Une fausse bonne idée ? La possibilité, pour l’exécutif, de rendre obligatoire la dispensation à l’unité des médicaments en rupture, n’a pas reçu le feu vert du Sénat. Dans la nuit du 16 au 17 novembre 2023, l’hémicycle a adopté deux amendements identiques, de la commission des affaires sociales, et du groupe socialiste, retirant cette disposition du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024.
« Quand vous n’avez plus de médicaments, ça peut être un peu compliqué de distribuer à l’unité », a fait valoir la rapporteure Corinne Imbert (LR). Au -delà de cette remarque évidente, la sénatrice a rappelé l’impossibilité de diviser des médicaments pédiatriques commercialisés sous forme de sirop, ou les solutions injectables, qui concentrent le plus grand nombre de pénuries. La sénatrice, pharmacienne de profession, a également noté dans son rapport que le conditionnement à l’unité n’aurait pas grand sens pour les traitements chroniques, qui supposent une prise régulière du médicament. Le conditionnement des médicaments antibiotiques serait, quant à lui, déjà bien adapté.
La sénatrice PS Émilienne Poumirol a mis en avant d’autres contraintes matérielles dans les officines, mais également les risques sanitaires, en cas d’erreur du patient. « Il apparaît que la chaîne du médicament en France n’est pas prête pour mettre en place de nouveaux modes de délivrance. » La découpe des comprimés en blister et la copie de la notice alourdiraient le travail des pharmaciens. La commission d’enquête sénatoriale sur les pénuries de médicament avait déjà identifié ces freins.
Un gain « très marginal » contre des risques
« Ce qui m’importe c’est la traçabilité et les risques iatrogènes [maladies dues à un acte médical ou des médicaments] », a-t-elle particulièrement insisté. « Plus de 10 000 personnes meurent en France chaque année des effets iatrogènes et il y a 130 000 hospitalisations à cause d’une mauvaise utilisation des médicaments. » Bref, « le gain qu’on pourrait obtenir par la délivrance à l’unité est vraiment très très marginal, mais présente par contre des risques. »
Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a indiqué qu’il comprenait ces réserves mais qu’il était important de « monter qu’on essaye d’utiliser différents leviers » contre la pénurie. « C’est plutôt un signal à envoyer qu’une obligation. J’admets que la rédaction est plus martiale que la réalité. »
« Des pays y parviennent beaucoup plus que nous, mais ça supposerait d’embarquer beaucoup plus en amont les industriels », a-t-il admis.