Le projet de loi constitutionnelle relatif à l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) n’avait pas été modifié lors de son passage devant la commission des lois. Le sera-t-il en séance publique le 28 février ? Une proposition de modification a d’ores et déjà été déposée en vue des débats. À ce stade de l’examen, l’article unique prévoit que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Le sénateur (LR) Alain Milon veut compléter cette formulation, en précisant que loi doit également garantir le « respect de la clause de conscience des médecins, ou professionnels de santé, appelés à pratiquer l’intervention ».
L’amendement a été cosigné par le président du groupe LR, Bruno Retailleau, qui, comme une large partie des membres de sa famille politique, voit dans cette réduction une manière de combler une faille, pour conserver l’équilibre de la loi Veil et assurer au niveau constitutionnel un droit de retrait des médecins.
« Il est important que la clause de conscience soit respectée. Si certains considèrent que l’IVG peut être contestée, je considère que la clause de conscience peut aussi être contestée », justifie le sénateur Alain Milon. Le médecin souligne en outre que l’allongement de 12 à 14 semaines de grossesse du délai de recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), instauré en 2022, inquiète certains confrères.
La sénatrice Mélanie Vogel voit dans l’amendement une « tentative » de faire échouer la révision constitutionnelle
Chez les parlementaires favorables au projet de loi dans sa version actuelle, c’est une autre lecture. « Il est très clair que ce n’est pas du tout un amendement sérieux. C’est simplement une tentative de faire échouer un vote conforme », estime Mélanie Vogel, cheffe de file du groupe écologiste sur ce texte. « Toutes les personnes qui sont favorables à introduire un droit à l’IVG dans la Constitution savent très bien qu’il faut un vote conforme, le seul chemin pour une révision constitutionnelle et la convocation du Congrès. »
La sénatrice estime que l’amendement est « déjà satisfait », comme le souligne le Conseil d’Etat dans son avis du 12 décembre 2023. La plus haute autorité administrative considère que la rédaction du projet de loi constitutionnelle « ne remet pas en cause les autres droits et libertés que la Constitution garantit, tels que notamment la liberté de conscience qui sous-tend la liberté des médecins et sages-femmes de ne pas pratiquer une interruption volontaire de grossesse ainsi que la liberté d’expression ».
La commission des lois du Sénat n’est, elle, pas de cet avis. Elle considère que cette liberté de conscience des professionnels de santé n’est pas consacrée « en tant que telle ». Un débat juridique devrait donc se jouer la semaine prochaine dans l’hémicycle du Sénat, et difficile de savoir quel en sera l’issue. Une proposition de loi avait été adoptée, à la surprise générale, par 166 voix contre 152 en février 2023, mais dans des termes différents.