Fin de la première lecture au Parlement du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. Les sénateurs ont adopté ce mardi 21 novembre le texte, par 184 voix pour, 108 contre, 50 abstentions, lors d’un scrutin solennel. Malgré le déficit attendu en 2024 (10,7 milliards d’euros), dénoncé tout au long de l’examen par la commission des affaires sociales, la majorité sénatoriale estime avoir amélioré le texte, à travers les amendements adoptés.
Dans le détail, la quasi-totalité des votes favorables proviennent du groupe LR et de leurs alliés centristes. Chez ces derniers, une poignée de sénateurs a toutefois préféré voter contre ou s’abstenir. Tous les membres des trois groupes de gauche (PS, communistes et écologistes) se sont prononcés, sans exception, en défaveur du texte. Quant aux groupes en soutien ou constructif vis-à-vis de l’action du gouvernement (RDPI, Les Indépendants et RDSE), c’est l’abstention qui l’a de loin emportée.
« Aveu d’impuissance sur le plan budgétaire »
Au terme d’une semaine de débats, la rapporteure de la branche maladie de la Sécurité sociale, Corinne Imbert (LR) n’a pu dissiper ses « regrets » sur le texte, qui traduit un « aveu d’impuissance sur le plan budgétaire », selon elle. « Par l’abandon des retours à l’équilibre, le gouvernement transmet la dette sociale aux générations futures, sans l’once d’un embarras auquel ce fardeau se prête pourtant ». La réforme du financement des établissements de santé fait aussi partie des désaccords majeurs avec le gouvernement, que la majorité sénatoriale a préféré repousser car « précipitée ». « Nous devons refuser de jouer avec l’hôpital pour répondre à un effet d’annonce », a fait valoir la sénatrice.
Mêmes inquiétudes au groupe Union centriste. Olivier Henno a estimé que ce PLFSS était « désenchanté », avec une trajectoire budgétaire « donnant le vertige ». Comme leurs alliés LR, les centristes ont toutefois voté en faveur du texte sorti des débats du Sénat, « car il est bien meilleur que celui adopté par 49.3 à l’Assemblée nationale ».
À gauche, les différents groupes ont refusé d’apporter leur soutien au texte, notamment car toutes leurs propositions de recettes pour la Sécurité sociale ont été rejetées. Le groupe socialiste a ainsi dénoncé un projet de loi « décevant » constituant une « impasse ». Pour leur représentant, Bernard Jomier, le budget de la santé « n’est pas tenable » et « 2024 sera encore plus dur que 2023 pour nos hôpitaux ». « Nous votons un budget qui sera, en cours d’exercice, modifié par voie réglementaire, j’en prends le pari », a pronostiqué le sénateur de Paris. L’écologiste Anne Sourys s’attend à un « naufrage ». « Le navire Sécurité Sociale poursuit sa navigation, sans voir l’iceberg sur lequel il fonce. »
« Nous avons même parfois eu des désaccords réels »
Une commission mixte paritaire va désormais se réunir en fin de journée entre sénateurs et députés, mais un accord avec l’Assemblée nationale, où le 49.3 a coupé court aux débats, n’est pas loin de relever du domaine de l’impossible. Jamais les deux chambres n’ont réussi à se mettre d’accord sur un PLFSS depuis le début de la présidence d’Emmanuel Macron. Et dans l’optique d’un nouveau 49.3 en nouvelle lecture, le gouvernement aura la main pour amender le texte comme il l’entend. Car si le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, a relevé des points de convergence avec les sénateurs, il a également souligné des points de divergence. Le ministre en charge du budget a surtout épinglé une dégradation supplémentaire des comptes au Sénat. « Je regrette, entendant les différents orateurs s’inquiéter du déficit, que je partage avec vous, constater qu’à l’issue de ces débats, le déficit de la Sécurité sociale, se retrouve aggravé de plus de 1,3 milliard d’euros, par des dépenses supplémentaires et des moindres recettes ».
« Nous n’avons pas été d’accord sur tout, nous avons même parfois eu des désaccords réels », a renchéri Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. L’ancienne députée a indiqué que le projet du gouvernement de revoir le mode de financement, ce n’était « pas jouer avec l’hôpital ». « C’est bien prendre en compte une nécessaire évolution de la tarification », a-t-elle fait valoir. Le gouvernement va également chercher à rétablir l’Ondam (l’objectif national de dépense de l’Assurance maladie), supprimé symboliquement par le Sénat. « Nous en prenons acte. C’est un outil nécessaire, je tiens à le rappeler », a rappelé Agnès Firmin-Le Bodo.