« Il faut vraiment que vous vous rendiez compte. Tout le monde est abasourdi ici. Benoît Quennedey, c’est vraiment quelqu’un de très gentil. Vous pouviez le voir parler avec n’importe qui à la cantine ou ailleurs. Il faut dire qu’il était très bavard » rapporte Richard Salvador, président du syndicat des fonctionnaires au Sénat (FGAF).
Affable et bavard, peut-être trop, le nom de Benoît Quennedey est sur toutes les lèvres ce mardi.Ce visage familier des couloirs du Sénat, a été arrêté dimanche soir à son domicile et placé en garde à vue dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Administrateur du Sénat, énarque et président de l’association d’amitié franco coréenne, il est soupçonné d’espionnage au profit de la Corée du Nord. Depuis mars dernier, une enquête a été ouverte par le parquet de Paris pour « recueil et livraison d’informations à une puissance étrangère, susceptibles de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation », selon une source judiciaire confirmant l’information lundi soir de l’émission Quotidien.
Fervent défenseur de la Corée du Nord
En poste au Sénat depuis 2003, Benoît Quennedey alternait, comme le veut le règlement, les mobilités législatives et administratives. Passé par la commission des finances, il était jusqu’à présent l’un des administrateurs de la Direction de l’architecture, du patrimoine et des jardins de la Haute assemblée. « On nous a dit de ne pas parler aux journalistes » répond un membre du service quand on cite ce nom.
Benoît Quennedey avait un tropisme certain pour la Corée du Nord. Auteur de deux ouvrages, et de nombreuses interventions médiatiques sur le régime de Pyongyang, ce haut fonctionnaire n’hésitait pas à le présenter sous son meilleur jour. Pays où il « n’y a pas de papiers par terre », « un modèle de développement » où « la santé et l’éducation sont gratuites » expliquait-il dans une vidéo YouTube postée l’année dernière.
« Il faisait un travail d’influence auprès des parlementaires »
Le sénateur LREM André Gattolin se souvient très bien de Benoît Quennedey. « Il faisait partie des personnes que j’évitais » lâche-t-il à l’évocation de son nom. Élu au Sénat en 2011 sous l’étiquette Europe-Ecologie Les Verts, André Gattolin choisit le groupe d’amitié parlementaire France/Mongolie. « Benoît Quennedey était administrateur de ce groupe d’amitié. Et très vite, il m’a contacté pour que je rencontre des écolos Sud-Coréens. Ils n’étaient pas plus écolos que ma grand-mère. Ils m’ont surtout parlé de rapprochement entre les deux Corées, que la Corée du Nord, ce n’est pas ce qu’on pensait... Plusieurs administrateurs du Sénat sont venus me voir pour se plaindre de son attitude. Il faisait un travail d’influence auprès des parlementaires. Je trouve surprenant qu’il n’y ait pas eu de décision du Sénat sur son sujet en interne. C’est très dommageable pour l’image du Sénat » juge-t-il auprès de publicsenat.fr.
« Je n’ai jamais pensé qu’il pouvait être un agent propagandiste »
Christophe-André Frassa, sénateur LR et premier vice-président du groupe d’étude France-Corée du Nord a répondu à publicsenat.fr depuis la Chine. « J’ai vu que même le Guardian parlait de cette affaire. À l’international, on en parle plus que des gilets jaunes ». Christophe-André Frassa connaissait évidemment Benoît Quennedey. « Il parlait énormément de ce pays. Je l’ai croisé là-bas une fois en 2013 alors que j’y étais avec la délégation sénatoriale. Mais je n’ai jamais pensé qu’il pouvait être un agent propagandiste »
Benoît Quennedey a également eu des fonctions au sein du Parti Radical de Gauche dont il a été secrétaire national. Françoise Laborde, sénatrice PRG de Haute-Garonne « le connaissait sans le connaître ». « Je suis tombée des nues quand j’ai appris cette affaire. Mais il reste présumé innocent » insiste-elle.
Sans préjuger de l’issue pénale de cette affaire, un fonctionnaire du Sénat soumis au devoir de réserve comme le prévoit l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, peut-il donner son point de vue dans les médias sur la Corée du Nord ? « Ce qui n’est pas compatible, c’est de se prévaloir à l’excès de sa qualité de fonctionnaire du Sénat. Les personnels du Sénat ont le droit à une activité privée » explique un membre de la commission de déontologie du personnel du Sénat avant de préciser. « Nous n’avions pas été saisis du cas de Benoit Quennedey ».