Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »
Par Stephane Duguet
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C’est à Viry-Châtillon dans l’Essonne que s’est rendu le Premier ministre Gabriel Attal pour marquer le coup de son 100e jour à Matignon. La ville n’a pas été choisie au hasard puisque c’est ici, il y a deux semaines, que Shemseddine, 15 ans, a été battu à mort à la sortie de son collège. Parmi les suspects mis en examen, trois sur quatre sont mineurs. La mort de l’adolescent résonnait alors avec d’autres cas de violences entre mineurs à Montpellier ou à Tours la même semaine. « Ce n’était pas une réaction à un fait divers mais bien un discours pour prendre une thématique d’ensemble en disant qu’il y a un glissement d’une partie de nos adolescents à cause de l’addiction aux écrans, des violences et des incivilités », rappelle Matignon après l’allocution de Gabriel Attal lors de laquelle il a réclamé un « sursaut d’autorité ».
Lors de son discours, le chef du gouvernement a donné rendez-vous dans quatre semaines pour faire un point sur « le travail collectif » lancé aujourd’hui. Un travail demandé en conseil des ministres mercredi par Emmanuel Macron selon les informations du Parisien. Cette réflexion va durer au total 8 semaines et doit aboutir à la mise en place des mesures discutées. Parmi elles, certaines se concentrent sur le cadre familial avec la « responsabilisation parentale », l’école, la justice des mineurs et la régulation des écrans.
Accroître les sanctions pour les parents
Comme il en avait été question après les émeutes urbaines de l’été 2023, Gabriel Attal a présenté plusieurs dispositifs pour « responsabiliser » les parents en « prenant le mal à la racine ». Ainsi, le chef du gouvernement veut permettre aux juges pour enfants de sanctionner les parents qui ne se rendraient pas à leurs convocations judiciaires.
Il souhaite aussi que la réparation des dégâts n’incombe pas seulement au parent qui a la charge de l’enfant. « Nous savons bien que dans certaines circonstances, ce sont des femmes seules qui se démènent pour garder leur enfant dans le droit chemin, tandis que le père a complètement démissionné », explique Gabriel Attal. « Aujourd’hui celui qui est tenu responsable financièrement des dégâts de son enfant est celui qui vit avec lui. Là, on fait sauter la notion de cohabitation remplacée par une notion d’autorité parentale », explique Matignon. Cela permettrait de rendre les deux parents responsables des dégâts causés par leur enfant même si l’un des deux ne vit plus au sein du foyer. « C’est une règle de responsabilité civile, pas une sanction pénale », insiste-t-on dans l’entourage du Premier ministre.
Concernant la notion d’obligation parentale, Gabriel Attal annonce que « les parents défaillants », ceux qui ne la respecteraient pas, s’exposent à des mesures de travail d’intérêt général. « Ce manquement à l’obligation parentale est aggravé si le passage à l’acte de l’enfant est lié à un manquement répété des adultes », ajoute Matignon. A l’inverse, il assure vouloir « aider les parents », « parce que j’ai bien conscience que pour beaucoup d’entre eux la situation est difficile ». Sans préciser quelles mesures d’accompagnement pourraient être prises, Matignon renvoie vers la mission d’information pour améliorer les dispositifs d’aides des familles monoparentales lancée début mars et confiée à deux parlementaires Renaissance : la députée Fanta Berete et le sénateur Xavier Iacovelli. Ils doivent rendre leurs conclusions en septembre.
Le Premier ministre souhaite également éloigner les jeunes de leurs « mauvaises fréquentations » en proposant aux parents d’envoyer leur enfant « en internat, loin de son quartier et de ceux qui le poussent à plonger » afin de « retrouver un cadre ». Une décision qui se ferait en concertation avec les parents et les acteurs éducatifs. « Ça doit être vu comme une chance de rebondir ».
Encadrer plus strictement l’usage des écrans
Le diagnostic de Gabriel Attal sur les réseaux sociaux rejoint celui exprimé par les sénateurs dans le rapport de la mission d’information sur les émeutes de l’été dernier. Le Premier ministre estime que si les écrans et les réseaux sociaux étaient déjà une « catastrophe éducative et sanitaire » à cause de l’addiction aux écrans, ils sont maintenant « une catastrophe sécuritaire ». « Les réseaux sociaux ont servi de base arrière au déchaînement de violence que nous avons connu ». Il met aussi une attention particulière sur « l’entrisme d’idéologies contraires à la République » qui « met à l’épreuve la nation ».
Ainsi, Gabriel Attal souhaite que la proposition de loi du député Horizons Laurent Marcangeli fixant une majorité numérique à 15 ans soit effectivement appliquée. Le chef du gouvernement attend, en plus, les résultats de la commission sur la régulation des usages des écrans convoquée par Emmanuel Macron et qui doit rendre ses travaux à la fin du mois.
Sanctionner les parcours scolaires des jeunes « perturbateurs »
« La bataille de l’autorité se gagne dans les salles de classe et dans les couloirs d’établissements » a souligné Gabriel Attal lors de son discours. Et ce dès l’école primaire. L’exclusion des élèves du 1er degré permise par un décret du mois d’août dernier en cas de harcèlement sera élargie. Des commissions éducatives pourront statuer et sanctionner des élèves « dès la rentrée prochaine ».
Mais les élèves du second degré seront eux aussi sanctionnés pour leur comportement jusque dans leur notation aux épreuves officielles et dans leur dossier de poursuite d’étude posté sur Parcoursup. « Je suis favorable à ce que les jeunes qui perturbent le plus gravement les cours se voient sanctionnés sur leur brevet, leur CAP ou leur bac et qu’une mention soit apposée sur leur dossier Parcoursup lorsqu’ils ont gravement perturbé la vie de l’établissement pour que cela ait un impact », affirme Gabriel Attal. Il précise néanmoins que ces élèves pourront éviter ces sanctions en « réalisant des travaux d’intérêt général ». Le détail précis de cette mesure sera discuté lors des concertations lancées aujourd’hui.
Parmi les autres mesures concernant l’école, les parents devront signer un contrat avec l’établissement qui « rappellera les droits et obligations de chacun » et « pourra ouvrir à des sanctions ». Gabriel Attal précise également que « tous les collégiens seront scolarisés de 8 à 18 heures à commencer par les quartiers prioritaires et les réseaux d’éducation prioritaires. »
Vers une réforme de la justice des mineurs ?
L’autre volet de ces annonces concerne la justice des mineurs. Le chef du gouvernement a ouvert le débat sur « des atténuations à l’excuse de minorité » qui permet aux mineurs d’être sanctionnés deux fois moins sévèrement par la justice qu’un majeur. Cette mesure fait partie de celles qui devront être tranchées lors du débat de 8 semaines voulu par le président de la République. « Dans le cadre constitutionnel, il est possible de bouger et c’est ce qu’on a connu par le passé avec loi de Nicolas Sarkozy en 2007 qui prévoyait une dérogation à l’excuse de minorité. La porte ouverte par Premier ministre est de permettre des dérogations plus larges », détaille Matignon. Autre chantier ouvert par Gabriel Attal : la comparution immédiate pour les jeunes à partir de 16 ans. « J’ai chargé le garde des Sceaux d’y réfléchir et d’y travailler », explique-t-il en précisant à nouveau que « le travail de concertation des prochaines semaines permettra de trancher ce débat. » Il devrait s’achever après les élections européennes le 9 juin prochain.
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