La tendance se développe dans toutes les disciplines du soin, mais reste encore difficile à cerner. Pour l’Assurance maladie, la financiarisation de la santé se définit comme un « transfert de la propriété de l’offre de soins privée des professionnels de santé libéraux vers des acteurs financiers ». Dans son rapport « charges et produits » de juillet 2023, l’Assurance maladie évoquait un « phénomène complexe sur lequel peu de données ou d’analyses existent à ce stade et qu’il faut pourtant objectiver afin de permettre aux pouvoirs publics de le suivre et le réguler ».
Le Sénat a décidé de se saisir lui aussi de cette question. Sa commission des affaires sociales va démarrer une mission d’information pour ouvrir la réflexion, a appris Public Sénat. Ce travail sera conduit par Corinne Imbert (LR), Olivier Henno (Union centriste) et Bernard Jomier (PS). Ces trois figures de la commission vont démarrer prochainement un cycle d’audition et d’enquête afin de faire un état des lieux, d’en étudier les conséquences et de formuler des recommandations avant l’été.
« C’est une perte de contrôle des acteurs du soin »
« C’est un défi majeur en cours, qui peut pulvériser notre système de soin, dans ses fondamentaux même », décrit le médecin Bernard Jomier, qui avait à cœur d’engager ce type de travail de contrôle. « La financiarisation, c’est le fait que ces acteurs extérieurs au système de soins, de santé, y investissent pour dégager des revenus. Avant la financiarisation, l’argent collecté et les cotisations servaient à financer le système lui-même, des salaires, du matériel. Là, des revenus sont convertis en rémunération d’actionnaires. C’est une fuite des recettes hors du système de soins, une perte de contrôle des acteurs du soin. »
La prise de conscience s’étend. Cet été, la Sécurité sociale appelait de ses vœux à la création d’une mission interministérielle de contrôle. Bernard Jomier rappelle que l’ancien ministre de la Santé se préparait à demander aux inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas) de mener une mission sur la financiarisation de la santé.
Une mission d’information sur l’augmentation des prix des mutuelles, demandée par le RDPI
Initialement, la commission des affaires sociales prévoyait d’ouvrir une mission d’information sur les complémentaires santé (relire notre article du 22 décembre 2023). La commission des affaires sociales a finalement décidé de changer son fusil d’épaule, puisque c’est sur ce thème que le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants fait valoir son droit de tirage annuel. Les sénateurs présidés par François Patriat (Renaissance) veulent une mission d’information sur l’augmentation des prix décidée par les mutuelles. Le sénateur Xavier Iacovelli en sera le rapporteur. « On part du constat qu’il y a une grande opacité dans les prix des mutuelles et qu’elles ont fortement augmenté en général, et en particulier pour les retraités. L’objectif est d’éclaircir la fixation des prix des mutuelles », explique-t-on au groupe RDPI.
Son rapport est attendu « fin mai, début juin ». En fonction du périmètre retenu, la commission des affaires sociales ne s’interdit pas de revenir plus tard sur ce sujet.