation des stocks. Mais un problème persiste. « Les pénuries sont évolutives » et en l’espace de quelques semaines, les risques de pénuries peuvent se déplacer d’un secteur pharmaceutique à un autre. La sénatrice prône ainsi « un état des lieux quasiment en état réel » pour être au plus proche possible des besoins du marché. Cependant, le gouvernement n’a pas communiqué sur « le rythme d’actualisation ». Pour Sonia de La Provôté, le travail est donc encore conséquent pour le gouvernement avant d’avoir une liste de « médicaments essentiels » qui puisse éviter les risques de pénurie. Sur ce sujet, la commission d’enquête du Sénat publiera son rapport le 4 juillet.