C’est une première. Depuis la création de la procédure par la loi « Sapin II » de 2016, aucun représentant d’intérêt n’avait effectivement été mis en demeure pour manquement à ses obligations. C’est maintenant chose faite, puisque le Sénat a averti Phyteis, organisation professionnelle représentant une vingtaine de fabricants de pesticides pour « manquement à son devoir de probité. » La loi Sapin II oblige en effet les représentants d’intérêts à s’inscrire sur un répertoire géré par la HATVP qui consigne les sujets abordés et les décisions publiques visées. Un manquement à ces déclarations peut être puni d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. 2 400 entités sont inscrites à ce jour, pour plus de 40 000 activités de lobbying déclarées.
« Chantage à l’emploi » et « estimation maximaliste »
Mais dans la lignée de la loi Sapin II, le Sénat a aussi instauré un « code de conduite » applicable à ces « représentants d’intérêts » au Palais du Luxembourg, dont l’article 3 prévoit un « devoir de probité. » Or, après une enquête du Comité de déontologie de la chambre haute, présidé par le sénateur LR Arnaud Bazin, le Président du Sénat a conclu que « Phyteis a manqué de rigueur et de prudence dans ses contacts avec les sénateurs », et a ainsi contrevenu à ses obligations légales.
En cause, des prises de contact de Phyteis avec des sénateurs dans le cadre de la loi Pacte, entre novembre 2018 et février 2019, dans lesquelles le représentant d’intérêt avait argué que l’interdiction en France de certains pesticides interdits dans l’Union européenne menacerait 2700 emplois « directs » et plus de 1000 emplois « indirects. » Suite à un signalement du sénateur écologiste Joël Labbé et d’associations écologistes pour « chantage à l’emploi », Phyteis n’a pas été capable de produire un chiffrage objectif et précis des emplois menacés.
Un communiqué de la présidence du Sénat estime ainsi que le chiffrage du représentant d’intérêt était « maximaliste », puisqu’il correspondait à la fermeture pure et simple des 18 usines concernées, ce qui « n’a pas été le cas en pratique », note le communiqué. La Présidence du Sénat a donc mis en demeure Phyteis « de respecter les obligations déontologiques auxquelles les lobbyistes sont assujettis. » Une mise en demeure inédite pour ce type de procédure au Parlement français.