SNCF, radars, assurance chômage : six dossiers chauds qui ont opposé Élisabeth Borne aux sénateurs

SNCF, radars, assurance chômage : six dossiers chauds qui ont opposé Élisabeth Borne aux sénateurs

La nouvelle Première ministre est marquée par cinq années d’expérience, à trois postes différents, sous les gouvernements Philippe et Castex. Une séquence au cours de laquelle l’ancienne présidente de la RATP a défendu plusieurs réformes ou décisions emblématiques. Parfois en croisant le fer avec les sénateurs.
Guillaume Jacquot

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Transports, puis Transition écologique avant de finir par le Travail. Durant ses cinq années passées au gouvernement sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, Élisabeth Borne a géré une variété de réformes, parfois contestées par les oppositions. Lors des débats au Sénat, en commission ou dans l’hémicycle, la ministre a eu régulièrement l’occasion de batailler pour défendre l’action de son gouvernement.

Printemps 2018 : le pacte ferroviaire démarre sur les chapeaux de roues au Sénat

La réforme ferroviaire est le premier grand dossier aux mains d’Élisabeth Borne. Le texte arrive au Sénat au mois de mai 2018. Lorsque débute la discussion générale en hémicycle, l’accueil est mouvementé. D’ordinaire calme, la séance est marquée par un happening des sénateurs communistes. Vêtus de chasubles de couleur orange, ils brandissent des pancartes. « Mon train, j’y tiens » ou encore « La SNCF n’est pas à vendre » figurent parmi les slogans imprimés. En réponse, Élisabeth Borne prend le contrepied des critiques exprimées. Avant d’élever la voix : « Je pense que ni le gouvernement, ni personne sur les bancs de l’Assemblée nationale, personne sur les bancs du Sénat ne veut privatiser la SNCF ! »

Réforme de la SNCF: "Personne ne veut privatiser la SNCF" rappelle Elisabeth Borne
01:45

De son côté, la droite sénatoriale, bien que partisane d’une réforme « en profondeur » de la SNCF, exprime ses craintes d’un « écrémage » des dessertes TGV, par la voix du rapporteur LR Gérard Cornu.

L’examen sous tension du budget, fin 2018, en plein mouvement des Gilets Jaunes

Au lendemain de l’acte III des Gilets Jaunes, marqué par l’incendie de la préfecture du Puy-en-Velay et les dégradations de l’Arc de Triomphe, c’est à Élisabeth Borne que revient de représenter le gouvernement au Sénat. La Haute assemblée examine ce 2 décembre 2018 les crédits de la mission écologie et des mobilités durables. Tout un symbole, étant donné que la hausse de la fiscalité sur les carburants a servi de détonateur au mouvement social. Après un samedi de violences, c’est un Sénat à la fois abasourdi et hostile qui s’exprime face à la ministre. Jean-François Husson, le rapporteur thématique appelle à une inflexion, et annonce que la majorité sénatoriale refusera de voter les crédits. « La France s’est réveillée hébétée, traumatisée par des images de chaos, de guérilla urbaine. Il est urgent, Madame la ministre, je vous le dis en mon nom personnel, mais aussi, je le crois, au nom de l’ensemble de mes collègues, de prendre conscience et de changer de cap. »

L’intervention la plus forte vient du président du groupe socialiste, Patrick Kanner, à l’issue d’une discussion compliquée sur le chèque énergie, lance : « Connaissez-vous, Madame la ministre, les Shadoks ? Comme eux, vous taxez, taxez, taxez, puis vous compensez, compensez, compensez ! » La ministre proteste sur le banc du gouvernement. Le sénateur poursuit, en parlant d’un « le fossé en train de se créer entre le peuple et les élites ». Colère froide de la ministre, qui insiste sur la diminution de la pression fiscale depuis le début du quinquennat. Élisabeth Borne renvoie surtout la faute au quinquennat précédent. « Qu’ont fait vos prédécesseurs et vous-mêmes pour permettre à nos concitoyens, dans ces territoires, de disposer de solutions alternatives à la voiture individuelle ? »

Passe d’armes entre Patrick Kanner et la ministre des Transports
01:32

 

Février 2019 : à la recherche du financement de la loi d’orientation des mobilités

Deuxième grand projet de loi géré par Élisabeth Borne : le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM). Contrairement à la réforme de la SNCF, ce texte centré sur les transports du quotidien déçoit la majorité sénatoriale. Son talon d’Achille ? Son financement. La ministre est auditionnée le 13 février 2019, en amont de l’examen en commission. Le président de la commission de l’aménagement du territoire, Hervé Maurey (Union centriste), ne ménage pas la ministre pour savoir si les recettes issues des radars viendront financer les ambitions du projet de loi. Selon les informations du sénateur, la part fléchée à l’Agence de financement des infrastructures de transport doit doubler avant la fin du quinquennat.

Financement des transports : passe d’armes entre Elisabeth Borne et Hervé Maurey sur les amendes des radars
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Elisabeth Born botte en touche. « Écoutez, moi je ne vais pas commenter les tableaux des chefs de bureau de Bercy, qui peuvent faire preuve d’une grande créativité, on n’en doute pas. Je ne sais pas qui les a produits. Chacun peut avoir ces réflexions, ça n’a pas été présenté et assumé par le gouvernement. » La ministre se permet de rappeler que les recettes tirées des radars ont été « dynamiques » ces dernières années. Un mois avant le saccage des Gilets Jaunes, le sénateur Maurey s’étonne. « Je ne pense pas que l’on puisse se réjouir du dynamisme des recettes des amendes radars, qui explique en grande partie les événements que l’on connaît aujourd’hui. Les radars n’ont pas été créés pour satisfaire les recettes de l’État, mais afin de satisfaire des objectifs de sécurité routière. »

Juin 2020 : à la rescousse de la Convention citoyenne pour le climat

Après neuf mois de travaux, la Convention citoyenne sur le climat remet les résultats de ses travaux en juin 2020. Élisabeth Borne est encore ministre de la Transition écologique pour quelques jours encore, avant son arrivée au Travail. Au Sénat, certains, comme le sénateur LR Jean-Marc Boyer, s’agacent de la procédure de la convention, 150 citoyens, « triés sur le volet vert, pas forcément vertueux ». Le parlementaire du Puy-de-Dôme dit craindre « une décroissance mortifère de nos territoires ». Élisabeth Borne monte au créneau, après cette question adressée au Premier ministre Edouard Philippe.

Attaquée sur sa légitimité, la convention citoyenne mérite le « respect », selon Elisabeth Borne
04:26

Elle évoque la perspective d’un débat parlementaire sur les propositions de la convention, évacuant ainsi la critique d’un pouvoir législatif contourné. Mais c’est surtout sur la défense de la légitimité des 150 constituants qu’elle se montre plus combative. « Le respect impose de ne pas sortir, mettre en exergue quelques mesures, alors que le principe du travail qui a été réalisé par ces citoyens, c’est vraiment d’apporter des réponses globales. » Selon elle, ces 150 citoyens sont « à l’image de notre pays » et « méritent le respect » pour avoir pris « sur le temps personnel » pendant neuf mois.

Électricité dans l’air après l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim en juillet 2020

Huit ans après la promesse de François Hollande, le 29 juin 2020, marque l’arrêt définitif de la centrale nucléaire de Fessenheim, avec l’extinction du deuxième réacteur. La page se tourne alors qu’Élisabeth Borne est aux commandes du ministère de la Transition écologique depuis près d’un an. Cinq jours avant le remaniement ministériel, Élisabeth Borne doit faire le service après-vente face à une majorité sénatoriale, remontée sur le sujet.

« L’arrêt de Fessenheim incarne l’écologie de responsabilité » déclare Elisabeth Borne
01:38

La présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas (LR), exige de savoir ce qui a motivé le choix de la décision de fermer la centrale. « Elle n’est évidemment pas écologique : vous privez notre pays d’une énergie décarbonée », s’offusque-t-elle. La voix de la ministre se perd dans l’agitation d’un hémicycle qui proteste sur sa partie droite. « L’arrêt de Fessenheim incarne l’écologie de responsabilité portée par le Président de la République, le Gouvernement et la majorité depuis 2017 », assure Élisabeth Borne. « Écologie politique » s’écrie le président du groupe LR, Bruno Retailleau.

En 2021, la saga de la réforme de l’assurance chômage

L’année 2021 est marquée par son activité au ministère du Travail. Outre les problématiques liées aux restrictions d’activité dans le contexte du covid-19, Élisabeth Borne doit également s’atteler à la déclinaison des différents volets de l’assurance chômage, sur fond de craintes des organisations syndicales. Lors d’une question au gouvernement, le 3 mars 2021, le socialiste Hervé Gillé accuse le gouvernement de « faire peser ses objectifs d’économies sur les plus fragiles ». Il s’exclame : « Tous les partenaires sociaux sont contre et nous sommes nombreux à vous demander d’abroger ce projet de réforme conçu en 2019 dans un tout autre contexte et inadapté en temps de crise. »

Élisabeth Borne joue la carte de l’incompréhension. « De quelle réforme parlez-vous ? » rétorque-t-elle. « La réforme que j’ai présentée hier est le fruit de 6 mois d’échanges ininterrompus avec les partenaires sociaux. Elle repose sur deux principes : lutter contre la précarité et assurer plus d’équité dans le calcul des allocations-chômage. »

Trois mois plus tard, malgré une suspension par le Conseil d’Etat des nouvelles modalités de calcul de l’allocation-chômage, la ministre se montre inflexible. La réforme sera maintenue et le gouvernement devra convaincre la plus juridiction administrative du pays que le projet de réforme est bien adapté à la conjoncture. L’affaire occupe une grande partie des questions lors d’une audition à la commission des affaires sociales le 30 juin 2021. L’écologiste Raymonde Poncet Monge dénonce une « obstination déraisonnable ». Bonne connaisseuse du dossier, la sénatrice LR Frédérique Puissat épingle aussi la méthode de l’exécutif. « La vraie difficulté, c’est la façon dont elle n’a pas été négociée avec les partenaires sociaux. On a tranché sans compromis. Ne considérez-vous pas que cette réforme non négociée est un bel exemple de ce que nous ne devrions pas reconduire pour l’avenir ? »

Droite dans ses bottes, l’ancienne ministre de la Transition écologique conteste les critiques qui lui sont adressées. « Je ne partage pas le fait qu’on ferait preuve d’obstination en voulant mener à bien cette réforme de l’assurance chômage », insiste-t-elle. Avant de s’en prendre elle-même à ses détracteurs. « Dans cette réforme, j’entends peu de nos interlocuteurs se préoccuper de l’impact des paramètres de l’assurance chômage sur le marché du travail », s’étonne-t-elle, en référence à l’explosion des contrats courts.

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