Medecin Generaliste nouvelle grille tarifaire

L’UFC-Que Choisir dénonce des « chiffres alarmants » sur les dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins spécialistes

En pleine renégociation de la convention tarifaire entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie, l’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a publié ce jeudi 22 février ses derniers chiffres « alarmants » sur les dépassements d’honoraires pratiqués par une majorité de médecins de 8 différentes spécialités libérales. Un travail « salué » par la sénatrice communiste de Seine-Maritime, Céline Brulin, qui avait déposé un amendement dans le dernier projet de loi de finances de la Sécurité Sociale afin de limiter les dépassements d’honoraires à 30% du tarif de base.
Alexis Graillot

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Une « ampleur » qui provoque « un intolérable renoncement aux soins pour de nombreux citoyens ». Dans sa dernière étude, l’UFC-Que choisir alerte sur les honoraires pratiqués par certaines spécialités, qui accentuent, selon l’association, la « fracture sanitaire ». En globalité, ce sont ainsi 52% des spécialistes libéraux qui pratiqueraient ces dépassements, soit 7 points de plus qu’il y a 8 ans (45%) avec des différences particulièrement marquées entre spécialités et selon les départements « pouvant varier du simple au double ». Face à cette situation, l’association en appelle aux pouvoirs publics et dénonce « l’intolérable laisser-faire des autorités ».

 

Les gynécologues et les ophtalmologues, champions des dépassements d’honoraires, les cardiologues plutôt bons élèves

A ce petit jeu des spécialités, les gynécologues et les ophtalmologues apparaissent comme les spécialités les moins bonnes élèves en matière de dépassements d’honoraires. Selon l’étude de l’UFC-Que Choisir, 71% des gynécologues pratiquent ces dépassements, en augmentation de 9 points par rapport en 2016. Leurs collègues ophtalmologues sont quant à eux 67% à pratiquer ces dépassements, en hausse de 8 points. En revanche, les cardiologues font de leur côté figures de bons élèves avec « seulement » un peu plus de ¼ d’entre eux qui pratiquent des dépassements (en hausse de 4 points).

Certaines spécialités connaissent en revanche un bond spectaculaire de la part de leurs praticiens excédant le tarif de base. C’est notamment le cas des anesthésistes (59%), qui connaissent une hausse vertigineuse de 13 points mais également des pédiatres (50%) en hausse de 10 points.

Cette part de praticiens effectuant des dépassements se trouve également corrélée avec le montant moyen de dépassement pour une consultation. Ainsi, les gynécologues basculent une nouvelle fois en tête du dépassement moyen (+ 20,60 €) alors que le tarif de base est d’en moyenne 50 € et le montant opposable (soit le tarif remboursé par la Sécurité Sociale). Ce tarif de base atteint même 80 € à Paris, soit un reste à charge de 50€ pour les habitants de ce département souhaitant consulter un gynécologue. Les ophtalmologues et psychiatres sont également les mauvais élèves de ce classement, dépassant en moyenne d’environ 14€ le tarif de base. Gastro-entérologues (+ 7,5 €) et cardiologues (+ 4 €) sont en revanche les spécialités dépassant en moyenne le moins le tarif de base. Il est cependant à noter que les cardiologues constituent la spécialité pour laquelle le tarif de base est le plus élevé (51 €).

 

« S’ils ont des droits, les médecins ont également des devoirs »

Questionnée sur les disparités entre spécialités, la sénatrice de Seine-Maritime, Céline Brulin, comprend que certains dépassements puissent exister au regard du manque de personnel dans certaines professions médicales mais rappelle les obligations des praticiens : « Si des disciplines ont besoin d’augmentation, faisons-le mais s’ils ont des droits, les médecins ont également des devoirs ». L’élue normande égratigne au passage la droite et la majorité qu’elle accuse de faire beaucoup « d’idéologie » : « Les Républicains ont des discours incohérents avec leurs pratiques. Quant au gouvernement, il augmente les franchises médicales, les forfaits afin de responsabiliser les malades, faisant peser la responsabilité de l’augmentation du budget de la Sécurité sociale sur eux, mais laisse faire ces pratiques de dépassement ».

L’évolution de ce dispositif sera d’ailleurs (comme très souvent) au cœur des négociations tarifaires entre les médecins et l’Assurance Maladie. Bertrand de Rochambeau, président du syndicat des gynécologues obstétriciens et co-président du syndicat de spécialistes Le Bloc, a expliqué l’explosion du secteur 2 par des tarifs de base qu’ils jugent insuffisamment rémunérateurs : « Aujourd’hui, tous les spécialistes qui s’installent le font en secteur 2 » car les tarifs de base « ne leur procurent plus les recettes suffisantes pour faire leur travail de la manière dont ils souhaitent le faire » a-t-il déclaré à l’AFP, jugeant que « cela devrait interroger le gouvernement ». En revanche, il rejoint l’association de consommateurs sur le mécanisme incitatif que constitue l’OPTAM même s’il se montre pour sa part, défavorable à ce que les médecins soient contraints d’y adhérer.

Le gouvernement, par la voix de l’ex-ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin-Le Bodo, avait quant à lui estimé au moment des discussion du dernier PLFSS que « la rédaction proposée pourrait s’avérer contre-productive, car elle revient, en fait, à systématiser un droit à dépassement d’honoraire à hauteur de 30 % du tarif opposable » ajoutant que « ce sujet relève en outre prioritairement de la convention médicale ». Un certain contraste avec les propos de la même ministre quelques mois plus tôt à l’Assemblée Nationale à propos de la multiplication des déconventionnements des généralistes : « Nous en appelons solennellement à la responsabilité des médecins qui, en se déconventionnant, rompent ce dialogue, rompent l’égalité devant l’accès aux soins et rompent la confiance que leurs patients placent en eux ».

 

Le dilemme du « désert géographique » face au « désert financier »

L’UFC-Que Choisir dénonce également dans son étude, des patients prisonniers entre résider dans un « désert géographique », en d’autres termes, des territoires ruraux où les médecins sont peu nombreux mais où davantage de professionnels de santé ne pratiquent pas de dépassements d’honoraires (car conventionnés secteur 1), et un « désert financier », territoires plus urbains où les médecins sont plus (voire trop ?) nombreux mais pratiquant des tarifs très élevés (secteur 2).

« La loi nous parle de « tact et de mesure » dont doivent faire preuve les praticiens pratiquant des dépassements d’honoraires. Or, ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui. Mes collègues et moi proposons d’intégrer dans la loi un outil précis et contrôlable » s’alarme Céline Brulin. Pour la sénatrice communiste, mettre une limite à ce dépassement d’honoraires n’est « pas un sujet » au regard des déserts médicaux puisque ce sont ces territoires mêmes où les dépassements d’honoraires sont le moins fréquents, comme le démontre l’étude de l’UFC-Que Choisir. A ce titre, l’élue rappelle que « 6 millions de nos concitoyens ne disposent pas d’un médecin traitant aujourd’hui ».

Interrogée sur les solutions à apporter, l’élue normande pense que la contrainte est désormais la seule solution afin d’aller chercher de nouvelles ressources face à l’inefficacité des mécanismes incitatifs : « Les derniers gouvernements ont mis en place des exonérations fiscales et sociales qui se chiffrent à 80 milliards, pour quel résultat ? Si nous mettons fin à ces mécanismes, nous pourrons aller chercher de nouvelles ressources ». Céline Brulin rappelle à cet égard que le retard dans la prise en charge des soins du fait de tarifs décourageants entraîne in fine un « coût plus lourd pour la collectivité ». Enfin, la sénatrice de Seine-Maritime évoque la nécessité de « former davantage de médecins dans notre pays plutôt que comme l’a dit le Premier Ministre dans son discours de politique générale, de faire venir des médecins étrangers que l’Etat laisse aujourd’hui dans une situation de précarité ».

Selon ce même sondage mené par l’Observatoire de la consommation de l’UFC-Que choisir en novembre 2023, auprès d’un échantillon représentatif de 1 004 personnes, 45 % des répondants les plus modestes déclaraient peiner à trouver des rendez-vous médicaux, contre seulement 4 % des ménages les plus aisés. Dans le même temps, 38 % des personnes s’estimant en mauvaise santé renoncent à des soins pour des raisons financières.

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