Cancer du sein : le Sénat adopte une proposition de loi pour améliorer la prise en charge des soins

Les sénateurs ont adopté à l’unanimité un texte, issu de l’Assemblée nationale, visant à réduire le reste à charge des personnes atteintes de cancer du sein. Il a évolué en séance, pour lever les risques de rupture d’égalité avec les patients atteints d’autres tumeurs. Le gouvernement a apporté son soutien aux modifications.
Guillaume Jacquot

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À quelques heures de la fin d’Octobre rose, cette campagne mondiale de sensibilisation pour le dépistage du cancer du sein, le Sénat a lui aussi fait un pas pour garantir une meilleure prise en charge des dépenses dont s’acquittent les femmes atteintes de cette pathologie. Ils ont adopté ce 30 octobre, à l’unanimité (341 voix), une version recentrée de la proposition de loi « visant la prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein par l’Assurance maladie », adoptée par les députés en mai dernier.

Un travail transpartisan s’est joué pour permettre son adoption, et « sécuriser » juridiquement le contenu, dont la version initiale a été déposée par l’ancien député Fabien Roussel et ses collègues du groupe communiste. Le dispositif a été recentré sur les dépenses spécifiques au cancer du sein. La navette parlementaire va devoir se poursuivre, par le biais d’une deuxième lecture, dans l’espoir que les deux assemblées aboutissent à un texte commun et parviennent à une adoption définitive. Le gouvernement, représenté par Agnès Canayer (ministre chargée de la Famille), a exprimé un « avis de sagesse positif », une forme de neutralité, mais néanmoins bienveillante à l’égard des modifications opérées en séance. « Nous arrivons à trouver un terrain d’équilibre qui permettra la sécurisation juridique de l’accompagnement et de la prise en charge des soins pour ces femmes atteintes par la maladie », a signifié la ministre.

La rapporteure du texte, Cathy Apourceau-Poly (communiste) a salué, à l’issue du vote, les « avancées » permises par la proposition de loi, même si elle aurait souhaité qu’elle aille « beaucoup plus loin ».

Derrière certaines interventions, des expériences douloureuses de sénatrices

Les sujets portés par le texte ont clairement trouvé de l’écho dans toutes les familles politiques. Il faut dire que peu de Françaises et de Français n’ont pas été concernés directement ou indirectement par ce type ce cancer, le plus répandu chez la femme. Une femme sur huit en développe un au cours de sa vie, et cette pathologie est responsable de 12 000 décès chaque année. « Il nous revient d’intervenir. La maladie est en elle-même suffisamment éprouvante », a insisté par exemple Corinne Féret. Visiblement touchée par le sujet, la sénatrice socialiste du Calvados a même dû interrompre pendant quelques secondes son discours, sentant sa voix se dérober sous l’émotion.

La séance a également été marquée par l’intervention de Sylvie Valente-Le Hir (apparentée LR), qui a elle-même fait l’expérience de cette maladie, comme 700 000 autres femmes actuellement en France. « Si nous pouvons soulager les contraintes matérielles des personnes atteintes d’un cancer, nous aurons déjà fait un grand pas pour les aider à guérir », a-t-elle appelé.

C’était là tout l’enjeu du texte. Si le cancer du sein est traité comme une affection de longue durée, permettant une prise en charge intégrale par la Sécurité sociale, les malades doivent néanmoins faire face à des frais coûteux, qui sortent du périmètre de la prise en charge. Selon la Ligue contre le cancer, la charge financière moyenne consécutive à un cancer du sein va de 1 300 euros à 2 500 euros. Certaines dépenses périphériques au traitement du cancer ne sont en effet pas couvertes, elles n’ont pourtant rien d’accessoire : ce sont les soins annexes, l’achat de soutiens-gorge adaptés, ou encore de crèmes relipidantes, indispensables pour combattre les effets secondaires de la chimiothérapie.

Une version de compromis pour éviter les inégalités de traitement

Initialement, le texte rendait inapplicable la participation forfaitaire, la franchise médicale, le ticket modérateur, ou encore le forfait hospitalier en cas de cancer du sein. Il prévoyait aussi une prise en charge intégrale (hors dépassement d’honoraires) sur l’ensemble des soins et dispositifs prescrits dans le cadre d’un cancer du sein, comme une prothèse capillaire. Comme le précédent gouvernement à l’Assemblée nationale au printemps, droite et centre ont émis des réserves lors de l’examen en commission la semaine dernière, redoutant une rupture d’égalité avec les assurés atteints de pathologies graves, ou même les patients atteints de cancer, s’agissant de la perte de cheveux.

Le président de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller (LR) s’est employé à satisfaire le principe constitutionnel d’égalité, « qui proscrit les différences de traitements entre des assurés dont la situation est similaire ».

Son amendement a recentré la prise en charge intégrale uniquement aux frais spécifiques au cancer du sein, « notamment ceux consécutifs à une mammectomie ou une tumorectomie ». L’article réécrit fait notamment mention des actes de tatouage médical de l’aréole et du mamelon (pour les femmes ayant choisi de ne pas effectuer de reconstruction chirurgicale de cette zone), le renouvellement des prothèses mammaires, ou encore les sous-vêtements adaptés au port d’une prothèse mammaire amovible. L’article adopté pourrait aussi permettre à des accessoires, crèmes et cosmétiques, aujourd’hui non remboursés par l’Assurance maladie, d’être pris en charge dans le cadre d’un forfait spécifique. La prise en charge des franchises a été retirée dans cette rédaction. « Si l’amendement limite la portée du dispositif, il est loin de le vider de sa substance », a toutefois reconnu la rapporteure communiste.

La liste exacte des soins et des dispositifs médicaux concernés sera fixée par arrêté du ministère de la Santé. Selon la ministre, cette liste doit être désormais « affinée », et des « petites difficultés techniques » sont à gommer au cours de la navette parlementaire.

Conséquence des modifications intervenues, l’intitulé du texte a également été revu en fin d’examen. Le Sénat transmet donc aux députés une « proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des soins et dispositifs spécifiques au traitement du cancer du sein par l’assurance maladie ».

Une meilleure prise en charge des soins supports, comme l’activité physique adaptée

Un autre amendement, travaillé avec le gouvernement, permettra la prise en charge intégrale des soins de support, pour les patientes atteintes de cancer du sein. Il s’agit d’activité physique adaptée, de diététique, ou encore de psychologie, dont les effets sont jugés bénéfiques pour faciliter la guérison ou éviter le risque de récidive. La rapporteure Cathy Apourceau-Poly a toutefois considéré que le montant du forfait (180 euros) était « insuffisant » pour permettre une prise en charge sur la durée. Elle a appelé « le gouvernement à relever le plafond défini par voie réglementaire ».

À travers cette modification, le Sénat a également élargi cette prise en charge des soins à tous les patients concernés par un cancer, qu’ils soient en traitement, et, c’est la nouveauté, à ceux en post-traitement.

Autre avancée permise par le texte : une attention particulière devra être portée, dans les négociations conventionnelles entre l’Assurance maladie et les médecins, au sujet des dépassements d’honoraires relatifs à des actes chirurgicaux de reconstruction mammaire, après un cancer du sein.

Non spécifique au cancer du sein, la question de la prise en charge des prothèses capillaires est également revenue à plusieurs reprises dans les débats. La sénatrice (RDSE) Véronique Guillotin a par exemple déclaré qu’il paraissait « anormal qu’une perruque d’entrée de gamme soit remboursée à 350 euros tandis qu’une perruque de classe 2 [contenant des cheveux naturels, ndlr] seulement 250 euros. » Reconnaissant cette « inégalité » entre les deux modèles, la ministre a déclaré que la définition d’un panier de soins pour une prise en charge intégrale était « en cours de mise en œuvre ». Un décret est actuellement soumis à la Haute autorité de santé.

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