L’annonce d’une forte hausse des tarifs des mutuelles et des assurances santé fin 2023 avait fait sourciller plus d’un sénateur au sein de la commission des affaires sociales. Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), à majorité Renaissance, s’était emparé du dossier, en demandant une mission d’information, qui a commencé ses travaux et auditions en février. Celle-ci a rendu ses conclusions ce 26 septembre.
Pour rappel, en décembre 2023, la Mutualité française, sur la base d’une enquête réalisée auprès de 38 mutuelles, avait estimé à 8,1 % les hausses moyennes de tarifs pour l’année 2024. Les différents organismes avaient justifié cette progression des cotisations par la hausse des dépenses de santé, nourries notamment par le mouvement général d’inflation et les revalorisations de salaires, comme des tarifs des actes, mais aussi les « transferts de charge ».
« Il conviendra de rester attentif aux bilans financiers des complémentaires santé sur les années à venir »
La mission d’information, animée par la présidente Marie-Claire Carrère-Gée (LR) – entrée samedi au gouvernement au poste de ministre déléguée à la coordination gouvernementale – et le rapporteur Xavier Iacovelli (Renaissance), conteste le calcul et estime que les différents éléments mis en avant « ne suffisent pas à expliquer les hausses tarifaires constatées ». Les sénateurs ont procédé à leur propre évaluation du niveau de hausse conforme à l’augmentation des dépenses de santé et des nouvelles dispositions à assumer. Ils aboutissent à une fourchette allant de 4,5 à 6,5 %, un niveau proche des estimations fournies par Direction de la Sécurité sociale (entre 5 et 7 %). « Le niveau d’augmentation attendu du fait de l’augmentation des dépenses de santé à couvrir est sans commune mesure avec celui annoncé avec les mutuelles », écrivent les sénateurs.
La mission dit « s’étonner de ces écarts », et précise qu’il « conviendra de rester attentif aux bilans financiers des complémentaires santé sur les années à venir, afin de vérifier le caractère strictement proportionné des augmentations de cotisations aux hausses de prestations. »
Les sénateurs expriment en particulier des « réserves importantes », sur la méthode de calcul employées par les organismes complémentaires, émettant l’hypothèse de « doubles comptages ». Xavier Iacovelli émet aussi la piste d’une « anticipation imparfaite » des nouvelles mesures par les mutuelles. À ce titre, la mission recommande de laisser au moins six mois entre la publication et l’entrée en vigueur des textes susceptibles de modifier la répartition des niveaux de prise en charge entre l’Assurance maladie et les complémentaires.
Sujet récurrent dans les critiques adressées aux complémentaires, les frais de gestion des organismes sont un autre aspect mis en exergue dans le rapport. Les sénateurs appellent les complémentaires santé à « s’engager dans une trajectoire de réduction » de ces frais. Le rapport souligne que ces derniers ont augmenté à un rythme deux fois supérieur à l’inflation entre 2011 et 2022 (+ 33 %). Les parlementaires observent au passage une disparité dans le niveau de ces frais, 35 des 100 plus grands organismes ayant des frais inférieurs à 17,5 % et 13, des frais inférieurs à 12,5 %. « Cela confirme qu’il existe des marges de manœuvre », résume Xavier Iacovelli.
Contrats de base, médecine douce, complémentaire santé solidaire : les pistes du rapport pour alléger les coûts des assurés
Partant du principe que les dépenses de santé vont continuer leur progression, en raison du vieillissement de la population, tendance qui se répercutera sur les complémentaires, les sénateurs listent une série d’idées susceptibles de limiter la note pour leurs assurés. « Ce qu’on voulait, ce n’est pas un rapport qui crée du rêve, mais que ce soit un rapport concret, qui apporte des solutions. On n’a pas de solution qui permettrait de faire baisser les tarifs, mais de les contenir », résume Xavier Iacovelli.
Le rapport s’inquiète notamment de « l’extension continue » des garanties des contrats responsables et solidaires, ces contrats qui offrent des garanties harmonisées, de base, et respectant un cahier des charges (pas de prise en charge des dépassements d’honoraires liés au non-respect du parcours de soins, par exemple). Or, cette multiplication des garanties a entraîné un renchérissement du prix des contrats, amenant des assurés à se tourner vers des contrats moins protecteurs, et par ailleurs plus taxés. La mission note également que l’encadrement de ce type de contrat va à rebours de la logique concurrentielle du marché, et limite les marges de manœuvre des différents organismes pour adopter leurs produits. Xavier Iacovelli et ses collègues recommandent de « recentrer » les objectifs des contrats responsables et solidaires, « sans réduire les protections en santé ».
La prise en charge des médecines « douces » (ostéopathie, naturopathie, sophrologie, etc.) est également dans le viseur du rapport sénatorial. Leur prise en charge, sous forme de forfait, constitue un « argument marketing déterminant pour les complémentaires santé tout en instaurant une logique de crédit incitant à la consommation ». En huit ans, ce type de prestations connexes à la santé ont été multipliées par 5 en huit ans, et frisent désormais avec le milliard d’euros, un montant qui interroge, puisque leur « efficacité n’est pas prouvée scientifiquement », écrivent les sénateurs. Ils recommandent de rendre ce volet optionnel « afin de baisser le coût de la complémentaire santé pour les assurés qui n’y recourent pas ».
Le Sénat fournit également plusieurs réponses aux retraités, notamment les plus modestes, qui ont été particulièrement impactés par « la flambée des prix » des complémentaires, les contrats individuels, non souscrit au niveau des entreprises, étant dépendants de l’âge et par conséquent plus chers. Le rapport appelle à « mandater les partenaires sociaux » pour « renforcer la solidarité intergénérationnelle », dans le but notamment de renforcer les mécanismes de plafonnement de cotisations pour les personnes âgées.
Xavier Iacovelli plaide également en parallèle pour la création d’une complémentaire santé solidaire (C2S) dédiée aux seniors, dont les ressources seraient comprises entre le minimum vieillesse et un plafond à déterminer. Le sénateur des Hauts-de-Seine suggère une participation modeste. Conscient du taux de non-recours important pour les bénéficiaires de la C2S, le sénateur recommande que les « retraités soient systématiquement informés de leurs droits en amont liquidation de leur pension ».
Le sénateur de Hauts-de-Seine entend « négocier avec le gouvernement » dans les prochains jours, pour voir ce qui est susceptible d’être placé dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). « On a la chance d’avoir une présidente de mission qui est maintenant au gouvernement », sourit-il. Mais les marges de manœuvre s’annoncent ardues, en raison du niveau élevé du déficit.