Paris : Meeting between the new prime minister and political party

Suspension de la réforme des retraites : les socialistes « attendent de voir si la pièce va tomber du bon côté »

Le sort de la réforme des retraites est désormais entre les mains de François Bayrou. Après une semaine de négociations, les socialistes continuent de réclamer le gel du décalage de l’âge légal de départ avant de s’engager sur un accord de non-censure du gouvernement, mais la droite refuse d’en entendre parler. Les discussions avec le PS et l’exécutif pourraient se poursuivre mardi.
Romain David

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Les tractations entre l’exécutif et une partie de la gauche entrent dans leur dernière ligne droite, alors que le Premier ministre François Bayrou prononcera mardi son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. Depuis plus d’une semaine, le Palois tente d’arracher un accord de non-censure aux socialistes, mais aussi aux écologistes et aux communistes, pour essayer de soustraire son gouvernement au poids politique des députés du Rassemblement national. Olivier Faure, le Premier secrétaire du Parti socialiste, devrait s’entretenir avec le chef du gouvernement ce lundi soir, mais il est possible que le Premier ministre attende mardi avant de trancher sur les concessions exigées par ses interlocuteurs, et qui pourraient aussi lui aliéner le soutien des partis du bloc central, en particulier des Républicains.

« Principal point de blocage, sans surprise : les retraites », nous confiait ce lundi matin l’un des négociateurs socialistes. Le PS exige la suspension de la réforme des retraites, – les écologistes et les communistes sa suppression -, avant de s’engager à ne pas voter la censure. « Je ne sais pas ce que le Premier ministre va décider et dans quelles conditions nous serons mardi prochain », a admis Olivier Faure ce week-end, au micro de BFM TV, tout en saluant la qualité des échanges qu’il a pu avoir au fil de la semaine avec Éric Lombard, le ministre de l’Economie, et Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics. « La pièce est sur la tranche et l’on attend de voir si elle tombe du bon côté », abonde le sénateur de l’Oise Alexandre Ouizille auprès de Public Sénat. « Pour l’instant ce qui est proposé sur les retraites est très insuffisant », glisse sa collègue la sénatrice de Seine-Saint-Denis Corinne Narassiguin.

La recherche d’un accord

« Nous attendons un mot précis dans la déclaration de politique générale du Premier ministre, celui de suspension », rappelle un parlementaire PS. Ouvert à la réouverture d’un débat sur le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, François Bayrou s’est en revanche toujours montré opposé à un gel de son déploiement sans solution de financement. Mais plusieurs signaux laissent penser que le locataire de Matignon pourrait changer son fusil d’épaule pour garantir la stabilité de son gouvernement. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a notamment estimé sur franceinfo qu’il était possible d’« arrêter » la réforme le temps d’entamer « un cycle très court de discussions ».

Un avis que ne partage pas son homologue LR du Sénat, Gérard Larcher : « Le message est clair : ni suspension ni abrogation ! Mardi, le premier ministre fera le choix. Au Sénat, je ne conduirai pas une procédure de suspension ou d’abrogation », a-t-il averti auprès du Parisien. « Suspendre une réforme votée et dont l’application démarre, c’est une absurdité sans nom », abonde le sénateur LR des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi auprès de Public Sénat. Plusieurs interlocuteurs de gauche voient dans l’agacement de certains responsables de droite le signe d’un vacillement de l’exécutif, qui pourrait bien céder aux principales demandes de la gauche. « Revenir sur la réforme des retraites sans proposer la moindre piste de financement, c’est irresponsable », a aussi alerté Laurent Wauquiez, le chef de file des députés de la Droite républicaine dans les colonnes du Parisien.

« Je navigue entre deux sentiments. Les échanges avec les ministres sont plus nourris qu’ils ne l’ont jamais été sous Michel Barnier, et je sens une inflexion du côté des députés macronistes avec lesquels j’ai pu discuter. Mais ce qui m’inquiète, c’est l’arbitrage du Premier ministre », confie Alexandre Ouizille. D’autant que le gel du dispositif menace de poser de nombreuses difficultés techniques à l’exécutif, qui pourrait être contraint de passer par un texte de loi, comme nous vous l’expliquions ici.

Le scénario d’une suspension de la réforme a posteriori des discussions a été évoqué. En clair, l’exécutif s’engagerait à geler le décalage progressif de l’âge de départ à la retraite une fois que les forces politiques et les partenaires sociaux se seraient entendus sur un nouveau mode de financement. Une proposition rejetée par la gauche. « Si c’est pour gagner du temps, s’éviter une censure et derrière nous la mettre à l’envers, c’est non ! Nous avons besoin de concessions visibles et compréhensibles de la part du grand public », tempête un élu. « Nous ne demandons pas à un gouvernement composé de macronistes et de LR de virer à gauche, mais des avancées substantielles sur certains sujets. Nous avons été raisonnables, nous demandons aussi au gouvernement de l’être », argue Corinne Narassiguin.

« Les retraites sont la partie émergée de l’iceberg »

Les insoumis, qui considèrent que seule une démission d’Emmanuel Macron et une élection présidentielle anticipée permettraient de sortir de la crise politique déclenchée par la dissolution, entendent profiter de la reprise des travaux parlementaires pour déposer une motion de censure contre le gouvernement Bayrou. À ce stade, l’adoption de ce texte reste peu probable dans la mesure où le Rassemblement national, après avoir provoqué la chute du gouvernement de Michel Barnier début décembre, a choisi de laisser sa chance au nouvel exécutif. En revanche, la possibilité d’une censure devrait rapidement être reposée à la faveur des discussions budgétaires, objet de nombreuses crispations.

« Ce n’est pas parce que nous ne votons pas la censure qu’on ne rejettera pas le budget. Si nous ne votons pas la censure, c’est pour pouvoir continuer à discuter, mais nous restons dans l’opposition », explique encore Corinne Narassiguin. Car les socialistes réclament aussi des gages sur le prochain budget, concernant notamment le financement de l’hôpital public, leur opposition au déremboursement des médicaments ou à la baisse des effectifs dans l’Education nationale. Concernant la fiscalité, la taxation des hauts revenus et des grandes entreprises est sur la table. De leur côté, les écologistes réclament sept milliards d’euros supplémentaires en faveur de la transition écologique. À gauche, on assure que les demandes des uns et des autres sont complémentaires, « même s’il peut y avoir de petites variations sur les priorités ».

« Il y a des sujets sur lesquels il y a des discussions constructives, notamment sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale », confie Corinne Narassiguin. « Les retraites sont la partie émergée de l’iceberg. En dessous, il y a un ensemble plus vaste : école, hôpital, fiscalité. Nous avons besoin d’un tout pour pouvoir revenir devant nos électeurs et leur expliquer que nous avons remporté des victoires qui justifient la non-censure », conclut Alexandre Ouizille.

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