Assurance maladie : les perspectives budgétaires restent dégradées, malgré les économies en 2025

Le directeur de la Cnam, Thomas Fatôme, était auditionné en amont de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) au Sénat ce 31 octobre. Il a livré son analyse de la situation financière de la branche maladie, et s’est exprimé sur les mesures pour réduire le déficit.
Guillaume Jacquot

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L’Assurance maladie est dans une situation financière « difficile », a reconnu le directeur de sa caisse nationale (Cnam), Thomas Fatôme, ce 31 octobre, devant la commission des affaires sociales du Sénat. Selon le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, le déficit de la branche maladie devrait se résorber légèrement, passant de 14,6 milliards (estimation pour 2024) à 13,4 milliards l’an prochain. Une très légère amélioration.

Malgré leur « quantum significatif », selon le directeur de la Cnam, les économies inscrites dans le texte actuellement en débat à l’Assemblée nationale, pour un montant de 4,9 milliards d’euros, ne compenseront que partiellement la hausse des dépenses de santé en 2025. Celles-ci devraient progresser de 7,8 milliards d’euros, pour atteindre 263,9 milliards d’euros. Cet objectif de dépenses, en hausse de 2,8 %, est jugé « exigeant », par le numéro 1 de la Cnam. L’objectif qui avait été fixé pour 2024 devrait, lui, être dépassé de 1,2 milliard d’euros.

Objectif de 500 millions d’euros de fraudes détectées et stoppées en 2024

Hormis une petite amélioration pour 2025, la trajectoire de la branche maladie ne devrait pas s’améliorer à moyen terme, puisque le déficit est à nouveau attendu au-delà des 14 milliards pour les années 2026 à 2028. « Les perspectives restent assez notoirement dégradées et justifient la pleine mobilisation de l’Assurance maladie sur la bonne utilisation de ses ressources, et des actions renforcées sur la qualité et la pertinence des soins, et la lutte contre la fraude », a insisté Thomas Fatôme.

Sur ce dernier volet, la Cnam est montée en compétences, et surtout en puissance. La Cnam va en particulier muscler son contrôle sur les arrêts de travail. D’ici juin 2025, l’Assurance maladie ne « prendra plus aucun » arrêt de travail papier qui ne passe pas par un Cerfa sécurisé. La Caisse nationale a aussi engagé une bataille contre les sites internet proposant des arrêts frauduleux. « On en ferme quasiment toutes les semaines », a insisté le directeur.

L’an dernier, tous dispositifs confondus, l’Assurance maladie a détecté et stoppé des fraudes pour un montant global de 466 millions d’euros, après 315 millions d’euros en 2022. En 2024, elle a fixé un objectif à 500 millions d’euros. « J’ai de bonnes raisons de penser que nous serons au rendez-vous de cet objectif », a fait savoir le directeur de la Caisse nationale d’Assurance maladie.

« On ne fait pas que de la baisse de tarifs »

Le principal levier reste donc des mesures de modération des dépenses, de régulation, des recettes nouvelles ou encore des transferts de charges aux mutuelles, à travers le relèvement du ticket modérateur. Autant de mesures jugées « difficiles » par Thomas Fatôme.

Interrogé sur la solidité des économies annoncées, le directeur a rappelé l’importance de la récente convention médicale conclue avec les professionnels de santé, conçue comme un « partenariat basé sur la confiance ». « C’est mettre des revalorisations [d’actes] d’un côté, et mettre en place des actions d’efficience de l’autre », a-t-il résumé.

Certaines mesures de régulation et d’efficience, inscrites dans le projet de loi de financement, font déjà grogner dans les rangs des professionnels de santé. L’article 15 pourrait permettre à l’Assurance maladie d’imposer unilatéralement des baisses tarifaires, si aucune maîtrise des dépenses n’a pu être négociée avec les syndicats, ou si celle-ci s’avère insuffisante. « Ne craignez-vous pas que la mesure n’affaiblisse l’exercice conventionnel ? » a ainsi demandé la sénatrice LR Corinne Imbert, rapporteure de la branche maladie.

Thomas Fatôme a rappelé qu’il restait dans un « dialogue », et sur l’importance d’inclure un volet relatif à la pertinence des soins dans le protocole pluriannuel signé avec le secteur de la biologie, particulièrement ciblé dans ce PLFSS. « On ne fait pas que de la baisse de tarifs », a-t-il insisté, tout en soulignant la « rentabilité extrêmement élevée » des laboratoires. « Quand l’excédent brut d’exploitation sur le chiffre d’affaires reste à 17 % en 2023 en moyenne, cela fait pâlir d’envie d’autres secteurs », a estimé le haut fonctionnaire. Et d’ajouter : « Il est aussi normal que quand le secteur fait des gains de production, il y ait un partage des gains tarifaires. »

Si elle adhère à l’objectif d’une meilleure pertinence des soins, Corinne Imbert a cependant fait part d’une certaine gêne sur la méthode. « À travers ce PLFSS, j’ai l’impression que l’urgence budgétaire semble appliquer une double peine à un certain nombre d’acteurs, qui ne sont pas les prescripteurs, et qui ne font que répondre à des prescriptions », a fait savoir la sénatrice de la Charente-Maritime.

Contrôle a priori de certaines prescriptions : Thomas Fatôme promet un dispositif « simple à l’emploi pour les médecins »

D’autres dispositions font aussi polémique, cette fois chez les médecins généralistes. Comme l’article 16, qui doit étendre le « champ de l’accompagnement à la pertinence des prescriptions », un système d’appui et de vérification à la pertinence des soins. Pour que l’Assurance maladie prenne en charge un transport sanitaire ou un acte de biologie, les médecins devront renseigner leur demande sur un formulaire, afin de vérifier si celle-ci est conforme aux recommandations. La sénatrice centriste Anne-Sophie Romagny redoute que les tâches administrations des médecins ne s’accroissent. « Ce type de mesure ne risque-t-il pas de réduire encore le temps médical disponible dont nous manquons cruellement ? » s’est-elle inquiétée.

Pour Thomas Fatôme, le dispositif ne sera « pas très coercitif », ni compliqué. « Trois clics sur un téléservice. » « Notre obligation, c’est de fournir des choses simples à l’emploi pour les médecins », a-t-il insisté. Selon l’Assurance maladie, un médecin délivre chaque année en moyenne 750 000 euros de prescriptions.

« Rationalisation des flux de transports »

La question des transports sanitaires est d’ailleurs abordée à travers un autre article du projet de loi de financement, à l’article 17, qui prévoit de faire évoluer le cadre des conventions entre l’Assurance maladie et les taxis, pour la prise en charge des malades. Début octobre, le gouvernement avait épinglé la croissance « alarmante » des dépenses de transports remboursées par la Sécurité sociale. En 2023, la prise en charge des déplacements en ambulances et taxis a atteint 6,3 milliards d’euros pour l’Assurance maladie, un bond de 9 % en un an. « Il y a un certain nombre de leviers qu’on essaye d’amplifier, autour du transport partagé, d’une plateforme de commande dans l’hôpital public, et d’une rationalisation des flux de transports », a précisé le patron de la Cnam.

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale sera examiné en séance publique au Sénat du 18 au 23 novembre.

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