La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Yaël Braun-Pivet réélue au perchoir : « Il faut que tout change pour que rien ne change », observent les sénateurs
Par Simon Barbarit
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« Il faut que tout change pour que rien ne change ». Le président du groupe socialiste du Sénat, Patrick Kanner se remémore cette phrase du Guépard de Visconti lorsqu’il s’agit de commenter la réélection de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale. La députée des Yvelines a remporté l’élection avec 220 voix, au troisième tour dans un scrutin serré, ne devançant que de quelques voix, le communiste, André Chassaigne (207 voix). En troisième position, le candidat RN, Sébastien Chenu a maintenu sa candidature jusqu’au bout (141 voix).
« La politique d’Emmanuel Macron a été clairement rejetée par les électeurs lors des deux derniers scrutins et on se retrouve avec les mêmes. C’est un extraordinaire retournement de situation. Un président sanctionné par les urnes et qui conserve tous ses pouvoirs. Ça montre qu’il y a un vrai problème dans nos institutions », s’alarme le sénateur du Nord.
« Le message qui est envoyé aux Français est terrible »
« C’est terrible. Les Français vont se demander pourquoi leur vote n’a pas eu d’effet. On ne peut que regretter qu’il ait fallu le vote de 17 ministres en exercice pour faire basculer l’élection », souligne la présidente du groupe communiste du Sénat, Cécile Cukierman. La possibilité pour les ministres démissionnaires de participer à l’élection a d’ailleurs été largement détaillée par les constitutionnalistes, ces derniers jours (lire notre article). Le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard va, lui, jusqu’à parler de « hold-up démocratique ». « Le message qui est envoyé aux Français est terrible ».
« Si la gauche avait gagné, le vote des ministres, ça leur en aurait touché une, sans faire bouger l’autre. Le vote était d’autant plus serré que le RN s’est maintenu jusqu’au bout, donc le message est clair. Il n’y a pas de connivence avec l’extrême droite », tient à rappeler Hervé Marseille, le président du groupe centriste au Sénat, à la fois soutien d’Emmanuel Macron et membre de la majorité sénatoriale de droite. « André Chassaigne est un républicain. Mais derrière son visage souriant, il y a quand même une ligne politique qui n’est pas la nôtre. Et qui est même très inquiétant si on évoque par exemple le conflit israélo-palestinien », ajoute-t-il.
Si le Nouveau Front Populaire a plaidé ces derniers jours à priver l’extrême droite de toutes les fonctions clés de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet a rappelé après son élection qu’elle trouvait « sain » que « chaque groupe politique, quel qu’il soit puisse être représenté au Bureau » de l’Assemblée.
Vendredi après-midi, les présidents de groupes politiques devront se réunir pour procéder à la répartition des postes du Bureau et des sièges au sein des huit commissions permanentes et depuis plusieurs jours des rumeurs d’un accord entre la macronie et la droite qui a, selon des sources concordantes, négocié plusieurs postes clés à l’Assemblée pour prix de son ralliement : au minimum, une vice-présidence, la tête de la commission des finances, et un des trois postes de questeur.
Un accord entre la droite et la macronie qui pourrait constituer les prémisses d’une coalition ? « Depuis 2022, je milite un rassemblement du bloc central allant des LR aux sociodémocrates. C’est la responsabilité qui nous incombe car avec le score qu’a fait le RN aux dernières législatives, on a fait que reculer pour mieux sauter », alerte Hervé Marseille.
« Rien ne différencie la politique d’Emmanuel Macron de ce que voudraient faire Les Républicains »
Chez les LR, on préfère mettre en avant le « pacte législatif » qu’ils proposeront aux différents groupes politiques la semaine prochaine. « Si le futur gouvernement reprend nos propositions sur les priorités que nous avons mises en avant, la maîtrise de la dette, le retour de l’autorité… Nous sommes responsables et nous voterons les textes. C’est d’ailleurs ce qu’on fait au Sénat depuis des années. Quand on considère qu’un projet de loi va dans le bon sens, on l’améliore en l’amendant et on le vote. Nous devons faire ce travail de construction pour que le pays ne tombe pas dans le chaos », appuie la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Dominique Estrosi Sassone. Quitte à participer à une coalition avec les macronistes ? « Je ne suis pas pour une alliance, mais les choses bougent tellement vite. Nous verrons comment les choses vont se décanter après la répartition des postes à l’Assemblée », élude-t-elle.
« La réforme des retraites, la loi immigration… Rien ne différencie la politique d’Emmanuel Macron de ce que voudraient faire Les Républicains. Il va y avoir un budget et on sait qu’Emmanuel Macron ne veut pas travailler sur le partage des richesses et sur la recherche de nouvelles recettes. Ce sera l’austérité, et il pourra compter sur le vote des LR », réagit Guillaume Gontard.
L’élection de Yaël Braun-Pivet sonne-t-elle la fin des espoirs de la gauche de voir un Premier ministre de leur camp être nommé par le chef de l’Etat ? Dominique Estrosi Sassone répond par l’affirmative. « La gauche n’a pas cessé de répéter que si leur candidat était élu à la présidence de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron ne pourrait faire autrement que de nommer un Premier ministre du nouveau Front Populaire. Il n’a pas été élu et en plus ils sont incapables de se mettre d’accord sur un nom ».
Un point sur lequel Patrick Kanner la rejoint. « Je continue de soutenir la candidature de Laurence Tubiana, la mieux à même de rassembler une majorité. Si dans les prochains jours nous ne parvenons pas à un accord, notre crédibilité sera entachée ».