Les députés ont adopté, sans modifications, une proposition de loi issue du groupe socialiste du Sénat visant à instaurer des ratios de soignants à l’hôpital.
Budget de la Sécurité sociale : le point sur le projet de loi avant plusieurs jours « décisifs »
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Le budget de l’État n’est pas le seul à faire son retour cette semaine à l’Assemblée nationale. Après les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances (PLF), que le gouvernement propose d’adopter par voie de 49.3, les députés retrouvent également ce 3 février le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), en nouvelle lecture. Ce texte, supérieur dans son ampleur au PLF, avec 660 milliards d’euros de dépenses, avait provoqué en décembre la chute du gouvernement Barnier. Une majorité d’opposants avaient voté la censure, après l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur le texte issu de la commission mixte paritaire réunie sur le PLFSS (relire notre article).
Obligation constitutionnelle, le même texte a été soumis au Sénat qui l’a adopté le 23 janvier, exprimant ainsi un désaccord avec l’autre chambre. Le texte revient désormais à partir d’aujourd’hui en nouvelle lecture, dans la version du Sénat précédant la CMP, sans possibilité cette fois de sortir d’insérer de nouvelles dispositions, et avec un gouvernement bien décidé à faire disparaître les pierres d’achoppement.
Un texte « plus acceptable » que le projet de loi initial selon le chef de file des députés PS
Samedi, dans une interview au Parisien, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, a estimé que les prochains jours seraient « décisifs ». Le gouvernement a d’abord engagé sa responsabilité sur la première partie. Pas la plus politique, puisqu’elle concerne l’exercice 2024, un peu comme une loi de règlement pour le budget de l’Etat. Le 49.3 devrait logiquement revenir pour la deuxième et la troisième partie, relatives aux recettes et dépenses. Avec cette procédure, le gouvernement peut retenir les amendements de son choix, y compris les siens. Si les motions de censure sont entre temps rejetées, le Sénat l’examinera à son tour en nouvelle lecture les 17 et 18 février.
Les différentes concessions faites par Matignon, dans le cadre des négociations qui se sont engagées en janvier, ont porté leurs fruits, puisque le refus des socialistes de voter la censure devrait accorder un sursis au gouvernement pour les textes budgétaires, y compris celui de la Sécu. Dimanche, le chef de file des députés PS sur ce texte, Jérôme Guedj, estimait que le texte était désormais « plus acceptable » que la version construite sous l’égide de Michel Barnier. « Je n’avais jamais vu, dans un budget de la Sécurité sociale, une évolution aussi importante entre le texte initial et la copie finale », a confié le député de l’Essonne aux Échos.
Disparition de l’indexation partielle des pensions de retraites et abandon du déremboursement de consultations
Conséquence directe de la motion de censure, les pensions de retraite ont toutes été indexées selon le droit commun c’est-à-dire suivant l’inflation. L’article retravaillé au Sénat, qui prévoyait une revalorisation différenciée suivant le montant des pensions, est donc caduc.
Comme il s’était engagé dans un courrier le mois dernier, le gouvernement renonce à réduire la part du remboursement de la Sécurité sociale sur les consultations médicales. Michel Barnier avait déjà fait marche arrière sur le déremboursement d’une partie des médicaments. Selon Catherine Vautrin, la dernière concession sur le « ticket modérateur » (part laissée à l’assuré et aux assurances complémentaires) va réduire de 400 millions d’euros les économies attendues.
Si elles avaient été maintenues, ces modifications auraient dû intervenir par voie réglementaire. Mais le gouvernement devra néanmoins passer par la loi pour corriger le tir. L’an dernier, les mutuelles ont anticipé la hausse de leur prise en charge, et ont répercuté le calcul sur les cotisations versées par les assurés. Le gouvernement entend récupérer le produit de cette hausse, dans un projet de loi « adopté en marge des textes financiers », a précisé la ministre. La règle de l’entonnoir, qui empêche d’ouvrir de nouveaux sujets en nouvelle lecture dans ce PLFSS, l’y contraint.
Les 7 heures de travail non rémunérées : promises à la suppression
Une autre disposition, cette fois introduite au Sénat, va aussi disparaître du projet de loi cette semaine : l’instauration d’un forfait de sept heures travaillées durant l’année, sans rémunération, pour financer l’autonomie des personnes âgées. Sur ce sujet, le gouvernement laisse le Parlement trancher. Décriée dans de nombreux groupes, la mesure concentre les critiques, y compris chez LR, qui en était pourtant à l’origine au Sénat. Elle n’a quasiment aucune chance d’être conservée. Elle avait un rendement attendu de 1,8 milliard d’euros.
Diminution des allègements de cotisations patronales
Un sujet sensible devrait revenir en hémicycle : le sort des allègements de cotisations de cotisations sociales versées par les entreprises. Le patronat est vent debout Leur coût, croissant au fil des années, a atteint la somme de 80 milliards d’euros. Le gouvernement Barnier prévoyait de les réduire de 4 milliards d’euros. Le Sénat avait réduit l’effort à trois milliards d’euros, redoutant des effets négatifs sur l’emploi, notamment pour les salaires proches du Smic. En commission mixte paritaire, la réduction a été encore rapetissée à 1,6 milliards d’euros, sous pression des députés macronistes, mal à l’aise à l’idée de rehausser le coût du travail. Le gouvernement n’a pas encore déposé d’amendement à cette heure sur ce sujet. La gauche avait déjà trouvé le compromis sénatorial insuffisant. Mais elle pourrait trouver un terrain d’entente avec le gouvernement en se penchant sur les avantages en nature non soumis à cotisations actuellement.
Incertitude sur le volume final des nouvelles taxes comportementales
Le PLFSS comprend également un relèvement des taxes sur les produits contenant des sucres ajoutés, en particulier la taxe soda. Toujours au rayon des taxes dites « comportementales », figure un renforcement de la fiscalité sur les jeux et loteries en ligne. Le Sénat avait également étendu le mouvement par une accélération de la hausse de la fiscalité sur le tabac, hausse à laquelle le précédent gouvernement s’était opposé. En dehors de ce dernier ajout, le total des taxes comportementales doit rapporter 300 millions d’euros dans les caisses de la Sécu. Plusieurs organisations professionnelles du secteur ont dénoncé ces jours derniers une surtaxe « inefficace, injuste et disproportionnée ».
Une rallonge pour les dépenses de santé
Le gouvernement va devoir faire des choix en matière de recettes, puisque le volet des dépenses va évoluer à la hausse. François Bayrou s’est engagé à proposer une rallonge d’un milliard d’euros pour le système de santé, en particulier pour les hôpitaux. Le gouvernement va donc soutenir une progression de l’objectif national de dépenses de l’Assurance maladie (Ondam) à 3,3 %. Initialement, il devait progresser de 2,6 % pour atteindre 264,2 milliards d’euros.
Le gouvernement va également relever par voie d’amendement le fonds d’urgence promis aux Ehpad, à hauteur de 300 millions d’euros. En novembre, il avait annoncé une enveloppe de 100 millions d’euros. « C’est un effort important qui est le fruit de la concertation », a souligné Catherine Vautrin au Parisien.
Une série de mesures d’économies, sur le médicament ou encore les transports sanitaires
Le projet de loi embarque par ailleurs une batterie de mesures sectorielles, pour freiner la croissance des dépenses. Un article prévoit de contraindre les représentants des radiologues et des taxis conventionnés pour le transport sanitaire à conclure des accords de maîtrise des dépenses avec l’Assurance maladie, sous peine de baisses de tarifs unilatérales.
Le budget de la Sécu contient aussi une disposition pour pousser les médecins à vérifier au moyen d’un formulaire, la pertinence de la prescription de certains actes, comme des bons de transports sanitaires. La vérification est impérative pour mettre en œuvre le remboursement.
Des outils viennent renforcer l’arsenal anti-fraude de l’Assurance maladie, dans l’échange d’information entre les différents acteurs, dans le contrôle des retraites versées à l’étranger, ou encore dans le déploiement de la carte vitale dématérialisée.
Autre mesure d’économie : la baisse du plafond des indemnités journalières versées par l’Assurance maladie. Le texte prévoit un plafonnement à 1,4 Smic, et non à 1,8 comme aujourd’hui.
À noter que le texte sorti du Sénat comprend par ailleurs la « taxe lapin », votée à son initiative depuis plusieurs années, pour pénaliser les patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous. Catherine Vautrin a assuré que cette disposition serait « bien conservée ».
Un déficit à 23 milliards d’euros
Le gouvernement assure que rien n’est encore figé et que le texte peut encore bouger. « La logique du gouvernement est la main tendue et non l’ultimatum. Mais il y a un moment où il faudra savoir arrêter. Notre pays a besoin d’un budget pour avancer », a toutefois prévenu la ministre du Travail et de la Santé.
Le gouvernement anticipe un déficit de la Sécu à 23 milliards d’euros cette année, loin des 25 encore évoqués le mois dernier, et même du gouffre de 30 milliards d’euros, qui serait atteint si aucun PLFSS n’était adopté. L’exécutif insiste sur la nécessité de mener « un travail collectif pour rétablir sur plusieurs années l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale » et d’engager une réflexion pluriannuelle pour les comptes de la Sécu.
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