Ehpad : « Des membres d’agences régionales de santé avaient prévenu Orpea de mon enquête », rapporte Victor Castanet
Auditionné mardi 15 mars par la commission d’enquête sénatoriale sur les Ehpad, le journaliste Victor Castanet, auteur du livre Les Fossoyeurs, s’est longuement attardé sur les collusions qu’il a mises au jour, au fil de ses investigations, entre le groupe Orpea et certaines agences régionales de santé. Il évoque notamment le recrutement de hauts fonctionnaires par le groupe.
« Quand on lit votre livre, on se dit : ce n’est pas possible ! » Bernard Bonne, corapporteur LR de la commission d’enquête du Sénat sur le contrôle des Ehpad, n’a pas caché sa stupeur mardi pendant l’audition du journaliste Victor Castanet, auteur des Fossoyeursaux éditions Fayard, un livre-enquête sur la gestion des Ehpad du groupe Orpea. C’est précisément la publication de cet ouvrage, faisant état de cas de maltraitances dans des établissements pour personnes âgées, et la vive émotion qu’il a suscitée, qui a déclenché mi-février la mise en place d’une mission d’information par la Chambre Haute, ensuite dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête.
Devant les élus, Victor Castanet est longuement revenu sur le système d’optimisation des coûts que ses investigations ont mis au jour, instauré par les dirigeants de ce groupe privé qui possède 220 Ehpad, et ce au détriment des résidents.
« Une politique de rationnement des produits de santé et d’alimentation »
« Ce système, qui a créé des situations de maltraitance, a aussi eu un impact considérable sur les salariés du groupe, y compris les directeurs d’établissement », a souligné Victor Castanet, alors qu’il a été longuement question dans les médias, ces dernières semaines, des cas de maltraitances vécues par les personnes âgées, souvent en situation de grande dépendance. « Mon enquête ne met pas en cause les collaborateurs du groupe, elle dit l’inverse. Elle dit que la direction générale du groupe, c’est-à-dire un tout petit nombre d’individus, est responsable d’une politique réfléchie et assumée de réduction des coûts, qui passe par une politique de rationnement des produits de santé et d’alimentation », explique Vincent Castanet.
« Cette politique de réduction des coûts à un impact direct sur la prise en charge des résidents et les conditions de travail des salariés. Bien souvent, ils reportent la responsabilité sur les directeurs, mais les directeurs n’ont aucune responsabilité dans ce groupe, ce sont des sortes de super secrétaires. Ils n’ont pas la main sur le budget et la masse salariale ». Le journaliste évoque ainsi la situation de ce patron d’établissement, qui n’était pas en mesure de commander des protections adaptées aux personnes en surpoids, ou encore celle de cuisiniers tenus de respecter des grammages bien précis au moment de la préparation des repas. « Ils se retrouvaient parfois à donner des steaks hachés de 50 grammes à des personnes pesant 85 kg. »
Le refus des ARS de transmettre des données publiques
Derrière ces nombreuses anecdotes, c’est, en filigrane, la question du contrôle qui se dégage. Comment l’Etat a-t-il pu laisser un opérateur privé se livrer à de telles pratiques, alors que le groupe engrange environ 320 millions d’euros d’aides publiques chaque année ? À cette question, Victor Castanet répond en dénonçant une forme d’entente entre certaines agences régionales de santé (ARS) et Orpea. Lui-même a pris conscience de cette collusion devant les réticences des ARS qu’il a sollicité dans le cadre de son enquête à lui transmettre certains documents, pourtant publics. « Plusieurs salariés du groupe Orpea ont pris le risque, avec courage, de me transmettre des documents internes. Pour faire parler ces documents, il fallait que je puisse les comparer avec ceux déclarés aux autorités de contrôle. J’ai donc contacté un certain nombre d’ARS », explique le journaliste. « Elles ont toutes refusé de me rencontrer, m’ont dit que je n’avais pas le droit d’avoir accès à ces documents et m’ont dissuadé d’aller au bout », rapporte-t-il.
« Mais j’ai aussi appris que le groupe avait été mis au courant de mes demandes par les ARS », poursuit Victor Castanet. « Je me suis dit : il y a des membres d’ARS qui sont en contact étroit avec le groupe et les préviennent de mon enquête. J’ai commencé à cet instant à être prudent dans la manière dont je contactais les ARS. J’ai été surpris parce que je faisais cette enquête pour les salariés et les familles victimes du groupe, mais aussi pour l’argent public. Je n’ai pas compris cette attitude de la part des ARS. »
« La porosité et les liens entretenus entre Orpea et certaines ARS questionnent »
Victor Castanet évoque également le lien de connivence entre une inspectrice de l’ex-ARH d’Île-de-France (agence régionale de l’hospitalisation, devenue ARS après la réforme de 2010) et un « haut responsable d'Orpea », ce qui aurait non seulement permis au groupe d’échapper à au moins un contrôle d’établissement, mais aussi de décrocher plus facilement certains marchés, en étant informé des appels d’offres à venir. « Ils avaient une longueur d’avance sur leurs concurrents parce qu’ils pouvaient ficeler les dossiers à l’avance. »
Une proximité qui confine au conflit d’intérêts. « Quand cette ancienne inspectrice a quitté l’ARS, elle a rejoint quelques jours après le siège du groupe dans un poste important qui s’occupait du développement », rapporte encore Victor Castanet. « Cela a questionné des membres de la direction générale d’autres grands groupes privés, que j’ai interrogés. Ils se demandaient, après avoir été informés de ce recrutement, pourquoi l’Etat n’avait pas réuni une commission de déontologie pour savoir si cette haute fonctionnaire avait le droit de partir aussi vite dans un groupe privé, auquel elle avait donné des autorisations quelques semaines plus tôt. »
« Il y a plusieurs anciens fonctionnaires d’ARS qui travaillent au siège d’Orpea, et ce ne sont pas seulement des consultants, comme l’a dit le docteur Jean-Claude Marian (le fondateur du groupe, ndlr) devant l’Assemblée nationale. Des gens ont été salariés », pointe Victor Castanet. « La porosité et les liens entretenus entre Orpea et certaines ARS questionnent. Quand Orpea embauche d’anciens inspecteurs ou hauts fonctionnaires d’ARS, c’est pour une raison précise : leurs contacts. »
Quatre mois d’enquête
Plusieurs responsables d’ARS seront justement interrogés mercredi 16 mars par la commission d'enquête. Le président-directeur général et le directeur général d’Orpea France passeront quant à eux sur le gril des sénateurs le 30 mars. On a programmé un nombre très important d’auditions, on a quatre mois, on a le temps, on va auditionner tout le monde : des ARS, les ministres, des directeurs d’établissements, des représentants de directeurs d’établissements, des représentants des salariés, des résidents, des familles, tous les opérateurs privés, on ne se contentera pas d’Orpea », promet le sénateur Bernard Bonne.
Les sénateurs ont adopté ce 18 novembre un amendement du gouvernement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, pour faciliter le retour en exercice des médecins libéraux retraités. La disposition leur permettra d’être exonérés de cotisations retraite.
Alors que les députés n’ont pas pu terminer l’examen du budget de la Sécurité sociale pour 2025, le Sénat commence les débats avec la volonté de se montrer « responsable », tout en imprimant sa marque. La majorité de droite défend une contribution de solidarité par le travail, qui revient à une deuxième journée de solidarité, et un allègement de l’effort demandé aux retraités. Les diminutions d’allègements de charges seront revues.
« Le ticket modérateur sur les médicaments augmentera de 5 % », a annoncé la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, à l’ouverture de l’examen du budget de la Sécurité sociale au Sénat. Une hausse qui vient en complètement de celle du ticket modérateur de la consultation médicale, fixé aussi à 5 %.
Le groupe socialiste du Sénat estime que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) « met à mal l’esprit de notre protection sociale ». Opposé à des mesures comme le gel partiel des pensions de retraite, le relèvement du ticket modérateur, ou les économies sur les indemnités journalières, le groupe entend trouver de nouvelles recettes lors des débats.
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Emission spéciale clôture du 106e Congrès des maires et présidents d'intercommunalités de France
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