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Un référendum d’initiative partagée (RIP) sur l’immigration : pourquoi la proposition des LR a peu de chances d’aboutir
Par Romain David
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Les Républicains n’entendent rien lâcher sur l’immigration, ou du moins ne pas laisser ce sujet retomber dans le débat public. Trois semaines après que le Conseil constitutionnel a expurgé le projet de loi du gouvernement « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » des nombreux apports de la droite, les LR annoncent vouloir enclencher un référendum d’initiative partagée autour de certaines mesures retoquées par les Sages de la rue Montpensier.
Dans un document d’une dizaine de pages transmis lundi aux parlementaires LR, et que Public Sénat a pu consulter, le parti remet ainsi à l’ordre du jour, dans une même proposition de loi, la conditionnalité des prestations sociales non contributives, la transformation de l’aide médicale d’État (AME) en aide médicale d’urgence (AMU), la fin des réductions tarifaires sur les titres de transport pour les étrangers sans papiers, la prise en compte des centres d’hébergement provisoire dans le quota de logements sociaux par commune et l’impossibilité, pour un étranger débouté du droit d’asile, de se maintenir dans un hébergement d’urgence.
Autant de dispositions sorties de la loi par le juge constitutionnel le 25 janvier, qui a estimé, en vertu de l’article 45 de la Constitution, qu’elles étaient sans lien avec le texte initialement présenté par l’exécutif.
« Le RIP, c’est le moyen de redonner la parole au peuple »
« Les dispositions que l’on reprend sont les dispositions compatibles avec un référendum d’initiative partagée, c’est-à-dire des dispositions qui ont trait à la politique sociale », explique à Public Sénat Bruno Retailleau, le président du groupe LR. L’article 11 de la Constitution restreint en effet le champ d’application d’une consultation des citoyens à « tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». En clair : s’il n’est pas possible d’organiser un référendum sur la politique migratoire, LR entend contourner cette difficulté en s’appuyant sur des dispositions qui concernent davantage la protection sociale et médicale ou encore au logement.
« Le sujet de l’immigration a été doublement confisqué et il faut que le peuple français puisse s’exprimer », soutient Bruno Retailleau. « Il a été confisqué, d’abord par la classe politique qui, depuis longtemps, n’a pas souhaité que le peuple français délibère sur un sujet qui pourtant a bouleversé comme aucun autre la société française depuis un demi-siècle. Mais il a été aussi confisqué par les juges, qui ont une conception de l’immigration selon laquelle, en réalité, les étrangers disposeraient d’une sorte de droit opposable à s’installer sur le territoire, selon leur souhait. Ce droit opposable n’existe pas, bien sûr, et je pense que tant qu’on ne donnera pas la parole au peuple, nous n’aurons pas une vraie politique d’immigration », martèle le Vendéen. « Le RIP, c’est le moyen justement de redonner la parole au peuple. »
Changer la Constitution pour réformer l’immigration, le leitmotiv des LR
« Ce texte est une première étape. Si l’on parvient à aller au bout du processus, à prouver qu’un sujet comme l’immigration est capable de mobiliser très largement, alors le gouvernement sera bien obligé d’agir en conséquence », relève le sénateur LR des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi. Depuis la présidentielle, LR réclame une révision constitutionnelle pour pouvoir organiser une consultation sur l’immigration – une proposition de loi en ce sens a d’ailleurs été déposée au Sénat cet automne, et finalement retirée faute d’accord entre la droite et ses alliés centristes au Palais du Luxembourg. Fin août, à l’issue des rencontres de Saint-Denis avec les chefs des principaux partis politiques, Emmanuel Macron s’était dit ouvert à un élargissement du champ d’application du référendum, avant là aussi de faire machine arrière en novembre, en l’absence de consensus.
L’enclenchement d’un référendum d’initiative partagée nécessite de réunir le soutien de 185 parlementaires. Une étape que LR devrait franchir sans difficulté grâce aux deux groupes dont dispose encore le parti dans chaque chambre du Parlement, notamment au Sénat où le parti compte 133 élus. Puis, la proposition de loi devra rassembler, dans un délai de neuf mois, les signatures d’au moins un dixième des citoyens inscrits sur les listes électorales, soit environ 5 millions de personnes. Aucun texte, toutefois, n’a encore réussi à franchir cette marche depuis l’installation du RIP en 2015.
« Cinq millions de signatures… Il va quand même falloir aller les chercher. Si à la limite nous étions un parti avec 500 000 adhérents », ironise un stratège LR. « Je rappelle que le texte immigration, tel qu’élaboré par le Sénat, semblait recueillir les suffrages d’une majorité de Français. Le sujet est suffisamment important pour que l’on obtienne une mobilisation de la population, surtout quand on voit les difficultés à Mayotte », estime la sénatrice LR du Morbihan Muriel Jourda, rapporteure de la loi immigration.
Car LR entend aussi s’appuyer sur l’actualité et capitaliser sur la crise qui secoue le 101e département français. Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, vient justement d’annoncer une révision constitutionnelle pour suspendre le droit du sol dans cet archipel de l’océan Indien. Bruno Retailleau évoque Mayotte comme « l’exemple paroxystique des désordres que peut créer le chaos migratoire ».
Une manière de nourrir le débat
Mais la proposition de loi des LR pourrait tomber avant même d’être présentée aux électeurs. En effet, le texte est d’abord soumis au Conseil constitutionnel, qui s’assure qu’au moins un cinquième des parlementaires l’on bien parrainé, mais pas seulement. « Le Conseil constitutionnel doit simplement vérifier si la proposition de référendum d’initiative partagée est conforme au champ d’application du référendum, tel qu’il est défini par l’article 11 de la Constitution », indique Bruno Retailleau. Un résumé un peu rapide, en vérité, du rôle des sages, « car ils examinent aussi le texte sur le fond, et s’il y a, ne serait-ce qu’une seule virgule qui n’est pas conforme à la Constitution, c’est l’ensemble de la proposition de loi qui est retoqué », nous explique Jean-Philippe Derosier, professeur agrégé de droit public à l’université de Lille. Le site internet du Conseil constitutionnel le rappelle : les sages « vérifient, dans le délai d’un mois à compter de la transmission d’une telle proposition, qu’aucune disposition n’est contraire à la Constitution ».
En 2021, le projet transpartisan de référendum d’initiative partagée sur « l’accès universel à un service public hospitalier de qualité » a fait les frais de cet examen sur le fond. Si le texte s’inscrivait bel et bien dans le champ d’application de l’article 11 de la Constitution, les dispositions visant à limiter le pouvoir réglementaire du Premier ministre ont été jugées contraires aux lois fondamentales.
Dans le cas de la proposition référendaire des LR, les mesures qu’elle reprend ont été sorties du texte immigration parce qu’identifiées comme des « cavaliers législatifs ». Le Conseil ne s’est donc pas prononcé sur leur constitutionnalité, néanmoins, certains dispositifs ont attiré l’attention des commentateurs lorsqu’ils ont été votés en décembre. Plus particulièrement l’allongement de la durée de résidence en France pour le versement de certaines prestations sociales et familiales non contributives à des étrangers en situation régulière, ce que d’aucuns considèrent comme une rupture du principe d’égalité devant la loi. Les oppositions de gauche avaient d’ailleurs alerté le juge constitutionnel sur ce point.
L’initiative des LR, si elle tombe sous les coups de ciseaux du Conseil constitutionnel, pourrait donc simplement venir alimenter le discours de la droite en faveur d’une révision constitutionnelle, sans laquelle le législateur ne serait plus en mesure d’intervenir sur les questions migratoires. « Bien qu’il ait été initialement pensé comme un moyen de renforcer la démocratie directe, le RIP est devenu un levier destiné à manifester une opposition aux politiques publiques », observe Jean-Philippe Derosier. « La majorité, de par sa position, n’en a pas l’utilité, et les oppositions ne s’en servent qu’à partir du moment où le pouvoir rejette leurs propositions ». Déjà cité plus haut, un élu LR sourit : « Que l’on y arrive ou pas, au moins nous aurons remis le sujet sur la table ! »
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