Après cinq jours d’examen, les sénateurs ont adopté le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. Le texte fera l’objet d’un scrutin solennel en début d’après-midi le mardi 21 novembre, au terme des explications de vote de chaque groupe. Dans la foulée, à 18 heures, une commission mixte paritaire réunira les sénateurs et les députés, ces derniers ayant à peine pu examiner le texte en séance, en raison d’une adoption rapide par voie de 49.3. Cette année ne devrait pas faire exception à la règle, un accord s’annonce hautement improbable et le gouvernement devrait garder la main sur le contenu du texte en nouvelle lecture, grâce aux dispositions de l’article 49.3 de la Constitution. En une semaine de débats, les sénateurs ont envoyé un grand nombre de messages politiques et de propositions.
Rejet du niveau des dépenses de santé
Comme il y a un an, les perspectives budgétaires laissent une désagréable sensation au Sénat. L’hémicycle a rejeté pour la deuxième année consécutive l’objectif national de dépenses de l’Assurance maladie, jugé flou et « insincère » par la commission des affaires sociales. Marqués par la révision à la hausse de 2,8 milliards du montant pour l’année en cours, les sénateurs ont ajouté une clause amenant le gouvernement à revenir devant la commission, en cas de nouvelle dégradation importante au cours du prochain exercice. Autre suppression symbolique, celle de la trajectoire des comptes de la Sécu pour les prochaines années.
Défense de l’Unédic de l’Agirc-Arrco
Parmi les autres temps forts de l’examen, on retiendra cet amendement à travers lequel les sénateurs ont retiré la possibilité pour le gouvernement de réduire ses compensations à l’Assurance chômage, allègements qui auraient entamé les excédents du régime. Dans le même esprit, le Sénat a voté une disposition afin de l’assurer que le gouvernement ne prélève pas une partie des revenus du régime de retraite complémentaire des salariés du privé, sans l’accord des partenaires sociaux.
Le projet de doublement des franchises médicales, non acté à ce stade mais dont les conséquences financières apparaissent déjà dans les tableaux du projet de loi, a également fait l’objet d’une séance d’explication assez tendue entre les sénateurs et le ministre de la Santé, jeudi soir. Le ministre s’est d’ores et déjà engagé à revenir devant les commissions du Parlement pour présenter le texte réglementaire, si la hausse du reste à charge pour les assurés devait être décidée.
La réforme du financement des hôpitaux repoussée et précédée d’une phase expérimentale
La réforme prévue du financement des hôpitaux fait également partie des points de divergence entre le Sénat et le gouvernement. La chambre haute du Parlement estime que la réforme, voulue par Emmanuel Macron, n’est pas suffisamment préparée. Jeudi, les sénateurs ont décidé de repousser son entrée en vigueur et précéder celle-ci par une phase d’expérimentation.
D’autres mesures ont néanmoins fait consensus, comme les mesures de prévention, volet que le Sénat a souhaité étoffer par l’ajout de taxes comportementales. Le Sénat a voté, contre l’avis du gouvernement, un alourdissement de la « taxe soda » et introduit une taxe pénalisant le sucre ajouté dans les plats transformés industriels. Les sénateurs ont également donné leur vert aux nouvelles compétences des pharmaciens. Ces derniers pourront dès l’an prochain proposer directement un antibiotique contre une angine d’origine bactérienne ou une cystite, après réalisation d’un test diagnostique. Les parlementaires ont réduit cette disposition aux adultes et enfants de plus de 10 ans. Toujours en matière de produits de santé, le Sénat a refusé la vente de médicaments à l’unité en cas de pénurie, mettant en avant les contraintes matérielles et un ratio bénéfices-risques défavorable.
Une « taxe lapin » pour lutter contre les rendez-vous médicaux non honorés
D’autres dispositions sont venues intégrer le texte, des sujets sur lesquels le Sénat a manifesté à plusieurs reprises ses derniers mois son intérêt. Il a par exemple pénalisé financièrement les patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous médicaux, une mesure jugée à même de responsabiliser les assurés sociaux dans un contexte de pénurie de professionnels du soin. Le gouvernement préfère renvoyer ce sujet aux actuelles négociations entre l’Assurance maladie et les médecins.
En fin de journée, ce vendredi, le Sénat a également introduit des mesures allant dans le sens d’un renforcement de la lutte contre la fraude sociale. Deux d’entre elles, visant à améliorer le contrôle, ont reçu le soutien du gouvernement, et pourraient donc être retenues dans le projet de loi final.
À noter également la pérennisation d’un dispositif encourageant les entreprises à aller plus loin que la part obligatoire de 50 % de la prise en charge de l’abonnement de transport des salariés.