Sur le papier, le budget de l’aide médicale d’État (AME) est stable. En l’état actuel du projet de loi de finances pour 2024, environ 1,2 milliard d’euros ont été inscrits pour financer ce dispositif aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins. C’est un montant quasiment équivalent à celui inscrit dans la loi de finances initiale de 2023, il diminue de 0,33 %.
Dans son rapport sur les dépenses de santé assumées par l’État, présenté ce 7 novembre devant la commission des finances, le rapporteur spécial Vincent Delahaye (Union centriste) en fait une autre lecture. Il estime en réalité que cette baisse est en « trompe-l’œil », car les montants de l’année 2023 ont, selon lui, étaient « surestimés ». Le sénateur de l’Essonne en donne pour preuve les montants inscrits dans le projet de loi de finances de fin de gestion déposé à l’Assemblée nationale fin octobre, celui qui actualise les montants des différents programmes en fonction du niveau de consommation des crédits votés un an plus tôt. En se basant sur cette mise à jour des chiffres pour l’année 2023, le sénateur estime alors que les dépenses de l’aide médicale d’État affichent plutôt une hausse de 5,4 %.
En dézoomant, le rapporteur spécial considère que la dynamique haussière « a vocation à se maintenir ». Après une progression de près de 12 % entre 2022 et 2024, le budget de l’AME augmenterait ensuite de 1,95 % en 2025 puis de 2,79 % en 2026, souligne le rapport.
Hausse de 43 % du nombre de bénéficiaires depuis 2019
Le rapport Delahaye met aussi en évidence la hausse du nombre de bénéficiaires de l’AME. Au premier trimestre 2023, dernières données dont il dispose, l’AME bénéficiait à près de 423 000 personnes, soit une hausse de 2,75 % en trois mois, et de 43 % depuis 2019.
À partir du 1er janvier 2020, certaines dispositions encadrant le dispositif sont entrées en vigueur, comme une condition d’une durée minimale de séjour de trois mois ou encore l’obligation du dépôt physique de la première demande à l’AME. L’année suivante, c’est une condition d’ancienneté de neuf mois minimum qui a été instaurée pour pouvoir bénéficier de soins programmés et non urgents. Pour Vincent Delahaye, l’effet de ces différentes mesures est « limité ». Selon un rapport de performance, le volume des économies est évalué à 20 millions d’euros, sachant que le montant total de l’AME atteint 1208 millions d’euros.
Dans ces conditions, « il est légitime de s’interroger sur l’étendue des soins pris en charge, qui est notablement plus large que celle assurée dans les autres pays européens pour les étrangers en situation irrégulière », insiste Vincent Delahaye.
Un amendement pour retirer 410 millions d’euros de ce programme dans le projet de loi de finances
Au printemps, la commission des lois du Sénat a amendé le projet de loi immigration, en transformant l’aide médicale d’État en « aide médicale d’urgence » (AMU), une proposition portée de longue date par la droite. Cette modification consiste à réduire le panier de soins de l’AME. Celle-ci serait alors recentrée « sur la prise en charge de la prophylaxie et du traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, des soins liés à la grossesse, des vaccinations réglementaires et des examens de médecine préventive ». Le projet de loi, remodelé par la commission des lois, prévoit aussi l’instauration d’un droit annuel dont devront s’acquitter les personnes souhaitant bénéficier de cette AMU. Coïncidence du calendrier, c’est au cours du même après-midi que l’hémicycle du Sénat va débattre de cet article que la commission des finances s’est penchée sur le budget de l’AME.
Lors de l’examen sur le projet de loi de finances, Vincent Delahaye proposera un amendement « tirant les conséquences des dispositions adoptés dans le cadre de l’examen du projet de loi immigration ». Il aboutira à une économie qu’il évalue à 410 millions d’euros (350 millions pour la réduction de panier de soins, 60 millions d’euros tirées du droit d’entrée).