Conséquence directe d’une motion de censure qui ferait tomber le gouvernement, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est plus que jamais menacé. La rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat, Elisabeth Doineau (Union centriste), rappelle l’importante de voter une disposition permettant à la Sécu de pouvoir emprunter.
Fin de vie : Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique salue un projet de loi « proche » de ses recommandations
Par Camille Romano
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Jean-François Delfraissy est « à l’aise » avec le projet de loi sur la fin de vie. Un alignement plutôt logique, car le texte présenté ce mercredi 10 avril en Conseil des ministres est « assez proche » de ce que le Comité consultatif national d’éthique, qu’il préside, avait préconisé. « Je trouve que ce texte est sur une ligne de crête qui est intéressante : il y a des critiques d’un côté et de l’autre, cela veut dire que l’on est plutôt dans le bon sens. », avance-t-il sur le plateau de la matinale de Public Sénat. « Je me sens assez à l’aise, sur un sujet aussi complexe que cela, avec le texte qui est proposé », poursuit-il. Cependant, il doute que le texte présenté ce mercredi apporte un point final au débat : « Je ne pense pas que cela soit la dernière loi sur la fin de vie, parce que c’est un sujet qui touche profondément à l’intime et qui doit tenir compte des évolutions de notre société. Notre société a mis la mort de côté, on parle peu de la mort. »
L’immunologiste a salué les arbitrages pris par l’exécutif autour du texte, comme la volonté de présenter un texte unique, rassemblant la question des soins palliatifs et de l’aide à mourir. L’occasion pour lui d’insister sur la nécessité de renforcer et de soutenir les unités de soins palliatifs : « On peut les améliorer et c’est fondamental », en saluant le travail « remarquable » effectué dans ces unités.
Jean-François Delfraissy s’est réjoui que « l’enveloppe » – 1 milliard d’euros sur 10 ans – dédiée aux soins palliatifs soit conservée, mais a souligné qu’il fallait aller au-delà du financement : « Mais l’argent ne résout pas tout : il y a une sorte de culture des soins palliatifs qui n’est pas encore rentrée dans nos unités médicales. Et eux-mêmes ont à re-rentrer dans cette communauté médicale, on les a peut-être trop mis de côté. »
« Ni un droit, ni une liberté : une possibilité offerte aux patients »
Le choix du terme « d’aide à mourir » a également été le bon selon le président du CCNE : « c’est un terme un peu générique, qui va permettre ensuite aux députés et aux sénateurs de préciser, après discussion. » Mais pour Jean-François Delfraissy, il ne fait pas de doute que ce qui est mis en place par le texte s’apparente au suicide assisté : « On a un problème de langage, les autorités politiques ont essayé d’éviter ce mot de suicide assisté, mais la philosophie de cette loi est bien autour du suicide assisté ».
Une évolution, avec des critères retenus que le médecin juge « assez solides » : être majeur, un discernement plein et entier, souffrir d’une maladie incurable et des souffrances qu’on ne peut soulager. Jean-François Delfraissy a tenu à faire une sorte de mise au point sur l’évolution apportée dans la loi : « Ce n’est ni un droit, ni une liberté, mais une possibilité offerte aux patients qui le souhaitent. Ce n’est en rien une obligation, qu’on soit clairs ! »
Un processus de démocratie en santé
Le président du CCNE souligne aussi que ce texte est important dans ce qu’il permet d’avancer sur les problématiques de « démocratie en santé » : « Ce qui m’intéresse aussi dans ce texte, c’est le modèle qu’on est en train de construire à la française de la démocratie en santé : prendre le temps de prendre le temps de discuter. […] On ne traite pas des grandes questions éthiques sur des sondages, on les traite en discutant et en écoutant les autres. »
Il salue ainsi le processus mis en place, démarré à partir des recommandations du Comité consultatif national d’éthique, poursuivi par la convention citoyenne, dont s’empare ou non le politique : « Dans ces processus de démocratie en santé, qu’on ne doit pas opposer à la démocratie législative, il peut y avoir des avis minoritaires. Mais ce qui en ressort c’est qu’une assez large majorité est en faveur d’une évolution. »
Une évolution probable des soignants sur la fin de vie
Si une large majorité des citoyens se sont prononcés pour une évolution de la prise en charge de la fin de vie, les soignants se sont montrés parfois réfractaires à une évolution de la loi, ce que peut comprendre Jean-François Delfraissy : « La médecine n’est pas faite pour donner la fin de vie : oui, bien sûr. », concède-t-il. « Mais le médecin est là aussi pour aider et accompagner son patient dans les situations les plus difficiles ».
Mais il semble penser que sur le sujet, les soignants aussi peuvent évoluer : « Les soignants qui sont en soins palliatifs sont à 60-70 % contre une évolution, je pense qu’ils changeront quand la loi sera là. Si on regarde les autres médecins, c’est l’inverse. C’est partagé. », analyse-t-il. « On ne fait pas une loi sur la fin de vie contre le corps médical, mais on ne fait pas une loi sur la fin de vie contre les citoyens. La maladie ne nous appartient pas, elle appartient profondément aux citoyens. », résume-t-il.
Avec la présentation en Conseil des ministres, c’est désormais « le temps du politique » qui s’ouvre, conclut le président du CCNE. « Et le temps sera long, il faut le dire. La loi ne sortira pas avant la fin de l’année voire l’année prochaine. Cela va prendre du temps et beaucoup de discussions. » Un temps nécessaire, pour un texte qui va « changer le paysage français ».
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