Suppression de la redevance : un rapport sénatorial proposera des pistes de financement le 22 juin

Suppression de la redevance : un rapport sénatorial proposera des pistes de financement le 22 juin

La suppression de la contribution à l’audiovisuel public doit être entérinée dans le projet de loi en faveur du pouvoir d’achat du mois de juillet. Une mission conjointe, des commissions des finances et de la culture du Sénat, devrait permettre d’éclairer le débat parlementaire, alors que le flou demeure sur le financement alternatif.
Guillaume Jacquot

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Le calendrier se précise sur les mesures destinées à atténuer le choc de l’inflation. A l’issue du premier Conseil des ministres du nouveau quinquennat ce 23 mai, la nouvelle porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, a fait savoir qu’un « premier projet de loi » sur le pouvoir d’achat sera adopté en Conseil des ministres « avant les législatives », des 12 et 19 juin.

Son prédécesseur Gabriel Attal avait annoncé, dans un précédent compte rendu, que le texte serait présenté « dans la foulée des élections législatives », pour une adoption rapide au Parlement. Parmi ces mesures destinées à être intégrées dans un projet de loi de finances rectificative (PLFR), pour redonner un peu de pouvoir d’achat aux ménages : la suppression de la redevance audiovisuelle dès 2022. Cet engagement, pris par Emmanuel Macron durant sa campagne présidentielle, sera le premier chantier d’importance de la nouvelle ministre de la Culture, Rima Abdul Malak. En tant qu’ex-conseillère culture à l’Elysée, elle ne s’engage pas vraiment sur un dossier inconnu.

Actuellement, cette contribution à l’audiovisuel public, d’un montant de 138 euros cette année, est payée par les 28 millions de ménages détenteurs d’un téléviseur. Elle rapporte un peu plus de trois milliards d’euros, destinés à financer France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI et France 24), TV5 Monde, l’Institut national de l’audiovisuel (Ina) ou encore Arte. Emmanuel Macron avait jugé que la disparition de la redevance était « cohérente » avec la suppression de la taxe d’habitation, laquelle était collectée en même temps.

Le projet de loi de finances rectificative devrait vraisemblablement intégrer un dispositif rétroactif, nous indiquent des sources sénatoriales, pour les foyers qui s’acquittent de la contribution avec des prélèvements mensuels.

Mais le mode de financement alternatif pour l’audiovisuel public est inconnu pour l’heure. C’est l’une des grandes questions à laquelle devra répondre une mission de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac), mandatée en octobre. Son retour est attendu pour juin.

Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi accélèrent leurs travaux

L’administration n’est pas la seule à plancher sur le sujet. Le Sénat a également mis sur pied en urgence une mission de contrôle (relire notre article), gérée à la fois par la commission des finances et la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Son tempo s’est d’ailleurs accéléré, lorsqu’il s’est avéré que la suppression de la redevance interviendrait à travers le budget rectificatif de juillet, et non le projet de loi de finance, à l’agenda de chaque fin d’automne. Le cycle d’audition devrait s’achever fin mai.

Selon nos informations, les sénateurs LR Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi présenteront en commission leur rapport le 22 juin. Au menu : des constats sur les enjeux que soulève ce chamboule tout budgétaire, mais aussi des recommandations, « pour assurer à l’audiovisuel un niveau de ressources suffisant », nous explique-t-on. « On va apporter notre pierre à l’édifice », promet Jean-Raymond Hugonet.

Depuis la suppression programmée de la taxe d’habitation, et en tenant compte de l’essor d’autres formes de consultation des programmes télévisés, les parlementaires se doutaient bien que la contribution à l’audiovisuel public serait un jour réformée. L’heure de vérité approche désormais. « Le président de la République a usé trois ministres et on n’a toujours rien vu venir », constate le sénateur. Si ce n’est l’annonce de la suppression. Une « initiative électoraliste », prise « au grand mépris du débat parlementaire », regrette Jean-Raymond Hugonet.

Le duo sénatorial enchaîne les rencontres, notamment avec les dirigeants des différentes structures qui composent l’audiovisuel public. Une audition de Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France, et de Bruno Patino, le président d’Arte, est programmée la semaine prochaine. Les représentants des salariés seront également consultés. « C’est toujours une constance chez nous. On a auditionné les centrales syndicales, on entretient des rapports de dialogue », explique Jean-Raymond Hugonet.

L’inquiétude et la colère sont palpables. Dans un communiqué, le SNJ (Syndical national des journalistes) à France Télévisions est monté au créneau contre une mesure « dévastatrice ». « Défendre la redevance n’est certes pas populaire, mais vouloir la supprimer est populiste », reprochent-ils. « La difficulté va résider dans le fait d’apaiser à la fois les personnels de ces entreprises, mais aussi les équipes de direction, qui ont des difficultés à pouvoir se projeter ».

« Ils nont qu’à travailler avec le Sénat. Cest ce que jattends de la ministre »

L’absence d’alternative à ce stade ne rassure pas plus les sénateurs de la commission de la culture. A commencer par son président, Laurent Lafon (Union centriste). « La suppression de la redevance fragilise l’audiovisuel public en la soumettant aux lois de finances et renforce sa dépendance aux décisions du gouvernement. Le Sénat demande au contraire un élargissement de l’assiette à tous les écrans pour moderniser et pérenniser le financement », demandait-il le 8 mars.

Le socialiste David Assouline, ancien rapporteur de la commission d’enquête sur la concentration des médias, mettait lui aussi en garde, début mars : « Supprimer la redevance TV qui est un lien entre les citoyens et le service public de l’audiovisuel lui permettant un financement direct, pérenne et potentiellement non soumis à la volonté gouvernementale du moment, serait grave pour son indépendance. »

Au vu du calendrier, Jean-Raymond Hugonet doute que le gouvernement soit en mesure de « remplacer totalement » la contribution à l’audiovisuel public. « Il n’a pas le temps matériel, c’est évident ». Pour éviter tout « bricolage » de dernière minute, il considère que le gouvernement serait bien avisé d’étudier les recommandations que formulera le Sénat dans un mois. « S’ils veulent être un peu réformistes, ils n’ont qu’à travailler avec le Sénat. C’est ce que j’attends de la ministre. »

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