La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Violences du 1er mai : il y a quatre ans naissait au Sénat la loi anticasseurs
Par Simon Barbarit
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« C’est une proposition de loi que les Parisiens attendent après la casse du 1er mai. Nous avons voulu prendre le gouvernement de vitesse ». Cette annonce du sénateur LR de Paris, Pierre Charon faite le 2 mai 2018 pourrait avoir été prononcée aujourd’hui. Mais depuis plusieurs années le 1er mai se suivent et se ressemblent. Les images de violences et de dégradations du mobilier urbain tournent en boucle sur les chaînes d’info et les réseaux sociaux, ce qui a fait émerger plusieurs propositions d’évolutions législatives.
La plus notable date de 2018. Cette année-là, les manifestations du 1er sont une fois encore émaillées de violences urbaines. Un MacDonald et un concessionnaire automobile sont vandalisés boulevard de l’Hôpital à Paris. 1200 black blocks sont dénombrés et 300 interpellés. Par la suite cette date restera célèbre en tant que point de départ de l’affaire Benalla.
La droite du Sénat ressort une loi de 1970
En attendant, le 2 mai 2018, la droite sénatoriale est bien décidée à prendre le jeune gouvernement d’Edouard Philippe sur le terrain de la sécurité. Le groupe Les Républicains du Sénat, à l’initiative de son président, Bruno Retailleau, publie un communiqué annonçant le dépôt d’une proposition de loi « destinée à introduire dans notre droit une responsabilité pénale et pécuniaire collective de ceux qui, en bande, cassent et brûlent ce qui leur tombe sous la main ».
Les sénateurs LR reprennent dans ce texte certaines dispositions d’une loi du 8 juin 1970 dite « loi anti casseurs » abrogée en 1981 après l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand (lire notre article).
Interdiction administrative de manifester
Le texte est adopté en octobre 2018 au Sénat. Dans le détail, le texte crée des périmètres dans les manifestations à l’entrée desquels les policiers pourront fouiller les manifestants, il crée un délit de dissimulation du visage, passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende (devenu inopérant avec le covid-19). Surtout, il donne au préfet le pouvoir d’interdire à une personne de manifester si elle représente une menace pour l’ordre public alors que seul le pouvoir judiciaire peut prononcer des interdictions individuelles de manifester. En première lecture, les sénateurs créent même un fichier national regroupant toutes les personnes interdites de manifestation, il sera supprimé lors de la navette parlementaire.
Transmise à l’Assemblée nationale, la proposition reste dans les tiroirs. Mais en ce début d’année 2019, le mouvement des Gilets Jaunes n’en finit pas de tester la fermeté du gouvernement chaque samedi. Depuis le début de la mobilisation le 17 novembre 2018, 5.600 personnes ont été placées en garde à vue et quelque 1.000 condamnations prononcées par la justice. Les images de forces de l’ordre prises à partie, de l’Arc de Triomphe tagué, des quartiers de Paris vandalisés, impriment la rétine. Sous pression, le Premier ministre, Edouard Philippe annonce le 7 janvier sur TF1, une nouvelle loi « anticasseurs ».
Et comme le temps presse, le gouvernement utilise un texte tout prêt, celui de Bruno Retailleau. Mais cette proposition de loi issue de la droite, gène dans les rangs de la majorité LREM de l’Assemblée, en particulier les fameuses interdictions de manifester prises par les préfets.
Les députés finissent par adopter le texte par 387 voix contre 92. Mais une cinquantaine d’élus de la majorité s’abstiennent. Après le vote conforme du Sénat, Emmanuel Macron saisit lui-même le Conseil Constitutionnel afin qu’il tranche sur d’éventuelles entraves aux libertés fondamentales.
Censure du Conseil constitutionnel
« C’est abracadabrantesque […] Pourquoi ? Pour faire censurer ? Alors, pourquoi il a demandé que ce soit voté ? C’est incohérent. », s’agace Roger Karoutchi au micro de Public Sénat.
Comme attendu, le Conseil constitutionnel censure l’article 3 de la proposition de loi anticasseurs qui donnait à l’autorité administrative le pouvoir d’interdire de manifestation toute personne présentant une « menace d’une particulière gravité pour l’ordre public » pendant une durée d’un mois maximum. Les Sages de la rue Montpensier ont considéré que cette mesure portait atteinte au « droit d’expression collective des idées et des opinions ».
Quelques mois plus tard, des violences apparaissent lors des manifestations contre l’article 24 de la loi Sécurité globale. Le ministre de l’Intérieur remet sur la table l’idée « de renforcer l’arsenal législatif » pour « interdire de manifester toute personne déjà connue des services de police menaçant de trouble à l’ordre public ».
« Brigade anti- black blocks » : la dernière idée de Bruno Retailleau
Interrogé par Public Sénat, Bruno Retailleau plaide désormais pour une « seconde étape » ne relevant pas de la loi. Le président du groupe Les Républicains au Sénat préconise la création dans la police de « brigades anti- black blocks ». « Le texte que l’on a voté en 2019 permet d’appréhender les individus. Mais le problème est la réponse pénale. Le dossier pénal n’est pas assez étayé » […] « Cette réponse judiciaire n’est possible que si l’on peut suivre chaque individu en amont ou en aval de chaque manifestation. Si on n’a pas de vraies preuves, un examen des vidéos poussé, si on n’infiltre pas ces bandes, si on n’a pas une veille très précise sur les réseaux sociaux, on ne parviendra pas à lutter contre ce phénomène qui menace nos valeurs républicaines et amoindrit la portée du message des manifestants pacifiques », expliquait-il à l’époque.
A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous n’avons pas trouvé trace d’une nouvelle proposition de loi, ou réglementaire pour parer aux violences dans les manifestations.