Yannick Neuder a l hopital Foch pour inaugurer l Institut de la sante de la Femme et de la Fertilite

Médicaments, hôpital, prévention : les pistes de la Cour des comptes pour diminuer les dépenses de santé de 20 milliards d’euros d’ici 2029

La Cour des comptes a présenté une série de recommandations ce 14 avril pour maîtriser la progression des dépenses de l’Assurance maladie dans les prochaines années. Elle estime qu’il est possible de dégager 20 milliards d’euros d’économies, dans des mesures d’efficience, « sans revenir sur les grands principes » de la Sécurité sociale.
Guillaume Jacquot

Temps de lecture :

8 min

Publié le

Mis à jour le

Il est rare que les questions budgétaires occupent à ce point le débat politique au début du printemps. En raison de l’ampleur de l’effort à fournir et d’absence de majorité au Parlement, le gouvernement engage le dialogue formellement avec les parlementaires, mais aussi les collectivités territoriales et la Sécurité sociale cette semaine. Bercy a estimé à près de 40 milliards d’euros le volume d’économies nécessaire pour tenir l’objectif d’un déficit public ramené à 4,6 % l’an prochain, le tout sur fond d’incertitudes sur le niveau de la croissance.

Dans ce contexte, un nouveau rapport tombe à point nommé. La Cour des comptes a remis ce lundi une note de synthèse sur la maîtrise du niveau de dépenses de l’Assurance maladie, dans le cadre des revues de dépenses commandées par l’ancien Premier ministre Gabriel Attal il y a un an. « Notre constat, c’est que la progression des dépenses de l’Ondam (Objectif national de dépenses de l’Assurance maladie) n’est plus soutenable et qu’il est impératif de les maîtriser. Il est nécessaire de définir un programme pluriannuel de maîtrise des dépenses, en renforçant leur efficacité, tout en préservant la qualité des soins », a plaidé le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici.

Une dynamique des dépenses qui « n’est plus soutenable », selon la Cour des comptes

Selon la trajectoire figurant dans la loi de financement promulguée en février, l’Assurance maladie devrait se maintenir à des niveaux records de déficit, hors période de crise, à plus de 16 milliards d’euros dans les trois années à venir. La croissance des dépenses de santé – hors dépenses liées à la crise sanitaire – s’est accélérée ces dernières années puisque l’Ondam a augmenté de 4,8 % en moyenne de 2019 à 2025, contre un rythme de seulement 2,4 % de 2015 à 2019. La part des dépenses d’Assurance maladie par rapport à la richesse nationale s’est d’ailleurs accrue, en atteignant 8,9 % en 2025, soit 0,7 point de plus qu’à la veille de la crise sanitaire.

Cette dynamique « n’est plus soutenable » selon la Cour des comptes qui formule quinze propositions, susceptibles de générer un total d’économies comprises entre 19,4 et 21,4 milliards d’euros à l’horizon 2029, de quoi « stabiliser » l’objectif de dépenses fixé chaque année par le Parlement. « Nous proposons de retrouver un rythme raisonnable », a résumé Pierre Moscovici. L’institution de la rue Cambon rappelle en outre que les économies sur lesquelles repose la trajectoire pluriannuelle n’ont pas été documentées dans la loi de financement. Le vieillissement de la population et le développement des maladies chroniques vont aussi peser sur l’Assurance maladie dans le futur, à raison de trois milliards d’euros chaque année.

Appel à renforcer la lutte contre les fraudes

Dans l’éventail de solutions suggérées par la Cour, beaucoup sont portées depuis des années et se placent dans la continuité de dispositions déjà en mises en œuvre dans les derniers textes budgétaires. « Elles peuvent être mises en œuvre sans revenir sur les grands principes de la Sécurité sociale », a souligné le premier président de la Cour des comptes.

Elle appelle en premier lieu à « accentuer » les récents progrès dans la lutte contre les fraudes à l’Assurance maladie. En 2024, ce travail de contrôle a permis de recouvrer 628 millions d’euros, mais la Cour des comptes considère que des « marges de progrès existent », puisque le volume de la fraude aux dépenses de santé est estimé à 4,5 milliards d’euros. Elle estime qu’une poursuite des efforts déjà entrepris ces dernières années permettrait d’atteindre un volume « réaliste » de 1,5 milliard d’euros.

Comme souvent dans ce type d’exercice, le rapport recommande d’améliorer la pertinence des soins, constatant que plusieurs prises en charge par l’Assurance maladie apparaissent comme « atypiques ou évitables au regard des référentiels de la Haute autorité de santé ». Les pratiques médicales et le niveau de prise en charge contre certaines pathologies sont en effet très hétérogènes d’un département à l’autre. La Cour estime qu’une réduction des écarts pourrait économiser à l’Assurance maladie jusqu’à 2,8 milliards d’euros. Par ailleurs, les hospitalisations potentiellement évitables représentent 2,5 % des séjours médicaux, selon une donnée de 2017.

La Cour des comptes estime que la poursuite de la baisse du prix des produits de santé pourrait économiser plus de 5 milliards d’euros

Un autre vivier d’économies se situe dans le médicament. La Cour estime qu’il est possible de dégager plus de 5 milliards d’euros en poursuivant la politique de baisse des prix des produits de santé et les actions en faveur de leur bon usage. Elle juge que le mouvement de régulation des tarifs est « indispensable », étant donné la forte progression de ces derniers. A titre d’exemple, les dépenses d’anti-cancéreux pourraient passer de 2,4 milliards d’euros en 2022 à 7 milliards en 2028. Le rapport plaide ainsi pour un renforcement de l’évaluation de l’efficacité des médicaments innovants.

Le rapport met aussi en exergue les marges d’amélioration potentielles dans le recours aux médicaments biosimilaires ou génériques. Ils ne représentent que 29 % dans la consommation en France, contre 54 % dans la moyenne des pays de l’OCDE.

Comme à son habitude, la Cour des comptes met aussi le doigt sur les dépenses de l’Assurance maladie qui connaissent les plus fortes progressions. C’est le cas des affections de longue durée (ALD). « Sans remise en cause des droits », les auteurs de la note conseillent par exemple de mieux distinguer sur les ordonnances les prescriptions qui relèvent de ces affections – et donc d’une prise en charge intégrale – des autres maladies qui relèvent de conditions de remboursement habituelles. La Cour mentionne également la hausse constante des transports sanitaires (6 milliards d’euros en 2023), de 6,5 % par an en moyenne depuis 2019. Un renforcement des contrôles des transports est « nécessaire », insiste la Cour des comptes, qui estime à 300 millions d’euros les gains d’efficience.

La note soulève par ailleurs la question de l’étendue des remboursements de l’Assurance maladie. Ce n’est pas la première fois, la Cour des comptes épingle notamment la prise en charge des soins de cures thermales (250 millions de dépenses en 2023), « sans que leur service médical n’ait été démontré ». La France est l’un des derniers pays de l’OCDE à prendre en charge par la Sécurité sociale ce type de prestation. La Cour propose de rehausser le ticket modérateur.

Elle pose également la question d’un encadrement de la délivrance de paracétamol (hors enfants et affections de longue durée) et suggère de réexaminer la liste des médicaments remboursés à hauteur de 15 %, ceux ayant un « service médical faible ».

Appel à une véritable politique de prévention

Réduire les pathologies et donc les dépenses passera aussi par le développement de la prévention, un angle mort des politiques sanitaires en France régulièrement dénoncé par les parlementaires. « Il est urgent que la prévention devienne une priorité en France, encore trop peu développée dans notre système de santé, centré sur les soins curatifs », a appelé Pierre Moscovici ce lundi. La Cour des comptes recommande de structurer et de renforcer cette politique, dont le budget n’a augmenté que de 2,1 % par an depuis 2013, soit une baisse en termes réels en raison de l’inflation. Le rapport plaide pour une amélioration de la prévention chez les jeunes, de la détection des maladies chroniques et recommande pour une meilleure anticipation de la perte d’autonomie des personnes âgées. Plusieurs hospitalisations, notamment en raison de chutes, seraient évitables, pour des montants d’économies pouvant dépasser le milliard d’euros.

L’un des derniers axes d’amélioration, soulevé par la Cour, tient au renforcement de la qualité des soins. Le rapport rappelle qu’une activité significative dans les services de chirurgie des hôpitaux est essentielle pour garantir la sécurité et la qualité des soins. Or, dans des petits établissements, le volume d’activités est trop faible, ce qui amène notamment les directions à faire appel à des soignants en intérim, très coûteux. D’où la recommandation de la Cour de restructurer les services hospitaliers qui ne présentent pas de garanties suffisantes en termes de qualité et de sécurité des soins.

« Il faut dépenser de manière plus pertinente, de manière plus efficiente, et de manière plus équitable et responsable », résume Pierre Moscovici, appelant désormais à une « volonté politique » pour se saisir des rapports de la Cour des comptes.

Dans la même thématique

Médicaments, hôpital, prévention : les pistes de la Cour des comptes pour diminuer les dépenses de santé de 20 milliards d’euros d’ici 2029
6min

Santé

Le combat du sénateur Gilbert Bouchet, atteint de la maladie de Charcot

Plus connue sous le nom de maladie de Charcot, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une maladie rare contre laquelle il n’existe pas de traitement. Diagnostiqué il y a deux ans, le sénateur de la Drôme Gilbert Bouchet en a fait son combat. Pour soulager le quotidien des malades, et récolter des fonds pour la recherche.

Le

Britain Mpox
6min

Santé

Cinq ans après le confinement : quels sont les nouveaux virus qui nous menacent ?

Pourrait-on revivre un Covid-19 ? Cinq ans après le début du confinement, quels sont les risques épidémiologiques qui pèsent sur la France ? Si de nombreuses découvertes et pratiques médicales permettent aujourd’hui de limiter une épidémie de type Covid, de nouveaux virus apparaissent sur le territoire, portés notamment par le réchauffement climatique.

Le