Pénurie de médicaments : « La relocalisation de la production est une illusion, elle sera sélective »

Devant la commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments, plusieurs représentants de l’industrie pharmaceutique ont expliqué les éléments qui, selon eux, freinent une relocalisation de la production de médicaments et donc la pénurie de médicaments. Au-delà du prix des médicaments, les laboratoires estiment que leurs coûts sont trop importants pour pouvoir investir dans l’appareil productif.
Henri Clavier

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Devant la commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments, plusieurs représentants de l’industrie pharmaceutique ont expliqué les éléments qui, selon eux, freinent une relocalisation de la production de médicaments et donc la pénurie de médicaments. Au-delà du prix des médicaments, les laboratoires estiment que leurs coûts sont trop importants pour pouvoir investir dans l’appareil productif.

Lors de deux auditions successives, les membres de la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments ont reçu Marc Urbain, Vincent Guiraud-Chaumeil et Michael Danon en tant que représentants du groupe Pierre Fabre, puis David Simonnet président-directeur général du groupe Axyntis, spécialisé dans la chimie fine.

Si les acteurs se sont rapidement accordés sur la nécessité de relocaliser les productions pour faire face au phénomène récurrent de pénurie de médicaments, les industriels ont voulu cibler les obstacles à la relocalisation ou au maintien sur le territoire de leurs activités.

Des prix trop bas ?

Comme la plupart des industriels auditionnés par la commission d’enquête, Michaël Danon a évoqué, en premier lieu, le prix des médicaments comme une barrière au développement de l’activité industrielle en France et en Europe. Ce dernier a surtout mentionné les difficultés rencontrées pour augmenter les prix : « L’article 28 de l’accord-cadre entre les entreprises du médicament et le Comité économique des produits de santé (CEPS) a été signé à un moment où il n’y avait pas d’inflation donc il faut revoir l’écriture de cet article. La rédaction actuelle est très restrictive pour des hausses de prix par le CEPS. » Une situation dont une des principales conséquences est l’exportation parallèle, c’est-à-dire l’exportation d’un produit sans accord du détenteur de la propriété intellectuelle du produit. « Les distributeurs préfèrent parfois prendre les pays à bas prix via de l’exportation parallèle », explique Michael Danon.

« Le montant de la clause de sauvegarde que nous devons a considérablement augmenté »

Les représentants du groupe Pierre Fabre ciblent également la clause de sauvegarde comme étant un facteur de risque et d’imprévisibilité pour les industriels français. Cette clause prévoit le versement d’une contribution à l’assurance maladie par les laboratoires pharmaceutiques en fonction de leur chiffre d’affaires, lorsque celui-ci croît plus vite que le pourcentage défini par le projet de loi de finance de la sécurité sociale. « Le montant de la clause de sauvegarde que nous devons a considérablement augmenté, des montants qui pèsent sur la rentabilité des entreprises », détaille Vincent Guiraud-Chaumeil. Michaël Danon considère par ailleurs que « du fait de la clause de sauvegarde, nous avons l’information sur les prix à payer extrêmement tardivement ».

« Si nous n’avons ni visibilité, ni stabilité, on se pose la question de savoir s’il faut y aller et investir »

Des coûts jugés importants et imprévisibles par les industriels qui empêcheraient de développer une politique tournée vers l’investissement et donc vers la relocalisation de la production. « Si nous n’avons ni visibilité ni stabilité, on se pose la question de savoir s’il faut y aller et investir. En comparaison avec d’autres régions de production, nous avons des coûts de productions structurels supérieurs qui doivent être compensés par de la visibilité », juge Marc Urbain. Un point de vue confirmé par David Simonnet, PDG du groupe Axyntis, pour qui considère qu’il faut « lever ces barrières à travers coopération avec les pouvoirs publics », tout en reconnaissant que « les conditions économiques actuelles ne sont pas viables face à la concurrence asiatique ».

 

« Aujourd’hui, il n’y a pas de place pour la relocalisation pour le développement de molécules à très fort volume »

Si David Simonnet évoque directement les difficultés liées à la délocalisation comme « l’apparition de coûts cachés, des défauts de fabrication, des coûts de transport élevés ou des situations politiques imprévisibles », il estime que la relocalisation de la production ne peut se faire que dans certaines conditions et uniquement pour certains produits. Malgré le bénéfice du crédit impôt recherche et la réception d’aides régionales et nationales, l’industriel explique ne pas avoir été en mesure de maintenir une activité suffisante dans l’une des usines du groupe située à Calais. « Aujourd’hui, il n’y a pas de place pour la relocalisation pour le développement de molécules à très fort volume, donc ça ne peut se faire que sur des molécules à très fortes valeurs ajoutées. »

Interrogé sur le cas du paracétamol et de la relocalisation de sa production en France, David Simonnet estime que « cette relocalisation est une illusion, elle sera sélective et sur des petites séries ».

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