C’est une constante depuis quelques années, chaque projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) contient des dispositions pour juguler la pénurie de médicaments, un phénomène qui a gagné en intensité depuis la crise sanitaire. Selon un rapport sénatorial de 2023, 37 % des Français déclarent avoir été confrontés à ce phénomène de pénurie. Le projet de loi de 2025 ne fait pas exception. Le Sénat a adopté ce 22 novembre l’article 19 du projet de loi, moyennant quelques modifications.
L’article prévoit notamment une hausse du plafond des sanctions que l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) peut prononcer envers les établissements pharmaceutiques et les grossistes répartiteurs, en cas de manquement à leurs obligations de détention de stocks de sécurité. Il sera relevé de 30 à 50 % du chiffre d’affaires, et ce, dans la limite de cinq millions d’euros, contre un million aujourd’hui. En septembre, le gendarme du médicament avait prononcé 8 millions d’euros de sanctions financières à l’encontre de onze laboratoires qui n’avaient pas respecté leurs obligations de quatre mois de stock de sécurité.
A ce titre, un amendement de la commission des affaires sociales demande une clarification pour éviter tout effet indésirable dans les obligations qui pèsent sur les fabricants. Il prévoit qu’un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions dans lesquelles les stocks de sécurité sont utilisés, en cas de rupture ou de risque de rupture, « pour assurer un approvisionnement approprié et continu du marché national ». Pour la rapporteure Corinne Imbert (LR), l’obligation d’un stock et le risque de sanction sont parfois « mis en avant par les industriels pour justifier, en situation de tension d’approvisionnement, leur refus de libérer les stocks constitués ».
Le Sénat s’oppose à l’extension des conditions de délivrance de médicaments à l’unité
D’un point de vue opérationnel, le projet de loi prévoit de nouvelles mesures pour réduire le gaspillage et rationaliser la distribution. Il donne la possibilité à l’exécutif de rendre obligatoire le recours à l’ordonnance de dispensation conditionnelle (délivrance soumise à un test), non plus seulement quand il y a une rupture d’approvisionnement, mais désormais quand il y a un risque de rupture, ou pour préserver la disponibilité d’un produit très demandé en hiver par exemple.
Les mêmes circonstances devaient aussi s’appliquer pour pouvoir rendre obligatoire dispensation de médicaments à l’unité, notamment des antibiotiques. Actuellement, cette obligation n’est possible qu’en cas de rupture d’approvisionnement, pas de risque de rupture.
Sur proposition de la rapporteure Corinne Imbert (LR), le Sénat s’est opposé à cette extension des conditions de la dispensation à l’unité. « La délivrance à l’unité n’a aucun effet utile sur les traitements chroniques, dont la dispensation demeurera récurrente », a motivé la sénatrice. Elle-même pharmacienne, la parlementaire a ajouté également que l’opération serait « très contraignante et chronophage » pour les professionnels dans les officines. La ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq a émis un « avis de sagesse » sur l’amendement, s’en remettant donc au choix des sénateurs.
Une souplesse introduite dans la fixation d’obligations relatives aux stocks
Certains amendements allaient dans le sens d’un durcissement des obligations relatives à la constitution des stocks de précaution, pour parer aux situations de pénurie, mais c’est finalement des amendements répondant à l’hétérogénéité des situations qui ont été adoptés. « On ne peut pas avoir une règle pour tous, il faut avoir une règle qui est différenciante en fonction des médicaments », a fait valoir la ministre. Le Sénat a adopté un amendement du gouvernement qui permettra au directeur général de l’ANSM de déroger, à la baisse, aux obligations relatives au niveau des stocks pour les médicaments soumis à des problèmes d’approvisionnement.
Un amendement du groupe socialiste, adopté également, permet d’aller dans l’autre sens. L’ANSM pourra augmenter les obligations de stocks minimaux pour les médicaments essentiels (MITM). Sans motiver sa position, le gouvernement n’a pas soutenu cette modification.
Enfin, un décret en Conseil d’Etat devra préciser les conditions dans lesquelles l’ANSM peut renforcer ses exigences dans l’élaboration et l’actualisation des plans de gestion des pénuries. Il s’agit de l’une des recommandations formulées par la commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie des médicaments à l’été 2023.
Le Sénat a également adopté un amendement, à la fois porté par la commission des affaires sociales et le gouvernement, pour généraliser et développer le logiciel DP-Ruptures. Mis au point par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, il vise à faciliter le partage d’information entre les acteurs de la chaîne du médicament.