Les sujets ne manquaient pour Frédéric Valletoux. Trois mois et demi après son arrivée rue de Ségur, il était auditionné pour la première fois devant la commission des affaires sociales du Sénat, ce 21 mai, en sa qualité de ministre délégué à la Santé.
Dans un contexte de finances publiques dégradées, les principaux cadres de la commission se sont empressés de sonder le ministre sur ses intentions en matière budgétaire, au-delà de la récente hausse des franchises sur les médicaments et consultations médicales. La sénatrice LR Corinne Imbert, en charge du rapport annuel sur la branche maladie de la Sécu, a évoqué des mesures parfois « étonnantes », voire « farfelues ». Il faut dire que ces dernières semaines, le gouvernement – Bercy en tête – a posé une multitude de sujets sur la table, allant du coût des affections de longue durée, aux arrêts maladie, en passant par les transports sanitaires, ou encore l’idée d’une modulation du remboursement des médicaments en fonction des revenus, un ballon d’essai rapidement évacué.
Le tableau général budgétaire n’est guère rassurant. Certaines vigies doutent que l’objectif de dépenses de santé (l’Ondam), voté au Parlement fin 2023 ne soit pas respecté. Le comité d’alerte de la Sécurité sociale a ainsi mis en garde le 15 avril contre un risque de dérapage, en particulier du déficit des hôpitaux, d’un milliard d’euros, qui pourrait doubler. Une position encore plus « alarmiste » qu’il y a un an, selon Élisabeth Doineau (Union centriste), la rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat.
« Il ne faut pas s’interdire d’évoquer différents débats »
En réponse à son interrogation, le ministre a exclu, dans la continuité des années précédentes, de repasser devant le Parlement au cours de l’été avec un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) rectificative. Les seuls débats budgétaires se tiendront, comme à l’accoutumée, en fin d’année. « C’est dans le PLFSS 2025 que nous aurons à proposer un ajustement de la trajectoire, sans doute de nouvelles économies, pour permettre de tenir les déficits, l’objectif national de dépenses de l’Assurance maladie, tels qu’ils sont prévus dans la loi pluriannuelle », a donné rendez-vous Frédéric Valletoux.
L’ancien député (Horizons) a rappelé que le gouvernement, « comme les précédents », n’avait pas « lésiné » à apporter des moyens supplémentaires pour « accompagner le système de santé ». La revalorisation des heures de nuit dans les hôpitaux, depuis janvier, en est le dernier exemple. « Pour autant, la santé – et j’en suis le premier convaincu – doit participer aussi à l’effort de maîtrise des finances publiques », a déclaré le ministre. Et d’ajouter : « Il ne faut pas s’interdire d’évoquer différents débats ».
Et parmi eux, celui de la prise en charge des affections de longue durée (ALD), ouvert par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. La simple évocation du sujet a donné des sueurs froides à 12 millions de Français, qui bénéficient de ce dispositif pour la prise en charge d’une maladie chronique. Frédéric Valletoux a dû rappeler que le point avait été « clairement arbitré ». « Il n’est pas question de remettre en cause le système des ALD, ni de retirer certaines pathologies de la liste […] Il n’est pas question de mettre des coups de canifs dans le pacte social qui est le nôtre ».
Quant à la question d’une évolution de la prise en charge du coût des transports sanitaires, le ministre a laissé le sujet plus ouvert. « La question était de voir si on pouvait trouver des sujets d’efficience ». « D’autres pistes ont été évoquées, pour l’instant, rien n’est arbitré. »
Autre chantier, récemment placé dans le débat public : la piste d’une auto-déclaration pour les arrêts maladie courts, afin de ne plus engorger les cabinets médicaux et libérer du temps pour les médecins. La Cour des comptes a déjà recommandé « d’explorer » cette voie, et Frédéric Valletoux s’est récemment dit favorable à ouvrir le sujet à la discussion avec les organisations patronales. Ce mardi, le ministre s’est montré plus prudent. « Pour l’instant, le gouvernement n’a pas l’intention d’en faire un marqueur fort du PLFSS 2025. »
Relancé par Olivier Henno (Union centriste) sur les « actes redondants » et la financiarisation du système de santé, Frédéric Valletoux s’est dit intéressé par le rendu des futurs travaux du Sénat sur la question. « Effectivement, il ne faut pas faire l’autruche, et regarder quelques mesures de régulation on peut avoir. Je crois fermement que c’est en étant plus efficient dans la dépense, que demain nous trouverons des gages pour mieux financer ce qui doit mieux être financé dans notre système de santé », a-t-il répondu.
Hausse des consultations : « un rattrapage significatif »
La nouvelle convention entre l’Assurance maladie et les médecins, en cours de finalisation, permet notamment de répondre à cet enjeu, selon le ministre. Fruit d’une longue négociation, un temps interrompues, tant les tensions étaient montées, le projet doit encore faire l’objet des signatures des différentes parties prenantes. « La fumée semble plutôt blanche que noire », a jugé le ministre, qui a évoqué une « convention de responsabilité ». Elle acte un investissement important de la Caisse nationale d’Assurance maladie, de 1,6 milliard sur la période 2024-2028, en échange d’engagements des professionnels sur une série de sujets. Le document propose notamment une revalorisation du tarif de la consultation pour les généralistes de 26,50 euros à 30 euros. « C’est plus qu’un rattrapage, c’est un rattrapage significatif. On le doit aux médecins », a estimé Frédéric Valletoux.
Sollicité à plusieurs reprises sur son « cap », une interrogation légitime devant une instabilité historique rue de Ségur – Emmanuel Macron en est à son septième ministre de la Santé depuis 2017 – Frédéric Valletoux a énuméré les différents points qu’il défendrait au cours des prochains mois. Réaffirmer le virage préventif, « territorialiser » les politiques de santé en faisant davantage « confiance » aux acteurs locaux pour assurer l’accès aux soins, ou encore relancer « l’attractivité des métiers du soins, de manière à redonner du muscle au système santé ».
Auteur, lorsqu’il était encore député, du dernier texte en matière de santé adopté au Parlement, le ministre a indiqué qu’il n’y aurait pas de « grande loi » dans sa feuille de route. « Je pense qu’aujourd’hui beaucoup de sujets existent, d’outils juridiques. Contentons-nous déjà d’essayer de répondre de manière pragmatique et concrète », a-t-il insisté. Les sénateurs, nombreux à avoir pointé des difficultés localement dans l’accès aux soins, devront patienter jusqu’au PLFSS cet automne, pour pouvoir se prononcer sur les choix du gouvernement.