Au terme de deux jours de débats, le Sénat a adopté dans la soirée du 25 octobre par 235 voix pour, 80 contre, la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins. Le texte issu de la majorité présidentielle, porté par le député Frédéric Valletoux, a sensiblement évolué depuis sa transmission par l’Assemblée nationale en juin.
Il faut dire que son examen s’est déroulé dans un contexte très particulier. En trame de fond se jouait une autre partition, celles des négociations tarifaires entre le gouvernement et les médecins libéraux. Pour ne rien arranger, la proposition de loi en question a largement crispé la profession, qui redoutait des mesures coercitives ou davantage de responsabilités.
« Manque de vision globale »
Malgré plusieurs heures de réécriture, la majorité sénatoriale reste très dubitative sur la portée du texte, et ses chances de répondre réellement aux difficultés que traverse le système de soin. « C’est un peu le miroir aux alouettes », a résumé la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. Le président de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller, a dit regretter le « manque de vision globale » du gouvernement sur la question, laquelle mériterait « une mobilisation avec un projet de loi digne de ce nom ».
La gauche, déçue par la « timidité » des mesures, a voté contre (socialistes et communistes) ou s’est abstenue (écologistes). Pour la socialiste Émilienne Poumirol, la proposition de loi « n’a pas véritablement de portée, ni les moyens de ses ambitions ». « Ce texte ne va satisfaire personne et ne répond à quasiment aucune des questions qui nous sont posées », a renchéri la communiste Céline Brulin.
Les sénateurs macronistes demeurent également sceptiques sur le résultat final. « Nous ne pouvons que regretter que notre assemblée, qui représente les territoires, se marque en retrait sur un certain nombre de sujets, par rapport à ce qui a pu être adopté à l’Assemblée nationale », s’est désolé le sénateur Olivier Bitz (RDPI).
« Pas d’enthousiasme excessif » au Sénat
Déjà la semaine dernière, la commission des affaires sociales du Sénat, où la droite et le centre sont majoritaires, a examiné le texte « sans un enthousiasme excessif », et s’est employée à « faire le ménage » dans le texte, en retirant près du quart des articles. Considéré comme « repoussoir », l’article 3 est l’exemple le plus emblématique de ce toilettage législatif. Il prévoyait le rattachement automatique des praticiens aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), afin de faciliter la coordination entre les professionnels.
Le passage au Sénat a également été l’occasion de déminer la réforme de la permanence des soins assurée par les établissements de santé, un autre point de tension avec les médecins. D’un commun accord avec le gouvernement, la Haute assemblée a réécrit l’article en question, dont le but était de davantage faire contribuer les cliniques aux gardes et astreintes. La contrainte par les ARS ne s’exercera qu’en dernier recours. Et la garde d’un praticien dans un autre établissement que le sien ne pourra se faire que sur le volontariat.
Comme l’Assemblée nationale, le Sénat a été le théâtre d’une bataille parlementaire sur les remèdes à apporter aux déserts médicaux. Dans l’espoir de réduire les inégalités territoriales en matière d’accès aux soins, près d’une centaine de sénateurs de droite comme de gauche ont tenté de réguler l’installation des médecins. Leurs amendements ont été repoussés, par crainte d’un déconventionnement massif et d’un signal de défiance adressé aux étudiants.
Durcissement de l’encadrement de l’intérim médical
Fidèle à sa position déjà exprimée l’an dernier, le Sénat a accentué l’encadrement de l’intérim médical, qui met à rude épreuve les finances des hôpitaux et la stabilité des équipes de santé. Alors que le texte se bornait seulement à interdire ce mode d’exercice en début de carrière uniquement, les sénateurs ont fixé une limite pour l’ensemble d’une carrière : l’intérim ne pourra pas être une pratique professionnelle à plein temps dans la santé. En séance, les sénateurs ont étendu cette disposition aux établissements qui accompagnent les enfants en situation de handicap. Pour lutter contre le « nomadisme des professionnels de santé », les sénateurs ont également donné leur feu vert aux dispositions limitant à une fois tous les ans l’octroi de certaines aides à l’installation et d’exonérations fiscales au bénéfice des médecins.
L’examen au Sénat a également permis d’exonérer les médecins de certains actes jugés « superflus ». La suppression du certificat médical par une attestation sur l’honneur dans le cas des congés pour enfant malade, est l’illustration des tentatives opérées au Sénat pour redonner du « temps médical ».
« Ce texte fera œuvre utile, sans apporter pour autant de réponses miracles »
D’autres mesures ont également reçu le soutien du Sénat, citons par exemple la création de la fonction d’infirmier référent (la commission des affaires sociales a néanmoins réservé le dispositif aux patients souffrant d’affection de longue durée), ou encore une expérimentation instaurant une option santé dans les lycées situés dans les déserts médicaux, dans l’espoir de créer des vocations.
Si le ministre de la Santé a estimé que ce texte était l’occasion d’apporter « une partie des solutions » à un système de santé en grande souffrance, la commission des affaires sociales du Sénat s’est montrée plus réservée. « Ce texte fera œuvre utile, sans apporter pour autant de réponses miracles aux difficultés que nous connaissons », a résumé la rapporteure Corinne Imbert.
L’article 1, qui d’ordinaire constitue la mesure la plus symbolique d’un texte législatif, a été qualifié au Sénat de « décevant ». Il devait consolider la démocratie sanitaire en prenant appui sur les conseils territoriaux de santé (CTS), mais ne leur a confié aucun moyen d’action nouveau.
Le texte va désormais faire l’objet d’une commission mixte paritaire avec les députés, dans le but de dégager une version commune.