Le ministre de l’Economie a annoncé hier 40 milliards d’euros d’effort supplémentaire en vue du projet de loi de finances pour 2026. L’objectif de ces nouvelles économies est de remplir l’objectif de déficit de 4,6 % du PIB en 2026. Parmi les hypothèses envisagées, une suppression de certaines niches fiscales. C’est en tout cas ce qu’a préconisé ce matin sur notre antenne Marc Fesneau. Le président du groupe Modem à l’Assemblée nationale a proposé d’aller chercher des économies dans « les niches, optimisations et suroptimisations fiscales ». Selon le député du Loir-et-Cher, « il y a des montages financiers qui se sont développés depuis une dizaine d’années, qui ne sont rien d’autre qu’une volonté d’échapper à l’impôt, c’est tout à fait légal, mais il y a toujours des génies de ce genre de montages ». En octobre, lors des débats budgétaires, le premier vice-président du Modem avait déjà formulé cette idée, en s’attaquant plus particulièrement au crédit d’impôt recherche.
83,3 milliards en 2024
Une niche fiscale, aussi appelée dépense fiscale, est une disposition permettant aux contribuables et aux entreprises de réduire le montant des impôts, sous certaines conditions. Ces mesures fiscales dérogatoires se trouvent au sein du tome II des voies et moyens annexé à la loi de finances. Selon ce document, « le montant des dépenses fiscales s’est élevé à 82,9 milliards d’euros en 2023, s’élèverait à 83,3 milliards d’euros en 2024, et 85,1 milliards d’euros en 2025 ». Par ailleurs, il est indiqué qu’il existe en 2025 près de 474 niches fiscales, « dont 65 sont en cours d’extinction ». En tête, le crédit d’impôt recherche est la mesure la plus coûteuse, à hauteur de 7,7 millions d’euros. Créé en 1983, ce crédit d’impôt permet aux entreprises de financer leurs activités de recherche, de développement et d’innovation. Il est suivi du crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile dont le montant s’élève à 6,9 millions d’euros et l’abattement de 10 % sur le montant des pensions et des retraites à 4,9 millions d’euros.
Véritable serpent de mer, la remise en cause de certaines niches fiscales a souvent agité le débat public. Selon Anne-Sophie Alsif, professeur d’économie à la Sorbonne, « c’est toujours faisable de s’attaquer aux niches fiscales, on a déjà eu ces débats sur les précédents budgets ». Néanmoins, la professeure d’économie questionne la possibilité d’une telle adoption par l’Assemblée nationale : « Est-ce que vu l’état politique de l’Assemblée nationale il y aura un poids politique suffisant pour raboter les niches fiscales ? », avant de conclure qu’« économiquement tout est possible, politiquement, c’est plus compliqué ». Par ailleurs, si la réduction de certaines niches fiscales peut entraîner « des sources d’économie », cela peut avoir « un impact sur la croissance » : « Le but d’une niche fiscale, c’est de créer un avantage fiscal pour produire de la valeur et de la croissance. Donc, en cas de suppression ou de réduction d’une dépense fiscale, des économies sont faites, mais cela aura un impact négatif sur le produit intérieur brut ».
En avril dernier, dans son rapport d’exécution budgétaire de 2023, la Cour des comptes déplorait une articulation insuffisante entre les dépenses fiscales et les objectifs des politiques publiques auxquelles elles sont supposées concourir ». Il fait état de dépenses fiscales « qui recouvrent des dispositifs divers et mal appréhendés, ainsi qu’un chiffrage des niches fiscales « défaillant ». Le document reprend une recommandation que la Cour avait déjà faite en 2022 : « assigner aux conférences fiscales annuelles un objectif explicite de pilotage et de rationalisation des dépenses fiscales, en particulier de suppression des dépenses fiscales ne comptant que peu de bénéficiaires ». Pour Anne-Sophie Alsif, les dépenses fiscales « qui sont les plus coûteuses, et qui apportent le moins de valeur ajoutée, sont celles sur le logement », citant ainsi le dispositif Pinel, qui a pour objectif de faciliter l’investissement locatif dans les zones tendues et qui a pris fin en décembre 2024.
Pour l’heure, la conférence sur les finances publiques réunira demain autour de François Bayrou, Eric Lombard, ministre de l’Economie et des finances, ainsi qu’Amélie de Montchalin, ministre déléguée chargée des comptes publics, aux côtés de parlementaires et de collectivités territoriales. L’occasion d’annoncer la trajectoire budgétaire en vue du projet de loi de finances pour 2026.