Ehpad : comment vont évoluer les contrôles avec la proposition de loi du « bien vieillir »

Ehpad : comment vont évoluer les contrôles avec la proposition de loi du « bien vieillir »

De la création d’une instance départementale pour recueillir les signalements de maltraitance, au renforcement de la surveillance en cas de changement dans l’architecture décisionnelle des Ehpad, la proposition de loi sur la société du « bien vieillir » a fait l’objet de retouches au Sénat cette semaine.
Guillaume Jacquot

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Renommée plus sobrement « proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie », la proposition de loi « portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France » a quasiment achevé son parcours législatif au Sénat en première lecture. Les sénateurs ont terminé l’examen des amendements ce 31 janvier. Ils devront encore se prononcer sur le texte dans son ensemble le 6 février, lors d’un vote solennel.

Par rapport à la version sortie de commission, peu de changements spectaculaires. Outre l’instauration d’un service public départemental de l’autonomie ou encore la création d’une carte professionnelle pour les femmes et les hommes de l’aide à domicile, le texte prévoit quelques nouveautés susceptible d’ « améliorer le quotidien en Ehpad », comme s’y est engagé Gabriel Attal dans son discours de politique générale. Des premières esquisses de réponses, qui devront encore faire l’objet d’une commission mixte paritaire avant une éventuelle adoption définitive dans les deux assemblées. En voici quelques-unes.

Un nouveau dispositif pour recueillir les signalements de maltraitance

La proposition de loi prévoit la création d’une cellule, dans chaque département, chargée de recueillir et suivre les signalements administratifs de maltraitance, envers les personnes majeures « en situation de vulnérabilité du fait de leur âge ou de leur handicap ». Une telle interface rappelle les cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP), chargées de centraliser toutes les informations préoccupantes concernant un mineur en danger ou susceptible de l’être. Initialement, le texte prévoyait d’installer une instance dans le seul giron des agences régionales de santé (ARS), les sénateurs ont choisi de la placer également sous l’autorité du président de département.

Ces cellules départementales auront notamment pour fonction de centraliser les signalements adressés au numéro d’alerte national 3977 (réseau ALMA), créé en 2008. La fédération qui le gère rappelle que la maltraitance est le « préjudice résultant d’une multiplication de négligences, de gestes singuliers et répétés ou d’une absence d’actions appropriées qui se produisent dans une relation où il devrait y avoir de la confiance ».

En commission des affaires sociales, les sénateurs ont prévu que les personnes à l’origine du signalement devront être informées des suites données, ce qui n’est pas systématique à l’heure actuelle.

En séance, les sénateurs ont apporté une clarification, en sécurisant le cas des professionnels astreints au secret professionnel. Ils ont aussi associé les préfets au traitement des signalements, toujours dans l’optique d’éviter les fonctionnements en silo et de mieux coordonner l’ensemble des acteurs.

Faciliter les échanges d’information entre les différentes autorités

Le Sénat a par ailleurs adopté en séance un amendement du gouvernement pour consolider les actions de contrôle. Les agents de la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) et des agences régionales de santé (ARS) pourront échanger spontanément des informations et des documents aux autorités en charge du financement des Ehpad, à savoir la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et les conseils départementaux.

En matière d’évaluation et de contrôle, le contenu de la proposition de loi s’est stabilisé en séance, beaucoup d’amendements n’ayant été retenus. Deux ans après la retentissante affaire Orpéa, le texte renforce un peu plus les contrôles des établissements médico-sociaux, déjà imposés à davantage de transparence sur leurs prestations et gestion, et de précisions dans leurs contrats, depuis un décret d’avril 2022.

Renforcement de la surveillance en cas de prise de contrôle d’un établissement par un groupe privé

La proposition de loi prévoit des sanctions administratives contre les Ehpad qui méconnaîtraient leurs obligations en matière d’information sur les conditions d’accueil et de facturation de certains frais. Le texte prévoit aussi un renforcement de la surveillance des pratiques de prise de contrôle d’un établissement par un groupe privé. En cas de changement dans les modalités de contrôle, le texte exige que les autorités de tutelles soient informées dans les deux mois précédents. Le texte initial prévoyait une autorisation préalable.

À noter par ailleurs que le Sénat n’a pas souhaité rétablir en séance un article supprimé en commission, qui imposait aux Ehpad privés lucratifs de respecter les conditions relatives à « la qualité de société à mission ». Pour rappel, cela consiste pour une entreprise à inscrire dans ses statuts une raison d’être autre qu’économique, ainsi qu’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux.

Les rapporteurs estimaient qu’une telle obligation serait contraire à l’esprit de ce dispositif, et restreindrait la liberté d’entreprendre des seuls Ehpad privés lucratifs. Les sénateurs du groupe RDPI (majorité Renaissance) ont tenté de rétablir l’article, avec le soutien de la ministre Catherine Vautrin.

Un droit de visite « absolu » pour les personnes en fin de vie

Dans le volet « promotion de la bientraitance » de la proposition de loi, là non plus, pas de modification majeure intervenue en séance. Rappelons que le texte doit consacrer dans la loi le droit, pour un résident d’Ehpad de recevoir une visite. La rédaction a été renforcée au Sénat, qui prévoit un « droit absolu » pour les personnes en fin de vie, « y compris en cas de crise sanitaire ».

Les sénateurs en séance ont confirmé qu’ils ne voulaient pas dans les objectifs du contrat de séjour en Ehpad le fait d’assurer le droit du résident à une « une vie affective et sexuelle ». Le groupe socialiste a proposé le rétablissement de cette mesure inscrite par les députés, mais les arguments de la rapporteure Jocelyne Guidez (Union centriste) l’ont une fois encore emporté. La sénatrice a estimé que la procédure était « très contraignante, à la seule initiative du médecin-coordinateur et de nature collégiale », « ce qui laisse peu de place à l’intimité ». Des propos partagés par la ministre de la Santé, Catherine Vautrin.

Comme en commission, l’hémicycle a fermé la porte au droit aux résidents d’accueillir en Ehpad leur animal de compagnie, estimant la mesure difficile à appliquer à plusieurs titres. Les établissements définiront eux-mêmes sous quelles conditions cet accueil est possible, dans leur règlement.

Le Sénat est désormais en attente du projet de loi qui définira la trajectoire financière en faveur de l’autonomie et du grand âge, pour les prochaines années. Maintes fois promis depuis 2018, le texte devrait être présenté et adopté avant la fin de l’année, s’est engagée Catherine Vautrin fin janvier.

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