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Thierry Beaudet pressenti à Matignon, les sénateurs perplexes : « Notre position dépendra de sa politique générale »
Par Romain David
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Pendant quelques minutes, ce lundi après-midi, la page Wikipédia de Thierry Beaudet a présenté le président du Conseil économique et social (CESE) comme le nouveau Premier ministre. Une information rapidement corrigée – « son nom circule pour succéder à Gabriel Attal au poste de Premier ministre », se contente désormais d’indiquer l’encyclopédie en ligne, à laquelle les internautes peuvent librement contribuer. Ce correctif trahit la fébrilité autour des consultations menées par Emmanuel Macron à l’Elysée depuis près de deux semaines.
Deux mois après le second tour des législatives anticipées, le président de la République tente toujours de démêler l’écheveau politique issu de la dissolution, à savoir trouver un Premier ministre qui soit en mesure de naviguer dans une Assemblée nationale fracturée comme jamais, et surtout d’échapper à une motion de censure. Or, selon une information de L’Opinion, dont LCI et BFM TV indiquent avoir eu confirmation, le président du CESE aurait été contacté la semaine dernière par le chef de l’Etat, et aurait accepté d’être nommé à Matignon.
L’annonce pourrait tomber dans les prochaines heures, alors qu’Emmanuel Macron s’est entretenu ce lundi avec ses deux prédécesseurs, François Hollande et Nicolas Sarkozy. Mais aussi avec l’ancien ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et avec Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, deux autres premiers ministrables potentiels.
Le retour d’un gouvernement technique
« Hier soir, on nous disait que Cazeneuve était nommé, aujourd’hui ce serait Beaudet ! Je n’y crois pas », glisse à Public Sénat, moitié hilare moitié agacé, un poids lourd de la macronie, qui refuse de s’attarder sur le sujet. « Le bruit court, mais je ne saurais pas vous dire s’il s’agit encore d’un ballon d’essai lancé par l’Elysée et l’entourage d’Emmanuel Macron. J’ai aussi vu passer le nom de Loïg Chesnais-Girard, le président du Conseil régional de Bretagne, ce qui est une manière de parasiter l’hypothèse Cazeneuve », pointe un responsable socialiste.
« Toutes ces tergiversations illustrent la difficulté qu’éprouve le président de la République à nous sortir un nom. Tout cela pourrait être risible si cela ne faisait pas 50 jours que nous sommes sans gouvernement… », soupire le sénateur Guillaume Gontard, président du groupe écologiste au Sénat.
Ancien instituteur, président de Fédération nationale de la mutualité française de 2016 à 2021, à la tête du CESE depuis trois ans, Thierry Beaudet était sorti de sa réserve en juin dernier pour alerter sur le risque que représente le Rassemblement national « sur l’avenir des corps intermédiaires ». Il s’est également dit favorable à la légalisation de l’euthanasie, alors que le projet de loi sur la fin de vie, débattu à l’Assemblée nationale au moment de la dissolution, découle pour partie de la Convention citoyenne mise en place par le CESE. Son profil marque surtout le retour de l’hypothèse d’un gouvernement technique, dans la mesure où les personnalités politiques évoquées jusqu’à présent ont suscité une levée de boucliers quasi-systématique, à droite ou à gauche de l’échiquier politique, avec motion de censure à la clef.
« La vraie question, c’est pour faire quoi ? »
« Thierry Beaudet a plutôt une sensibilité de gauche. Il sait parler aux syndicats, aux patrons, au monde associatif… Mais parler au nom de Matignon, c’est une autre paire de manches », observe Patrick Kanner, le président des sénateurs socialistes. « Je ne vous dirais pas que les socialistes censureront ou ne censureront pas son gouvernement, cela dépendra de ses priorités politiques. Est-ce qu’Emmanuel Macron est prêt à nommer un Premier ministre qui déploie une politique orthogonale à la sienne ? », interroge l’ancien ministre de François Hollande pour qui l’hypothèse Cazeneuve « reste encore sur la table ».
« La vraie question, c’est pour faire quoi ? », abonde Cécile Cukierman, la patronne des communistes du Sénat. « Je ne veux pas parler à la place des députés communistes, mais notre position dépendra de ce que contient la politique générale de Thierry Beaudet. Pour l’heure, il n’y a ni accord, ni rejet, ni blanc-seing… », avertit l’élue qui continue à penser que le contexte appelle la nomination d’une personnalité politique. « Plus que jamais, le chef de gouvernement va devoir aller discuter avec tous les groupes politiques. Nommer un profil technique, à la main du président de la République, ne permettra pas de dégager des majorités ».
« Je ne crois pas que Thierry Beaudet corresponde au profil »
« Thierry Beaudet me paraît bien sympathique, mais je lis déjà qu’Emmanuel Macron voudrait lui choisir son directeur de cabinet pour lui imposer ses volontés », observe Guillaume Gontard. « Le président de la République voudrait un supplétif de Premier ministre pour pouvoir rester aux manettes. Ce que nous disons, c’est qu’il faut quelqu’un d’issu d’un travail programmatique et d’une élection, sinon ça risque d’être compliqué. Pour moi, la seule solution reste Lucie Castets (la candidate désignée par le Nouveau Front populaire, ndlr), elle est issue d’une coalition qui s’est présentée devant les électeurs… et qui a gagné », martèle l’élu isérois.
« Le chemin de crête est particulièrement étroit pour le président de la République. Un profil technique pourrait être la solution, à condition de répondre à au moins deux critères : avoir une hyperconnaissance du fonctionnement de l’Etat, mais aussi du Parlement », observe le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse. « Et je ne crois pas que Thierry Beaudet, que je connais bien, corresponde à ce profil ». En tout cas, pour LR, qu’il s’agisse d’un profil technique ou politique, « il est toujours hors de question de participer à une coalition avec le camp présidentiel ». La droite entend maintenir sa ligne d’indépendance autour du pacte législatif qu’elle a présenté au début de l’été.
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