Pour une première, c’est plutôt mal engagé. Instauré par la loi en 2022, le projet de loi d’approbation des comptes de la Sécurité sociale constitue à partir de cette année un nouveau rendez-vous estival pour les deux chambres du Parlement, pour tirer les leçons de l’année écoulée et préparer la prochaine loi de financement. Le premier projet de loi du genre, rejeté à l’Assemblée nationale le 6 juin, arrive en terrain miné au Sénat. Le gouvernement n’a pas fini d’essuyer les plâtres sur ce nouveau texte budgétaire qui intéresse les parlementaires, au titre du contrôle et de l’évaluation des politiques publiques. Il y a trois semaines, les députés ont refusé d’adopter le projet de loi.
Les choses ne s’engagent guère mieux au palais du Luxembourg. Le texte a rencontré un accueil particulièrement épineux en commission des affaires sociales ce 28 juin. À tel point les sénateurs ont choisi d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi, une procédure à travers laquelle ils considèrent qu’il n’y a pas lieu d’engager un débat sur le texte. Un rejet rapide se profile donc pour les débats en séance le 3 juillet prochain.
Des données « manifestement erronées »
La commission, présidée par Catherine Deroche (LR), a notamment considéré qu’elle ne pouvait pas donner son approbation à un texte intégrant des données « manifestement erronées ». La Cour des comptes a refusé de certifier les comptes 2022 de la Caisse nationale des allocations familiales et la branche famille de la Sécu, en raison de la progression des paiements erronés. Ces dernières ont représenté en 2021 7,6 % du total des prestations versées, soit plus de deux points de plus en un an. Sur l’exercice 2021, les magistrats financiers ont refusé de certifier les comptes de l’activité de recouvrement.
Le rapport d’Elisabeth Doineau (Union centriste) insiste sur un autre problème. Certaines annexes intégrées au projet de loi ne sont pas conformes à la loi organique, qui fixe le cadre de ce genre de documents. Rien, par exemple, sur l’évaluation de l’efficacité de niches sociales, alors que celle-ci était attendue. Pas plus d’informations sur la répartition par région des dotations versées aux hôpitaux, ni sur l’évolution prévisionnelle de leur dette, alors que là aussi, la loi du 14 mars 2022 l’exigeait.
Des indicateurs non à jour
Pour ne rien arranger, certains indicateurs ne sont pas à jour, là aussi au mépris de la loi organique. Auditionné le 14 juin, Gabriel Attal avait défendu son administration en indiquant que certains chiffres étaient actualisés après le dépôt du projet de loi. Il n’empêche, l’indicateur sur les créations de places en crèche s’arrête en 2020. Dans son rapport, Elisabeth Doineau relève que ces statistiques seraient pourtant utiles, étant donné que la Première ministre a récemment annoncé la création de 100 000 places d’accueil pour la petite enfance.
Sur les aspects financiers à strictement parler du projet de loi, la commission des affaires sociales s’inquiète de la poursuite des augmentations du déficit de l’Assurance maladie. Elle considère que les dépenses prises en cours d’exécution, l’an dernier pour répondre à la crise dans les urgences et à l’emballement de l’inflation, auraient dû nécessiter un retour devant le Parlement. La rapporteure générale préconise de rétablir un seuil d’alerte en cas de risque de dépassement de 0,5 % des dépenses de santé. Des craintes qui entrent en résonance avec l’actualité, puisque le comité d’alerte sur l’assurance maladie a appelé au début du mois à « une grande vigilance pour respecter l’objectif national de dépense de l’assurance maladie ».
La commission des affaires sociales se montre par ailleurs attentive au suivi des mesures votées dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale et notamment aux différentes dispositions pour lutter contre la fraude sociale, alors qu’un nouveau plan gouvernemental a été annoncé. « La commission vérifiera que les dispositions législatives sont effectivement appliquées et que l’augmentation des moyens n’est pas un simple effet d’annonce », précise-t-elle.