Trafic de drogue : Emmanuel Macron veut rendre « la vie impossible » aux trafiquants
Par Hugo Ruaud
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Combattre « résolument » le trafic de drogue, c’est le message qu’est venu porter Emmanuel Macron, mardi, lors de sa visite surprise à Marseille. La cité phocéenne, épicentre européen du narcotrafic, fait l’objet d’une opération de grande ampleur de la part des forces de l’ordre pour « faire place nette » et endiguer le trafic de drogue depuis lundi soir. Face à la presse, le président de la République a communiqué le chiffre de 82 interpellations durant les dernières 24 heures. Il s’agit selon lui de « criminels très dangereux, des gens qui nourrissent la délinquance marseillaise ». A Marseille, ce sont « près de 900 forces de police, de gendarmerie et de douaniers qui sont déployées depuis hier et vont pilonner ces trafiquants pendant plusieurs semaines », a précisé Emmanuel Macron à la fin de sa déambulation dans les rues de la cité la Castellane, un quartier particulièrement touché par la drogue. Cette opération « place nette », censée porter un coup fatal au trafic, est amenée à être réitérée dans plusieurs villes de France.
« C’est pire que de la barbarie »
La visite d’Emmanuel Macron à Marseille s’inscrit dans un contexte particulier : le trafic de drogue a particulièrement ensanglanté la cité phocéenne l’année dernière, avec près d’une personne tuée par semaine, et 123 blessés. Des chiffres colossaux qui ont poussé les sénateurs à lancer une Commission d’enquête sur la question. Commission lors de laquelle de nombreux connaisseurs du sujet ont fait part de leur vive inquiétude sur la situation. Olivier Leurent, le président du tribunal judiciaire de Marseille, avait ainsi réclamé début mars la « mise en place d’un plan Marshall « pour combattre des criminels disposant » d’une force de frappe considérable sur le plan des moyens financiers, humains, technologiques», ajoutant que « le narcobanditisme agit à Marseille comme une sorte de gangrène qui abîme le tissu social » et déplorant la « guerre asymétrique » que l’Etat mène au phénomène. Les élus de la chambre haute ont eux aussi témoigné de leur préoccupation concernant l’ampleur du trafic de drogue, à l’image du président de la commission d’enquête, Jérôme Durain, pour qui ce qui se passe à Marseille ne fait que préfigurer l’évolution du trafic de stupéfiants « qu’on observe par ailleurs partout sur le territoire national : le rajeunissement des petites mains, un recours accru à des violences, des séquestrations, des homicides, le déplacement du trafic de l’urbain vers le rural ». Le sénateur LR Etienne Blanc, rapporteur de la commission, décrit les témoignages recueillis par les sénateurs : » Ce que nous avons appris et ce que nous avons vu, c’est épouvantable, c’est pire que de la barbarie. Ce sont des corps découpés, ce sont des victimes brûlées vives au chalumeau, ce sont des choses que l’on ne peut pas imaginer. On a changé de degré ».
Consommateurs et guetteurs dans le viseur
« La drogue est un fléau mondial », a insisté le président, évoquant des collaborations avec plusieurs pays du pourtour méditerranéen (Espagne, Maroc, Algérie) pour permettre d’arrêter certaines têtes des réseaux de drogue. Le président a également annoncé vouloir « rendre la vie impossible aux consommateurs », et accentuer la pression sur « les familles des plus jeunes qui servent de guetteurs », en les mettant devant « leur responsabilité », sans exclure de leur couper certaines aides sociales, tout en différenciant « les mères de famille célibataires », impuissantes, des « familles qui connaissent le cas, ferment les yeux : dans ce cas-là, il faut être plus dur ». Concernant les guetteurs eux-mêmes, souvent mineurs, Emmanuel Macron a évoqué la possibilité d’en éloigner certains des quartiers, pour les prendre en charge dans un cadre éducatif. « L’objectif, c’est de rendre la vie des trafiquants impossible », a martelé le président, affirmant qu’on « n’avait pas le droit d’avoir un discours de défaite » sur cette question, en écho aux propos d’Isabelle Fort face aux sénateurs, dans le cadre d’une commission d’enquête sur le trafic de drogue, où cette responsable du service « criminalité organisée » du parquet de Marseille a déclaré que les autorités de la ville étaient « en train de perdre la guerre contre les trafiquants».
Marseille et Macron, entre ambition et réalité
Le président de la République était donc dans les rues de la cité phocéenne pour montrer la mobilisation de l’Etat, mais également pour rassurer les familles. Au-delà de la question du trafic de drogues, dont il a rappelé que « 98 % des habitants des quartiers » concernés étaient « victimes », le président de la République a longtemps déambulé dans les rues et abordé, avec les habitants, des questions de logement, d’emploi, de sécurité, dans des échanges courtois le plus souvent. Emmanuel Macron, qui a donc visité la deuxième ville de France pour la 13e fois depuis 2016, a fait de Marseille l’un des symboles de son action politique. Il y a deux ans et demi, il lançait, aux côtés du maire de la cité phocéenne le plan « Marseille en grand » : une aide de plusieurs milliards d’euros destinée à financer les transports, la culture et la sécurité dans l’agglomération, en proie à de grandes difficultés de développement dans certains quartiers. Ce plan, qualifié d’«historique » par l’Elysée, fait l’objet de nombreuses critiques. La Cour des comptes y relève par exemple de nombreuses faiblesses, révélait récemment le site d’investigation Marsactu, notant notamment une « absence de vision cohérente ».
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