Conséquence directe d’une motion de censure qui ferait tomber le gouvernement, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est plus que jamais menacé. La rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat, Elisabeth Doineau (Union centriste), rappelle l’importante de voter une disposition permettant à la Sécu de pouvoir emprunter.
Budget de la Sécurité sociale : députés et sénateurs parviennent à un accord en commission mixte paritaire
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La commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 est conclusive. Au terme de près de sept heures d’échange à huis clos, l’instance regroupant sept députés et sept sénateurs est parvenue à un accord sur le budget de la Sécurité sociale.
« J’ai présidé la première commission mixte paritaire conclusive sur un PLFSS depuis 2010, c’est déjà un motif de satisfaction », a salué le président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée, Frédéric Valletoux (Horizons).
La réforme des allègements de cotisations largement atténuée
Malgré l’opposition des parlementaires macronistes, le projet de loi scellé dans la commission mixte paritaire réduit les allègements de cotisations des entreprises de 1,6 milliard d’euros (sur un total d’environ 80 milliards d’euros). Mais l’économie est sensiblement plus basse que les quatre milliards d’euros d’efforts prévus dans le projet initial déposé par le gouvernement, ou les 3 milliards dans le texte voté par le Sénat cette semaine.
Réfractaires à toute hausse du coût du travail, qui signerait selon eux un reniement de la politique suivie depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, les parlementaires du parti présidentiel n’ont toutefois pas été jusqu’à faire échouer la CMP.
600 millions d’euros supplémentaires de réduction des dépenses de santé
Un amendement de dernière minute a été adopté peu avant 21 heures pour réduire de 600 millions d’euros les dépenses de santé. L’objectif national de dépenses de l’Assurance maladie (Ondam) passerait alors à 263,6 milliards. Ces mesures additionnelles de maîtrise seront prises par voie réglementaire.
Autre évolution importante ce mercredi : le texte adopté par la CMP ce soir fait disparaître la « contribution de solidarité par le travail », ces 7 heures non rémunérées au profit de la Sécurité sociale, introduites dans le texte par la majorité sénatoriale de droite et du centre. La mesure devait rapporter 2,5 milliards d’euros.
Dans un communiqué, le groupe LR du Sénat explique avoir « agi en responsabilité » et souligne que la CMP s’est « finalement largement appuyée sur le texte voté par le Sénat ». « Nous sommes satisfaits d’être arrivé à une CMP conclusive, mais évidemment pas satisfaits de l’état des comptes. Personne ne l’est », réagit Corinne Imbert, sénatrice LR, rapporteure de la branche maladie de la Sécurité sociale. Le texte sorti de la commission mixte paritaire prévoit un déficit de l’ordre de 17,5 ou 18 milliards d’euros, alors que le texte initial était construit sur un déficit à 16 milliards.
Les ajustements du jour laissent certains sénateurs amers. « On ne peut pas dire youpi ! Ce dont j’ai peur, c’est que la variable d’ajustement ce soit la dette, la qualité des soins ou le niveau de remboursement des médicaments. C’est un accord assez moyen », réagit le sénateur Olivier Henno (Union centriste). « Ayant renoncé à l’altruisme par le travail, à une augmentation des charges comme le proposait le texte initial du gouvernement ou le texte voté par le Sénat, on a un texte qui est devenu plus instable », considère le secrétaire général de l’UDI. Et d’ajouter : « En ayant adopté un tel texte, je ne suis pas sûr qu’on aide le gouvernement Barnier. Le texte du Sénat était meilleur. »
A gauche, l’amendement surprise de fin de séance réduisant de 600 millions d’euros les dépenses de santé constitue un choc. « Ça ne trompe personne, ce sont des rustines pour ne surtout pas afficher un déficit qui s’aggrave par rapport à 2024 », s’exclame le sénateur Bernard Jomier (groupe socialiste, écologiste et républicain). « Ils ont adopté un budget avec 3,9 milliards d’euros de pertes de recettes. La trajectoire annoncée est catastrophique, elle est totalement irresponsable », s’alarme le médecin. Toujours concernant la baisse de 600 millions d’euros de dépenses, le député Hadrien Clouet (La France insoumise) a dénoncé une proposition « pitoyable qui consiste à faire payer les malades et les personnels paramédicaux ». « Ils ont écrit ça sur un coin de table. »
Solanges Nadille, sénatrice RDPI (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) estime au contraire que le texte sorti de la CMP « dégage des mesures d’économies soutenables, tout en garantissant des moyens accrus pour les secteurs en ayant le plus besoin, en particulier celui des Ehpad ». Accueillant « très favorablement » le compromis trouvé sur les cotisations patronales, la sénatrice du groupe des marcheurs au Sénat considère que cette CMP « est le signe que le socle commun existe bel et bien ».
Revalorisation en deux temps pour les petites retraites
Concernant la revalorisation des retraites, c’est également un dispositif très proche de celui adopté au Sénat qui figure dans le texte de la commission mixte paritaire. La copie prévoit une hausse différenciée des pensions de retraite, suivant leur montant. Tous les retraités verront leur pension augmenter de 0,8 % au 1er janvier 2025. Pour les retraites inférieures à 1 500 euros brut, une seconde hausse de 0,8 % est prévue au 1er juillet. A l’origine, le projet du gouvernement prévoyait une revalorisation sur l’inflation pour tous les retraités mais seulement au 1er juillet.
Un autre ajout du Sénat reste dans le texte, il s’agit de la taxe lapin, pour faire payer les patients qui ne se présentent pas à un rendez-vous médical (relire notre article).
Les conclusions de la commission mixte paritaire doivent désormais être soumises à l’Assemblée nationale et au Sénat. Les députés se prononceront le lundi 2 décembre. Le gouvernement devrait probablement actionner le 49.3 pour faire adopter le texte, et s’exposer en retour à une motion de censure qui s’annonce à haut risque.
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