Conséquence directe d’une motion de censure qui ferait tomber le gouvernement, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est plus que jamais menacé. La rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat, Elisabeth Doineau (Union centriste), rappelle l’importante de voter une disposition permettant à la Sécu de pouvoir emprunter.
« Le gouvernement n’a pas tranché ! » : la piste d’une hausse des franchises médicales enflamme le Sénat
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L’atmosphère s’est dégradée en l’espace de quelques minutes au Sénat, ce 16 novembre. Parvenus au sein des articles du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS pour 2024) abordant l’accès aux soins, les sénateurs ont interpellé le ministre de la Santé sur la très sensible hypothèse du relèvement des franchises médicales, à l’étude par le gouvernement depuis l’été.
Il s’agit du montant qui reste à la charge des assurés de la Sécurité sociale, pour plusieurs types de dépenses de santé. Dans le cas des médicaments, les patients doivent s’acquitter de 50 centimes par boîte. Pour chaque consultation médicale, une participation forfaire d’1 euro est demandée. Cumulées, ces franchises ne peuvent excéder 50 euros par an et par assuré, pour chaque catégorie. Le gouvernement a commencé à évoquer en juillet l’idée de doubler ces franchises, après une année marquée par un bond de 7,7 % de la consommation de médicaments dans le pays.
Des économies de 800 millions d’euros d’économies déjà documentées, selon le Sénat
La mesure, susceptible de générer 800 millions d’euros d’économies, ne figure pas dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, puisqu’elle relève d’un texte règlementaire, c’est-à-dire pris par le gouvernement. Mais selon la commission des affaires sociales du Sénat, ce doublement est déjà intégré dans l’évaluation des mesures de « responsabilisation des assurés », contenue dans une annexe du projet de loi soumis au Parlement.
« Le gouvernement n’a pas tranché le point des franchises », a tenu à répondre le ministre de la Santé, toujours en attente d’éléments statistiques complémentaires sur les conséquences d’une telle décision. Comme en septembre où il parlait d’augmentation au conditionnel, Aurélien Rousseau ne peut rien confirmer. D’après le ministre, une telle réforme n’entraînerait pas de dégradation pour « la quasi-totalité » des patients en affection de longue durée, ces derniers étant « déjà au plafond » des 50 euros, un niveau que le gouvernement ne souhaite pas modifier. Pour le patient moyen, la hausse des franchises pourrait se traduire, en revanche, par une augmentation de 17 euros en moyenne, par an, de sa participation.
« J’assume de dire que je préfère que nous ayons fini l’examen des textes financiers »
Dans un contexte de persistance d’une inflation élevée et de pouvoir d’achat en berne, la mesure a de quoi être risquée politiquement. Selon un sondage Elabe du 2 novembre, 63 % des Français estiment que le doublement de la franchise n’est pas acceptable et qu’elle risquerait de détériorer l’accès à la santé. Le locataire de la rue de Ségur entend temporiser, le temps d’avoir de nouveaux éléments chiffrés de la part de l’Assurance maladie, mais aussi le temps de faire les comptes de la séquence budgétaire au Parlement, fin décembre.
« Est-ce qu’à la fin ce point va être un point de cristallisation et de colère ? […] J’assume de dire que je préfère que nous ayons fini l’examen des textes financiers, que les Français soient éclairés sur les mesures de pouvoir d’achat, dans un sens, dans l’autre, pour décider ensuite si nous prenons cette mesure pour les franchises », a-t-il déclaré. Et d’ajouter : « Ce temps n’est pas un temps de la dissimulation, il est un temps de réflexion et d’analyse politique, qui se nourrit aussi des réactions qui peuvent exister au Parlement et dans la population. »
Au Sénat, l’attentisme gouvernemental a justement fait vivement réagir, notamment sur les bancs de gauche, qui a déploré la confusion du message. « Je suis effarée qu’une disposition pareille n’ait pas encore été tranchée par le gouvernement. C’est intolérable », s’est exclamée la sénatrice communiste Céline Brulin. « Il serait honnête et sain pour la poursuite de nos débats, et pour la crédibilité politique, que vous soyez ici en situation de nous dire si oui ou non le gouvernement va augmenter ces franchises médicales. »
Crainte du ministre que la mesure ne soit vue comme une disposition qui « fasse les poches »
Des remarques qui ont piqué au vif le ministre. « J’entends tous les mots, mais mettre en cause mon honnêteté sur ce sujet, l’honneur ce n’est pas le sujet », s’est indigné l’ancien directeur de cabinet d’Élisabeth Borne, lequel a rappelé que le gouvernement n’avait pas avancé masqué sur la question.
« Vous savez ce que ça représente 17 euros pour ceux qui n’ont déjà pas les moyens de finir le mois ? » a également questionné la sénatrice socialiste Corinne Féret. « Le sous-entendu, sur le fait qu’assis ici je n’aurais aucune idée de ce que sont 17 euros pour nos concitoyens, je ne vous autorise pas à penser cela de ma part », a réagi le ministre.
Aurélien Rousseau redoute que la mesure ne soit mal comprise, alors que la consommation de médicaments pose, selon lui une réflexion, « d’un point de vue écologique ». Sans parler de l’antibiorésistance, ce phénomène qui consiste, pour une bactérie, à devenir résistante aux antibiotiques. « Si cette mesure n’est vécue que comme un truc qui doit amener à faire les fonds des poches, déjà pas très remplies, des Français, et que ça ne change rien sur le comportement par rapport à la consommation de médicaments, on aura en effet tout raté », a argumenté le ministre.
S’exprimant à titre personnel sur une mesure qui va être arbitrée au sommet du gouvernement, Aurélien Rousseau ne minimise pas cependant l’importance budgétaire d’une telle mesure, à une époque où la santé réclame d’importants investissements. « Si je devais faire un choix, si j’étais le seul à devoir faire un choix, je considérais que cette mesure sur le médicament, si elle me permet de dégager 800 millions d’euros, que je peux mettre sur la rémunération des soignants – puisque c’est à peu près le coût de la mesure de la rémunération des 25 % la nuit – sans faire de démagogie, j’assumerais le fait de le porter devant les Français. »
Au terme d’un débat animé, le Sénat a voté un amendement, afin que les commissions des affaires sociales des deux chambres du Parlement soient consultées sur toute modification des montants des franchises. « J’ai le sentiment que vous n’avez pas forcément la réponse maintenant, on vous propose un outil adapté », a souri le président de la commission, Philippe Mouiller (LR).
Lundi, en début d’examen, ce dernier avait dénoncé en séance, l’absence de transmission à sa collègue rapporteure, Corinne Imbert, des éléments communiqués au président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de l’Assemblée nationale.
Le ministre a indiqué qu’il n’avait « aucun problème » à se rendre devant les commissions, précisant qu’une éventuelle hausse des franchises devra être précédée de quatre mois de consultations obligatoires.
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