Arrêts maladie : vers une baisse de la prise en charge par la Sécurité sociale ?
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L’Assurance maladie va-t-elle à l’avenir prendre moins bien en charge l’indemnisation des arrêts maladie pour une partie des salariés ? La piste est à l’étude au niveau du gouvernement, révèle ce vendredi le quotidien Les Échos. Le sujet est depuis plusieurs mois dans le viseur de Bercy. En 2023, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal pointait déjà du doigt « l’explosion » du nombre d’arrêts maladie et, de fait, des dépenses liées aux versements d’indemnités journalières. Or, le déficit de la Sécurité sociale s’est creusé davantage depuis. Rien que sur l’année 2024, les comptes ont dérapé de près de 7 milliards d’euros par rapport aux prévisions.
Pour rappel, le gouvernement envisage de trouver 15 milliards d’euros d’économies rien que sur le périmètre de la Sécurité sociale, pour tenter de contenir le déficit public à 5 % du PIB l’an prochain. La revalorisation différée des pensions de retraite devrait permettre à elle seule d’économiser 3,7 milliards d’euros. Les dépenses de santé seront également mises à contribution. L’exécutif révélera ses intentions et ses arbitrages le 10 octobre, au moment de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, concomitante à celle du budget de l’État.
Un gain potentiel de 600 millions d’euros pour la Sécurité sociale
Les réflexions en cours portent sur le niveau de prise en charge. Actuellement, la Sécurité sociale prend en charge à hauteur de 50 % la rémunération quotidienne d’un de ses assurés, arrêté pour des raisons de santé. L’employeur prend ensuite à sa charge le reste, pour assurer à la personne en arrêt le maintien d’au moins 90 % de son salaire, parfois plus selon les accords internes ou les conventions collectives. Le niveau financé par la Sécurité sociale est plafonné à 1,8 Smic (3 180 euros brut mensuels), soit un maximum de 52 euros chaque jour. Selon Les Échos, le gouvernement Barnier pourrait abaisser ce plafond à 1,4 Smic (2 473 euros brut mensuels), soit 40 euros.
Rien ne changerait pour les salariés sous ce seuil. Pour les autres, la disposition, si elle se matérialisait, pourrait provoquer une perte de revenu durant un arrêt maladie. Dans le cas où les accords d’entreprises ou les conventions collectives complètent le montant versé par l’Assurance maladie, une telle réforme constituerait donc un surcoût par rapport à la situation actuelle. Il s’agirait donc d’un transfert de coût de la Caisse nationale d’Assurance maladie vers les entreprises, et par ricochet, sur les assurances prévoyance. Selon le quotidien économique, l’abaissement du plafond serait susceptible de faire économiser 600 millions d’euros à la Sécurité sociale.
Le mois dernier, Thomas Fatôme, le directeur général de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), avait appelé à réfléchir à « un nouveau système d’indemnisation des arrêts de travail plus soutenable financièrement, mais aussi plus juste ». Le haut fonctionnaire évoque par exemple la question de la « soutenabilité » de la dynamique haussière des dépenses, mais aussi le manque d’équité entre les salariés des grandes entreprises et ceux des structures plus petites, où les jours de carence ne sont pas parfois pas pris en charge par l’employeur.
Une progression des dépenses qui inquiète l’Assurance maladie et la Cour des comptes
Malgré son plan lancé en 2023 pour tenter de maîtriser les coûts des arrêts, l’Assurance maladie a constaté une augmentation plus forte de ces dépenses, par rapport aux dépenses de santé dans leur ensemble. Sur le premier semestre de l’année 2024, les dépenses pour arrêts maladies ont augmenté de 8 % sur un an. Soit plus d’un milliard d’euros.
C’est une tendance de fond. De 2017 à 2022, celles-ci ont progressé de 50 %. Plusieurs facteurs expliquent le mouvement, outre une part due au Covid-19. D’abord l’augmentation du nombre d’actifs et le vieillissement, mais aussi tout simplement l’inflation. Quand les salaires augmentent, le niveau des indemnités journalières suit également.
Ces trois causes principales n’expliquent cependant pas la totalité de la hausse. « On travaille avec l’Assurance maladie pour décrypter ces chiffres », répondait Pierre Pribile, directeur de la Sécurité sociale, interrogé le 2 octobre au Sénat par la commission des affaires sociales, sur ce sujet.
Dans son rapport publié au printemps, la Cour des comptes admettait elle aussi que certains facteurs étaient « non identifiés », pour un montant de plus de 850 millions d’euros en quelques années, soit tout de même 20 % du total. La Cour avait, elle aussi, poussé à une simplification et à des réformes du dispositif des indemnités journalières. Les magistrats financiers plaident pour des mesures de simplification administrative et des actions de contrôles renforcées. La Cour avait surtout proposé de revoir la durée maximale d’indemnisation et de porter le délai de carence de trois à sept jours (en excluant les affections de longue durée de cette réforme). Cette mesure d’économie était d’ailleurs à l’étude par le gouvernement au printemps.
Interrogé par la sénatrice Christine Bonfanti-Dossat (LR) sur le sort du rapport de la Cour des comptes, le directeur de la Sécurité sociale n’a laissé filtrer aucun indice. « Je ne suis pas vraiment en mesure de vous partager d’éventuelles décisions faisant suite à ces recommandations », a-t-il répondu aux parlementaires.
Offensive de la Caisse nationale d’Assurance maladie
L’un des rapporteurs du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), le centriste Olivier Henno, se dit « d’accord sur le principe » de faire des économies, « mais réservé sur la modalité » de l’abaissement du plafond remboursé par la Sécurité sociale. « Responsabiliser, ce n’est pas donner un coup de rabot, c’est prendre des décisions structurelles. Si ce n’est que ça, ce n’est pas suffisant. Si le seul moyen est technocratique, on n’y arrivera pas et on tapera à l’aveugle », estime le sénateur du Nord. Le secrétaire général de l’UDI plaide pour des sanctions à l’attention des personnes « qui détournent notre système de solidarité », mais aussi à l’égard des médecins qui prescrivent des arrêts bien supérieurs à la moyenne.
Engagée dans un objectif de ralentissement du nombre de jours d’arrêts indemnisés, la CNAM a mis en place des dispositifs de contrôle et d’objectifs avec les médecins. Elle veut également déployer l’an prochain un programme pour les aider à « mieux gérer les renouvellements » d’arrêts, et contrôler tous les assurés en arrêt de plus de 18 mois.
Lors de l’audition au Sénat mercredi, Bernard Jomier (groupe socialiste, écologiste et républicain) avait demandé au directeur de la Sécurité sociale si des données fines existaient concernant les arrêts de plus de 3 mois, particulièrement marqués par l’augmentation en volume. « Ça nous changera du discours les médecins sont responsables et on va en contrôler 7 000 et ça ira mieux », avait conclu le médecin.
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