Par 240 voix pour, 85 contre et 18 abstentions, le Sénat a adopté ce mardi la réforme ferroviaire, après l'avoir modifiée pour donner des gages aux syndicats (voir notre article sur les apports du Sénat). Le 11 juin prochain, sénateurs et députés tenteront de se mettre d’accord sur un texte commun en commission mixte paritaire.
Dans le détail du vote, parmi les 18 abstentions, 9 sénateurs PS n’ont pas suivi la consigne de vote contre de leur groupe (voir notre article sur le sujet). Au groupe RDSE, on compte 6 abstentions et 16 pour, dont Didier Guillaume. Au groupe LR, il y a 141 voix pour, un seul vote contre (Marc Laménie) et 2 abstentions.
Ci-dessous, les extraits vidéos des explications de vote des différents groupes politiques.
La ministre Elisabeth Borne salue « le travail étroit avec le Sénat »
SNCF : la ministre Elisabeth Borne salue « le travail étroit avec le Sénat »
« Engagements tenus ». La ministre des Transports, Elisabeth Borne, n’a pas caché sa satisfaction, après le vote par le Sénat de la réforme ferroviaire, ce mardi. L’exécutif est resté ferme tout au long des débats sur le cœur du projet de loi : ouverture à la concurrence, fin du statut des cheminots pour les nouvelles embauches et passage en société anonyme de la SNCF.
La ministre a pu compter sur une majorité sénatoriale pour le moins constructive. « Nous avons enrichi le texte grâce aux discussions que le gouvernement a voulu mener avec les syndicats et toutes les parties prenantes. C’est aussi le fruit d’un travail étroit avec votre Haute assemblée. Je tiens à remercier particulièrement Gérard Cornu », rapporteur du texte, a salué la ministre. Ce « travail commun » a permis d’apporter « des réponses (aux questions) que les cheminots peuvent encore se poser ». Et une prise en compte de l’aménagement du territoire, volonté que la ministre « partage ».
Reste encore la commission mixte paritaire (CMP), où députés et sénateurs chercheront un accord. La ministre est « confiante ». « Je ne doute pas que cet esprit de dialogue se poursuivra pour aboutir à un texte commun ». La CMP est prévue le 11 juin prochain.
Éliane Assassi : « Nous sommes fiers d’avoir porté au Sénat la voix des cheminots »
Eliane Assassi : « Nous sommes fiers d’avoir porté au Sénat la voix des cheminots »
La présidente du communiste du Sénat a été la première à prendre la parole pour une explication de vote. Lors de l’examen du projet de loi, les communistes ont constitué les principaux opposants à la réforme. « Nous avons été le seul groupe à voter un amendement de suppression de l’article 1 qui transforme la SNCF en une myriade de sociétés anonymes soumises au code du commerce » a d’ailleurs rappelé Éliane Assassi, déplorant « la fin de 80 ans de service public ferroviaire ».
La sénatrice a également attaqué le retour « aux très vieilles sirènes libérales » d’Emmanuel Macron. « Nous sommes fiers d’avoir bousculé le scénario (de l’examen du texte) par la force de nos interventions et par nos amendements. Nous sommes fiers d’avoir porté au Sénat la voix des cheminots mais aussi des usagers, des citoyens, de tous ceux qui refusent une société ou l’accès à la mobilité sera différent selon que l’on réside à la ville ou à la campagne ».
Hervé Maurey : « Le texte qui vous est proposé » est un « point d’équilibre »
14H40 : Hervé Maurey : « Le texte qui vous ai proposé » est un « point d’équilibre »
« La ministre des transports a eu l’intelligence de comprendre que le Sénat n’était pas dans une posture politicienne, qui le conduirait à s’opposer par principe à ce texte » déclare Hervé Maurey, sénateur centriste de l’Eure, aux avant-postes de la réforme. « L’Assemblée n’a pas prétendu tout régler, et le Sénat a eu à cœur de privilégier l’intérêt général ».
Le sénateur explique : « Dès l’origine nous avons été guidés par quatre objectifs » : « Renforcer le volet aménagement du territoire, offrir aux salariés de réelles garanties en cas de transferts, poser les conditions nécessaires de la réussite de l’ouverture à la concurrence, et maintenir un haut niveau de sûreté et de sécurité au sien du système ferroviaire ».
Selon lui, la « situation a évolué positivement » et les grèves doivent arriver à leurs termes. « Le texte qui vous est proposé constitue donc un point d’équilibre, et j’espère que son adoption, ainsi que les annonces du gouvernement sur la dette, permettront enfin de sortir d’un conflit social, qui n’a que trop duré. Je dois à cet égard me réjouir que le gouvernement et le Président de la République, malgré la pression des syndicats, n’aient pas fléchi, et je tiens à les féliciter ».
« Sur ce texte, comme toujours, le Sénat a prouvé son sens des responsabilités et de l’intérêt général (…). Le rôle joué par le Sénat dans cette réforme majeure a été démontré, et il a également montré la nécessité d’un bicamérisme équilibré » souligne Hervé Maurey.
« Je crois Madame la ministre, qu’il faudra que le gouvernement s’en souvienne, lors des discussions à venir sur les discussions constitutionnelles » conclut-il.
Olivier Jacquin pour le groupe PS : « Un vote contre qui n’est pas protestataire mais de vigilance »
Pour le groupe PS, le sénateur de Meurthe-et-Moselle, Olivier Jacquin, a commencé par la fin : « Nous venons de démontrer que le Sénat, lorsqu’il est pris en considération, est un élément déterminant du bicamérisme et de la démocratie parlementaire. Vive la République ! Vive le Sénat ! » a lancé le sénateur sous les applaudissements de ses collègues. Satisfait de son effet, il se retourne vers Gérard Larcher, qui préside la séance : « On est d’accord ? »
Olivier Jacquin pour le groupe PS : « Un vote contre qui n’est pas protestataire mais de vigilance »
Les sénateurs PS ne sont en revanche pas tous d’accord sur la réforme ferroviaire. Deux heures plus tôt, il a fallu une longue réunion pour arrêter une position de groupe : les sénateurs PS votent contre le texte, mais certains étaient pour l’abstention, comme le président de groupe Patrick Kanner (voir notre article pour plus de détails).
« Nous ne vous donnerons pas un chèque en blanc pour une destination inconnue et voterons contre ce projet de loi » lance Olivier Jacquin, reprenant les mots du premier secrétaire Olivier Faure, qui a multiplié les appels aux sénateurs PS pour les inciter à s’opposer. « Un vote contre qui n’est pas protestataire mais de vigilance avant la CMP et les dernières discussions avec les syndicats ». Si « des progrès législatifs » ont été « obtenus », c’est « parce que la mobilisation syndicale et parlementaire a été forte » insiste le socialiste, qui souligne que « sur les petites lignes et l’aménagement du territoire, les imprécisions et les incertitudes sont nombreuses ».
Gérard Cornu, rapporteur LR du texte : « Il faut savoir arrêter une grève »
« Le Sénat était très attendu sur la réforme ferroviaire » a rappelé Gérard Cornu, rapporteur LR du texte. Laissant de côté l’option d’une « opposition stérile au gouvernement », la majorité sénatoriale LR-UDI a choisi l’attitude « plus responsable de sortir par le haut de cette épreuve ». Et ce malgré « l’attitude méprisante du gouvernement envers les sénateurs » sur d’autres textes.
Gérard Cornu, rapporteur LR de la réforme SNCF au Sénat : « Il faut savoir arrêter une grève »
Le rapporteur a salué le « climat de confiance qui s’est instauré entre la commission et la ministre Élisabeth Borne qui a permis une co-construction de la loi ». Sénat et exécutif ont en effet travaillé main dans la main sur ce texte. Gérard Cornu espère bien que députés et sénateurs trouveront un texte commun lors de la CMP la semaine prochaine. « Le premier ministre a été satisfait de l’attitude responsable du Sénat. Et j’espère que la réforme constitutionnelle sera l’occasion de s’en souvenir » a glissé au passage Gérard Cornu…
Le sénateur LR a rappelé les apports du Sénat : volet social renforcé, notamment avec le « volontariat à l’échelle d’une région, le droit au retour de 3 à 6 ans, porté à 8 ans », ou encore l’aménagement du territoire avec la défense des dessertes TGV des villes moyennes.
Pour conclure, après l’ex-LR, Claude Malhuret, qui a cité Lénine, Gérard Cornu s’est fait le plaisir de citer Maurice Thorez, ancien numéro 1 du PCF : « Il faut savoir arrêter une grève ». Ce qui a fait rire Gérard Larcher (voir la fin de la vidéo). A l’adresse des syndicats, le rapporteur ajoute : « Le texte issu du Sénat vous en donne une véritable opportunité ».
Claude Malhuret attaque durement les communistes « et leur idéologie archi-décédée »
Claude Malhuret attaque durement les communistes « et leur idéologie archi-décédée »
Le président du groupe Les Indépendants-République et Territoire, Claude Malhuret a eu des mots extrêmement durs à l’encontre du groupe communiste et son passage à la tribune a pris des airs de réquisitoire. La réforme de la SNCF est, selon lui, « une défaite cuisante pour ceux qui ont organisé la pire des formes de grève. La grève à répétition destinée à pourrir au maximum et le plus longtemps possible la vie de nos concitoyens ». « Le mythe de l’intouchabilité du statut public » est pour Claude Malhuret « usé jusqu’à la corde » avant d’ajouter que « la stratégie des jusqu’au-boutistes de la grève est un échec » en raison « de l’absence de soutien populaire, et de la fissure du front syndical ». « 2018 ne sera pas 1995 » s’est félicité ce proche d’Alain Juppé.
« La marée populaire était une marée basse »
Le président du groupe Les Indépendants va alors ponctuer son intervention de métaphores tranchantes, du type « la marée populaire était une marée basse », entraînant fatalement des protestations sonores des sénateurs communistes. « Vous savez ce que disait Lénine ? Les siffleurs ont une tête d’oiseau » leur a-t-il répondu. Après cette citation bien énigmatique, Claude Malhuret a repris son ton provocateur émaillé de références soviétiques. « Comme disait Staline, ce qui compte ce n’est pas le vote, c’est la façon dont on compte les votes » a-t-il moqué le vot’action des cheminots. Les communistes qui se réclament de leur « idéologie archi-décédée, comme ces personnages de bande dessinée qui continuent de marcher sans s’apercevoir qu’ils sont au-dessus du ravin » a-t-il poursuivi.
« Maillot de bain et caniche en laisse »
Claude Malhuret n’a visiblement pas apprécié le jour où les communistes sont venus dans l’hémicycle en chasuble (voir notre article) « pas compatible avec la dignité de notre assemblée » d’après lui. « Si nous acceptons ce précédent sans réagir dans la société du spectacle où nous vivons alors il ne faudra pas s’étonner que demain d’autres viennent en maillot de bain ou avec leur caniche en laisse » a-t-il fustigé.
Jean-Pierre Corbisez : « Nous avons amélioré le texte de nos collègues députés »
Jean-Pierre Corbisez : « Nous avons amélioré le texte de nos collègues députés »
« Cette réforme est complexe et sensible » déclare Jean-Pierre Corbisez, sénateur RDSE du Pas-de-Calais. « Je souhaite souligner le travail remarquable de notre commission présidée par Hervé Maurey, et de notre rapporteur Gérard Cornu. Nous avons su améliorer le texte de nos collègues députés. Preuve en est (…) de l’intérêt d’un bicamérisme équilibré, et signe d’un Sénat en pleine vitalité ».
Selon lui, les apports du Sénat sont décisifs : « Notre assemblée a su répondre à un certain nombre d’inquiétudes exprimées ces dernières semaines, notamment au travers du mouvement de grève que nous connaissons (…) On peut se féliciter de l’inscription dans la loi de l’incessibilité du capital de la SNCF, et de l’ajout de garanties certaines pour la protection des cheminots ».
Frédéric Marchand : « Incessibilité et inaliénabilité sont les deux mamelles de notre service public ferroviaire »
Frédéric Marchand : « incessibilité et inaliénabilité sont les deux mamelles de notre service public ferroviaire »
« Nous n’avons pas failli, le train est parti à l’heure, (…) il est arrivé en gare, sans retard, après un voyage harassant, mais oh combien passionnant » déclare Frédéric Marchand sénateur LREM du Nord. « La qualité de nos débats fait honneur à la vie parlementaire, car le débat, nous l’avons eu, et il a permis aux uns et aux autres de s’exprimer au regard de leurs sensibilités ».
Selon lui, « cette réforme ferroviaire, ce n’est ni une victoire pour les uns, ni une défaite pour les autres. C’est d’abord et avant tout la volonté que nous avons sur ces bancs de préserver notre service public ferroviaire à la française en l’armant de la meilleure façon qui soit face à l’ouverture à la concurrence ».
« Oui l’exercice a été collectif. Sénat et gouvernement ont travaillé en bonne intelligence, et nous avons particulièrement apprécié, Madame la ministre, l’état d’esprit dans lequel vous avez souhaité d’emblée placer l’examen de ce texte et le travail de concertation fait en amont » affirme-t-il.
Le sénateur de la majorité est clair : « La vérité est pourtant simple : incessibilité et inaliénabilité sont les deux mamelles de notre service public ferroviaire et le resteront ».
« Il semble que le moment est désormais venu d’ouvrir une nouvelle page de notre grande histoire ferroviaire, et de réconcilier les Français de tous bords et de tous horizons avec le chemin de fer » conclut-il.