De tous les chantiers qui attendent le gouvernement cette année, la préparation du prochain budget est probablement le plus difficile de tous. Pour respecter son engagement de faire revenir le déficit public sous la barre des 3 % du PIB en 2027, et surtout d’amorcer une décrue de la dette, l’exécutif doit trouver, rappelons-le, 12 milliards d’économies chaque année.
La tâche s’annonce ardue, car la dynamique des recettes fiscales n’est pas en bonne posture. La progression de l’activité fait pourtant partie de la stratégie gouvernementale. Hier, l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) a revu nettement à la baisse ses prévisions de croissance pour la France. L’organisation internationale ne prévoit plus qu’une progression de 0,6 % du PIB français cette année, une prévision deux fois plus basse que le scénario imaginé par le gouvernement.
Le climat social en ce début d’année apporte une nouvelle ombre au tableau. Rapportés à l’ensemble des dépenses publiques, les 400 millions d’euros consentis la semaine dernière par le gouvernement pour répondre à la colère des agriculteurs représentent, certes, un montant relativement faible. Mais cette réponse, un mois seulement après la promulgation de la dernière la loi de finances, témoigne de la difficulté de tourner la page du « quoi qu’il en coûte ».
Une revue des dépenses engagée depuis novembre
Au beau milieu de son discours de politique générale, le 30 janvier, Gabriel Attal a pris l’engagement de respecter la trajectoire budgétaire. Le gouvernement va poursuivre et « renforcer » les revues de dépenses, et livrer ses premières propositions « dès le mois de mars ». Bruno Le Maire a d’ores et déjà prévenu qu’il y aurait des « décisions difficiles » à prendre, après ce travail qui consiste à passer au crible l’efficacité de la dépense publique et à identifier des gisements potentiels d’économies.
Signe de la difficulté de l’exercice, ce nouveau chantier a été engagé dès novembre, sur demande d’Élisabeth Borne. Comme l’an dernier, la Sécurité sociale va être mise à contribution et concentrera la moitié de l’effort, à savoir six milliards d’euros. Le gouvernement a déjà placé dans son viseur la consommation de médicaments ou les arrêts maladie au cours de ces deniers mois. Le déficit annuel de la branche maladie de la Sécurité sociale est attendu à plus de 9 milliards d’euros au cours des années à venir.
La part dans l’Assurance maladie des dépenses liées aux affections longue durée progresse
Parmi les thèmes abordés dans ces revues de dépenses figurent les affection longue durée (ALD), révélait ce lundi le quotidien Les Échos. Ce chapitre est, on ne peut plus sensible, puisqu’il représente à la fois un enjeu de santé publique et une masse budgétaire importante. Ce dispositif de solidarité permet la prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie de pathologies qui nécessitent un traitement prolongé et coûteux. Leur liste est définie par décret, et elles sont au nombre de 30. On y trouve par exemple le diabète, un grand nombre de cancers, les maladies chroniques actives du foie (hépatite B ou C), le VIH, les insuffisances cardiaques rares ou encore la maladie de Parkinson. La liste n’a pas évolué depuis 2011.
Certains frais ne sont cependant pas remboursés et restent à la charge des patients (participation forfaitaires, franchises médicales, forfaits hospitaliers, dépassements d’honoraires), et le cas échéant, de leurs mutuelles. S’agissant du reste à charge sur les médicaments ou les consultations, l’exécutif s’est déjà engagé à ne pas modifier le plafond qui s’applique aux patients en affection longue durée.
Difficile de présager des propositions qui pourraient être formulées à l’issue de la revue de dépenses. Une chose est sûre, Bercy a bien noté la tendance des dépenses relatives aux affection longue durée. Le 17 décembre, L’Opinion évoquait la préoccupation de Bruno Le Maire face au coût croissant de la prise en charge des maladies chroniques.
Selon le dernier rapport d’évaluation des politiques de Sécurité sociale, la part des dépenses relatives aux assurés en ALD dans le total des remboursements de l’Assurance maladie « est en augmentation continue ». En 2020, celles-ci étaient estimées à 110 milliards d’euros sur un total de 166,8 milliards d’euros, « soit 66 % des dépenses remboursées » par l’Assurance maladie. Il y a 10 ans, cette part était de 61,6 %. « Les pathologies chroniques les plus sévères expliquent la plus grande partie de la croissance des dépenses d’assurance maladie », détaille le rapport. L’an dernier, près de 12 millions de personnes ont été prises en charge au titre d’une affection de longue durée.
Et cette tendance devrait se poursuivre. L’Assurance maladie, dans ce rapport, conclut à la poursuite de la dépense totale de santé « du fait du vieillissement de la population ».
« Un nouveau coup porté aux personnes malades », dénonce France Assos Santé
Auditionné au Sénat en 2021 spécifiquement sur le sujet des affections de longue durée, Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie avait lui aussi mis en avant la montée en puissance des maladies cardiovasculaires, du diabète et des maladies psychiatriques. « Ce sont ces ALD qui contribuent à une grande part de la dynamique de dépenses d’assurance maladie actuelle et à venir », a-t-il souligné.
Ce coup de projecteur sur les affections de longue durée fait déjà réagir vivement les représentants des patients, comme France Assos Santé. « Alors que les franchises augmentent, que les cotisations aux complémentaires explosent, et que les personnes en ALD accusent les plus gros restes à charge, les associations d’usagers n’accepteront pas un nouveau coup porté aux personnes malades ! » s’exclamait ce mardi après-midi cette union fédérant une centaine d’associations d’usagers de la santé.
Il y a trois ans, cette union associative rappelait que les personnes en ALD, « du fait de leur nécessité importante de soins », subissaient « en valeur absolue, le plus de reste à charge en santé ».