Le 6 juillet dernier, Sonia de la Provoté (centriste) et Laurence Cohen (communiste), respectivement présidente et rapporteure de la commission d’enquête sur les pénuries de médicaments, se félicitaient du constat commun fait dans leur rapport qui avait su rassembler l’ensemble des groupes politiques du Sénat. D’autant plus difficile que le rapport comportait une dimension « assez critique », précisait la rapporteure.
Dès le lendemain de la publication du rapport, l’organisation professionnelle des entreprises du médicament opérant en France (Leem) qui avait été auditionnée par la commission, accuse dans un communiqué, la rapporteure d’avoir instruit à leur égard, « un procès en cynisme » et « s’indigne » de ses propos.
De quoi est-il question ?
Le rapport du Sénat souligne que « la négociation entre les pouvoirs publics et les grands laboratoires est structurellement déséquilibrée : les menaces d’arrêt de commercialisation, de déremboursement ou de déni d’accès précoce sont des armes de choix entre les mains des exploitants. Le résultat de ce chantage aux prix, encouragé par la financiarisation des laboratoires, est une explosion du prix en faveur des traitements innovants », peut-on lire.
« Cette déclaration ne reflète en aucun cas le discours tenu par le Leem lors de son audition devant le Sénat », protestent les industriels qui rappellent les nombreux facteurs de pénurie énumérés par Philippe Lamoureux, Directeur général du Leem, lors de l’audition : « hausse de la demande mondiale due à l’évolution de la population et des systèmes de soins, à la chronicisation des maladies graves, à des problèmes industriels tout au long de la chaîne industrielle complexe… Les prix bas ont simplement été mentionnés comme une « circonstance aggravante sur certains médicaments matures », rétorquent-ils dans leur communiqué.
Les industriels dénoncent également une affirmation du rapport sénatorial selon laquelle « les industriels pharmaceutiques envisagent d’abandonner la production de près de 700 médicaments, incluant des MITM (médicament d’intérêt thérapeutique majeur). Le Leem ne reconnaît pas ces chiffres et « questionne la source du Sénat ».
Cette autre phrase du rapport a profondément déplu au Leem. « Un laboratoire qui développe un médicament en monopole dispose, de fait d’un droit de vie ou de mort, sur les patientes et les patients. »
« Cette déclaration dénote une approche idéologique, qui nie purement et simplement l’apport thérapeutique d’un nouveau médicament », répondent les industriels qui reprochent à la sénatrice Laurence Cohen d’avoir eu « des propos blessants qui ne reflètent pas la réalité des 103 000 salariés français de l’industrie du médicament qui se mobilisent pour la santé des patients ».
Un rapport qui reflète « l’ensemble de la position de la commission d’enquête »
Dans sa réponse publiée ce jeudi, la commission d’enquête rappelle tout d’abord que « le rapport ne reflète pas la position personnelle de la rapporteure, Laurence Cohen, mais celle de l’ensemble de la commission. En outre, il a été adopté à l’unanimité de ses membres présents lors de sa mise aux voix, moins une abstention ».
En ce qui concerne le chiffre de 700 médicaments dont la production pourrait être abandonnée, les élus rappellent que c’est Laurent Borel-Giraud, représentant du Gemme, les entreprises de médicaments génériques, qui l’a cité lors de son audition « en présence » de Philippe Lamoureux, directeur général du Leem, puisqu’il s’agissait d’une audition commune.
Enfin, les élus insistent sur le fait que leur rapport souligne aussi « l’implication des industriels et des salariés du secteur pharmaceutique pour faire face aux ruptures d’approvisionnement, notamment en augmentant la production ».