Elisabeth Doineau

Motion de censure : sans budget de la Sécu, « ce sera un saut dans l’inconnu », met en garde la sénatrice Elisabeth Doineau

Conséquence directe d’une motion de censure qui ferait tomber le gouvernement, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est plus que jamais menacé. La rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat, Elisabeth Doineau (Union centriste), rappelle l’importante de voter une disposition permettant à la Sécu de pouvoir emprunter.
Guillaume Jacquot

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Les parlementaires du socle commun retiennent leur souffle à 24 heures d’un vote sur deux motions de censure à l’Assemblée nationale, déposées par le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national en réponse au 49.3 activé par Michel Barnier. Le Premier ministre, qui a engagé sa responsabilité sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 devrait être renversé ce mercredi par les députés, sauf revirement surprise de dernière minute d’un des principaux groupes d’opposition.

Le vote de la censure entraînerait également le rejet du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. La question du devenir des textes budgétaires dans l’hypothèse d’un gouvernement renversé divise juristes ou parlementaires. Quand bien même la censure n’entraînerait pas l’arrêt de la navette parlementaire, on voit néanmoins mal néanmoins comment le texte sorti de la commission mixte paritaire pourrait recueillir l’assentiment des oppositions, majoritaires au palais Bourbon.

Si les yeux ont rapidement été braqués sur le projet de loi de finances, pour lesquels il existe des parades pour assurer à la dernière minute l’autorisation parlementaire de lever l’impôt (la loi spéciale), notre droit n’a en revanche prévu aucun mode d’emploi pour les dépenses de la sphère sociale.

La loi doit permettre aux organismes de Sécurité sociale d’emprunter de l’argent

Comme nous l’indiquions la semaine dernière, les dépenses de santé et de façon globale toutes les prestations de la Sécurité sociale continueraient d’être assurées au 1er janvier, loi de financement ou non. Les dépenses n’y sont en effet pas plafonnées, le texte ne fixe que des objectifs. Pour autant, ce vide juridique inquiète la commission des affaires sociales du Sénat. « On a l’impression de sauter dans le vide. Au fil de la descente, on se demande sur quoi on va atterrir », résume la rapporteure générale Élisabeth Doineau (Union centriste).

Une disposition devrait toutefois figurer impérativement dans la loi. « La première chose à faire sera d’ouvrir la possibilité pour l’Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) et la CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales) d’emprunter plus ». L’article 13 du projet de loi de financement, sur lequel le gouvernement a activé le 49.3, prévoyait de relever pour 2025 le plafond d’emprunt de ces deux organismes à, respectivement, 65 milliards d’euros (contre 45 en 2024) et 13,2 milliards d’euros, pour assurer leur besoin de financement à court terme. La seconde, lourdement déficitaire, est chargée de payer les pensions des anciens agents hospitaliers et des agents des collectivités territoriales. « C’est bien beau de jouer avec le feu [de la motion de censure, ndlr], mais derrière il y a des gens qui ont en besoin pour vivre », alerte la sénatrice.

Pour intégrer cette disposition relative au plafond d’emprunt des organismes de Sécurité sociale, la rapporteure générale imagine une loi spéciale, comme pour le PLF, une procédure inédite, non prévue par les textes, sur lequel le Conseil constitutionnel devra se prononcer.

Une absence de mesures d’économies en l’état qui pourrait aggraver la trajectoire des comptes sociaux

Autre conséquence concrète, tant qu’un PLFSS pour 2025 n’est pas adopté, les comptes sociaux risquent d’être hors de contrôle. Rappelons que le déficit de la Sécurité sociale devrait atteindre 18,5 milliards d’euros en 2024, loin des 10,5 prévus en loi initiale. Pour 2025, le gouvernement avait fixé un objectif à 16 milliards d’euros, mais le déficit tel que sorti du texte signé en commission mixte paritaire, a été relevé à 18,3 milliards d’euros. « Là, on repartirait sur la loi de financement pour 2024. On avait une trajectoire qui annonçait des déficits très importants. Comme là on n’a pas fait l’effort nécessaire pour réduire le déficit, on s’en va vers les abîmes. Ce qu’on demandera l’an prochain sera encore plus douloureux à mon avis. On aura beaucoup plus de recettes à consacrer aux intérêts d’emprunt », se projette la rapporteure générale.

Selon Élisabeth Doineau, en l’absence de mesures de régulations ou d’efficience, le déficit 2025 pourrait alors se creuser de dix milliards d’euros supplémentaires, et dépasser nettement la barre des 25 milliards d’euros. Lundi, le ministre du Budget Laurent Saint-Martin a estimé, devant les députés, que le trou de la Sécu pourrait même se creuser à « près de 30 milliards d’euros » si aucune mesure de redressement n’était prise.

Un scénario du pire assez peu vraisemblable, pour le président de la commission des affaires Philippe Mouiller (LR), qui veut croire à un nouveau PLFSS, resserré, au début de l’année prochaine. « Quelle que soit la suite des évènements, en janvier il faudra de nouveau avec le gouvernement en place voter un projet de loi. » En cas de censure demain, toute la question sera de savoir qui reprendra le flambeau à Matignon. « On ne pourra pas relancer quoi que ce soit tant que les parlementaires n’ont pas d’interlocuteurs en face d’eux », estime le sénateur des Deux-Sèvres.

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